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Est-ce encore possible de sauver le pays du Cèdre ?

Est-ce encore possible de sauver le pays du Cèdre ?

La confiance dans le système bancaire s’est effondrée. Photo Marc Fayad

La réponse est oui... Mais plusieurs conditions s’appliquent ! En 2008, la Bourse de Beyrouth a enregistré une croissance de 51 %, ce qui en a fait d’elle la Bourse la plus performante au monde à l’époque. Malgré un conflit important en 2006 avec Israël, l’économie libanaise a pu croître d’au moins 8 % pendant les années de pointe de la crise financière mondiale. Cet épisode a été suivi d’une période de croissance stable de 2011 à 2017. Cependant, la fortune économique du Liban a commencé à changer. La guerre civile syrienne a exercé une pression supplémentaire sur l’économie, déplaçant 1,5 million de réfugiés au Liban, soit un réfugié pour quatre ressortissants. Dans l’ensemble, la détérioration des conditions économiques, conjuguée à l’instabilité politique, a poussé de nombreux Libanais à quitter le pays, en particulier ceux qui avaient les moyens économiques de le faire. Cet exode de citoyens ainsi que l’augmentation des transferts de capitaux à l’étranger ont laissé l’économie libanaise avec peu de marge de manœuvre pour l’avenir. Alors que le pays a fêté ses 100 ans d’existence en 2020, une restructuration de l’économie du pays aurait pu être le cadeau d’anniversaire dont les citoyens ont désespérément besoin. Jusqu’à présent, les États-Unis n’ont offert qu’un soutien ad hoc, faisant le minimum pour éviter l’effondrement total du pays. Au lieu de cela, ils ont confié le dossier du Liban à la France. Au cours de l’année 2021, la France a pris l’initiative de tenter de résoudre les crises dans son ancienne colonie, et le président français Emmanuel Macron s’est rendu dans le pays à plusieurs reprises après l’explosion au port de Beyrouth en août 2020 afin de promouvoir un nouveau contrat social entre l’État libanais et la population. Le plan français, cependant, a naïvement misé sur la même élite politique qui a bénéficié du plan de partage du pouvoir sectaire du pays pour réformer ce même système. Il n’y avait aucun bâton, aucune menace de répercussions pour encourager une classe dirigeante très obstinée – et prétendument très corrompue – à changer son comportement. Les manifestations civiles bruyantes mais essentiellement non violentes, qui ont balayé le pays depuis le 17 octobre 2019, ont véhiculé une demande impérieuse de changement. La confiance dans le système bancaire s’est effondrée. À ce jour, la livre libanaise s’est dépréciée de plus de 92 %. Selon les dernières statistiques (janvier 2022), l’inflation a atteint 201 % et

l’hyperinflation – une hausse vertigineuse des prix semblable à celle du Soudan (340 %), voire du Venezuela (1 198 %) – se profile à l’horizon. Le chômage, quant à lui, a atteint des niveaux record, entraînant une émigration massive et vidant le Liban de son principal atout : son capital humain. En effet, « le taux de chômage est passé de 11,4 % » en 2019 à « 29,6 % en janvier 2022 », ont indiqué l’Administration centrale des statistiques au Liban (ACS) et l’Organisation internationale du travail (OIT) dans un communiqué. La double explosion au port de Beyrouth, combinée au confinement de la population en raison de la pandémie de Covid-19, a créé un paysage apocalyptique. Elle a aggravé l’impasse politique et économique qui paralyse ce pays. Le coût de la seule reconstruction est estimé à plusieurs milliards de dollars américains que le Liban est incapable de financer tout seul. Les perspectives de reprise économique au Liban demeurent pour l’instant très sombres. Le magnat des télécommunications, Nagib Mikati, à la tête de l’exécutif depuis neuf mois, a été désigné (déjà trois fois Premier ministre : 2005, 2011 et septembre 2021), à une très courte majorité, pour composer le nouveau cabinet, après les législatives du 15 mai. S’il est formé, le gouvernement doit reconnaître les importants écarts budgétaires et monétaires de l’économie et mettre en œuvre un programme de réforme complet, crédible et cohérent. Les priorités urgentes sont la stabilisation économique et le rétablissement de la confiance dans les systèmes bancaire et financier considérés comme les fleurons de la prospérité du pays avant 1975. Plus spécifiquement, le Liban a désespérément besoin d’un programme de redressement – semblable au plan Marshall, un programme d’aide économique et financière qui avait pour but de contribuer à la reconstruction de l’Europe, dévastée par la Seconde Guerre mondiale – d’environ 30 à 35 milliards de dollars, en plus des fonds destinés à reconstruire le port et le centre-ville de Beyrouth. Pour y parvenir, le nouveau gouvernement devra mettre en œuvre rapidement un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), sur la base d’un consensus national. Les mesures de réforme politique (non exhaustives) visant à instaurer la confiance au cours des prochains mois se résument comme suit : 1. Contrôler de manière crédible les capitaux afin de protéger ce qui reste des dépôts, de rétablir la confiance et d’encourager le retour des transferts de fonds et des capitaux dans le pays notamment ceux de la diaspora. La fuite des capitaux, associée à de mauvaises conditions macroéconomiques générales, a fait grimper le ratio de 1 500 livres pour un dollar avant 2019 à quelque 35 000 en 2022. Le crédit, la liquidité et l’accès aux devises étrangères sont essentiels pour l’activité du secteur privé, qui est le principal moteur de la croissance et de la création de l’emploi. 2. Restructurer la dette publique, intérieure et extérieure (qui dépasse désormais plus de 100 milliards de dollars américains), afin d’atteindre un ratio dette/PIB viable. Étant donné l’exposition du système bancaire à la dette de l’État et de la banque centrale (connue sous le nom de BDL), la restructuration de la dette publique implique également une restructuration du secteur bancaire. Dans cette lignée, le FMI refuse que les déposants assument la restructuration de la dette publique et appelle les banques à assumer leurs responsabilités. 3. Instaurer un processus de recapitalisation des banques qui comprend un mécanisme de fusion des petites banques pour former des consortiums plus larges. Cette recapitalisation nécessite un renflouement de ces institutions et de leurs actionnaires (par une injection de liquidités et la vente de filiales et d’actifs étrangers) d’environ 25 milliards de dollars, afin de minimiser la décote des dépôts. Cela nécessitera l’adoption d’une loi moderne sur l’insolvabilité.

André GERGES

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La réponse est oui... Mais plusieurs conditions s’appliquent ! En 2008, la Bourse de Beyrouth a enregistré une croissance de 51 %, ce qui en a fait d’elle la Bourse la plus performante au monde à l’époque. Malgré un conflit important en 2006 avec Israël, l’économie libanaise a pu croître d’au moins 8 % pendant les années de pointe de la crise financière...

commentaires (2)

Espoir

sarraf antoine

15 h 01, le 13 juillet 2022

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Espoir

    sarraf antoine

    15 h 01, le 13 juillet 2022

  • tres bel elan romantique ! reste a trouver L'HOMME capable d'executer ce plan serieux et viable qui restent encore a trouver!

    Gaby SIOUFI

    10 h 25, le 13 juillet 2022

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