Rechercher
Rechercher

Société - Justice

Ghada Aoun s’estime en droit de poursuivre l’Inspection judiciaire

Un recours de la procureure d’appel du Mont-Liban buterait contre plusieurs obstacles.

Ghada Aoun s’estime en droit de poursuivre l’Inspection judiciaire

Ghada Aoun. Photo Hussam Chbaro

Vraisemblablement contrariée du fait qu’elle a été déférée devant le Conseil de discipline en vertu d’une décision de l’Inspection judiciaire émise il y a une douzaine de jours, Ghada Aoun a évoqué hier l’idée de poursuivre cette dernière instance. Selon la procureure d’appel du Mont-Liban, la mesure prise à son encontre est susceptible d’être contrée, dans la mesure où elle mène des investigations sur des affaires de corruption. La juge Aoun se fonde, selon elle, sur la loi concernant la protection des lanceurs d’alerte (2018), qui prévoit notamment une protection contre des mesures disciplinaires encourues par des fonctionnaires ayant lancé des alertes destinées à lutter contre la corruption. « En voulant m’empêcher de mener mes enquêtes sur les dossiers de corruption, l’Inspection judiciaire et ceux qui se cachent derrière elle agissent de manière à m’octroyer le droit de les poursuivre conformément à la loi sur la protection des lanceurs d’alerte. Les articles 7 et 8 de cette loi disposent que la commission (Mme Aoun ne précise pas de quelle commission il s’agit) peut se saisir d’office en cas de mesures disciplinaires prises contre un fonctionnaire, tels son licenciement, une suspension temporaire de ses fonctions ou une menace d’adoption des mesures précitées. »

Lire aussi

Ghada Aoun une nouvelle fois devant le conseil de discipline

Contacté par L’Orient-Le Jour, l’ancien député et juriste Ghassan Moukheiber, qui a beaucoup œuvré à l’élaboration de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte, estime que la commission qu’évoque la procureure d’appel est la Commission nationale pour la lutte contre la corruption, « seule habilitée à prendre une décision de protection contre un délateur de corruption ». M. Moukheiber affirme toutefois que la compétence de cette commission ne s’applique pas en l’espèce. « On ne peut solliciter une protection au moyen d’un tweet. Il faut qu’une demande en ce sens soit formulée devant la Commission », indique M. Moukheiber, décrivant comme « un pugilat médiatique » les propos de la juge Aoun.

Si la procureure décide de saisir la Commission, encore faut-il que celle-ci la considère légalement comme une lanceuse d’alerte. « Un magistrat peut-il prétendre à bénéficier de cette loi alors qu’il ne donne pas des informations, mais instruit des affaires liées à ces informations ? » se demande l’ancien député, avant d’ajouter : « Plutôt que de demander à être protégé, c’est au juge de protéger les délateurs de corruption. Si la juge Aoun décidait de présenter sa requête devant la Commission nationale de la lutte contre la corruption, ce serait un précédent. »

Lire aussi

Ghada Aoun, au-delà des scandales

Le cas échéant, la Commission en question devrait faire face à d’autres problématiques. « La mesure disciplinaire dont se plaint Ghada Aoun est-elle avérée ? Ou le fait d’être déféré devant le Conseil de discipline constitue plutôt une mesure prédisciplinaire, préalable au verdict de ce Conseil ? Si la Commission adoptait la seconde option, la magistrate ne pourrait pas demander de protection contre une quelconque suspension ou une mise à terme de ses fonctions, puisqu’aucune décision n’a encore été prise en ce sens », estime encore M. Moukheiber.

Une autre question surgirait si la commission décrétait que déférer devant le Conseil de discipline est une mesure disciplinaire. « La mesure serait-elle administrative ou revêtirait-elle un caractère juridictionnel ? Si la Commission optait pour la seconde réponse, la juge Aoun pourrait-elle prétendre à la protection de la Commission, alors qu’elle est déférée devant une instance juridictionnelle, auprès de laquelle elle jouit d’un droit de défense et d’un droit d’interjeter appel ? » s’interroge l’ancien député.

Pour la protection demandée, « il faudrait en tout état de cause que la Commission soit convaincue d’un lien de causalité entre cette mesure et l’action de Mme Aoun contre la corruption », indique-t-il, en allusion au fait que Mme Aoun a pu être déférée devant le Conseil de discipline notamment pour avoir enfreint la loi qui enjoint à un juge du parquet de suivre les instructions de son supérieur hiérarchique, le procureur général près la Cour de cassation, ou encore pour avoir violé l’obligation de réserve.

Lire aussi

Affaires Riad Salamé : le silence troublant de la Commission spéciale d’investigation

Une infraction qu’évoque d’ailleurs la procureure dans son même tweet. « Mon dossier (examiné par le Conseil de discipline) est vide de toute substance. Il se fonde sur une violation de l’obligation de réserve et sur des déclarations sans valeur émises par certains juges (…) » Cependant, pour Mme Aoun, l’obligation de réserve « contredit un droit humain fondamental, à savoir la liberté d’expression ».

Action devant la justice US contre Gebran Bassil et Salim Jreissati ?

Le gouvernement a été officiellement notifié d’une action américaine civile contre Gebran Bassil, député de Batroun et président du Courant patriotique libre, et Salim Jreissati, ex-ministre de la Justice au Liban, a rapporté hier le média local Daraj. Deux plaignants basés aux États-Unis affirment qu’ils auraient conspiré pour les enlever et les torturer.

Le 17 mai dernier, l’ambassade des États-Unis a remis au ministère des Affaires étrangères une copie de la plainte qui énonce les accusations, rapporte Daraj. Les documents devront être transmis au Conseil supérieur de la magistrature, puis aux tribunaux inférieurs compétents, une procédure qui pourrait prendre trois mois à compter de la date du transfert des documents.

Contactée par notre publication anglophone L’Orient Today, l’ambassade des États-Unis n’a pour le moment pas répondu à une demande de confirmation de la remise des documents au gouvernement libanais. Un représentant du CPL n’a pas non plus répondu à une demande de commentaire.

Les plaignants, Élie et Lara Samaha, établis en Floride, affirment que MM. Bassil et Jreissati auraient travaillé de concert avec des proches de Lara Samaha qui auraient cherché à la priver d’un héritage. Selon eux, ces proches seraient allés jusqu’à les attirer au Liban où ils ont été détenus par les autorités libanaises dans des conditions difficiles, dans le but de les forcer à abandonner les poursuites judiciaires pour récupérer l’héritage. Un tribunal américain a par la suite jugé que la décision d’Élie et de Lara Samaha de mettre fin aux poursuites avait été obtenue sous la contrainte.

La notification de l’ambassade des États-Unis au gouvernement libanais est importante, car si les deux accusés ne répondent pas à l’action en justice après en avoir été officiellement informés, ils risquent de faire l’objet d’un jugement par contumace.

Lara et Élie Samaha seraient d’anciens partisans du CPL. Gebran Bassil avait été sommé en octobre 2020 de répondre à une convocation en justice de la cour du district de Floride, qu’elle lui avait adressée quelque temps auparavant. Cette sommation était intervenue dix jours avant l’annonce des sanctions américaines contre lui, décrétées le 6 novembre de la même année, sur la base du Magnitsky Act. Cette loi, qui porte le nom d’un symbole de la lutte contre la corruption, vise tout responsable dans le monde ayant porté atteinte aux droits humains et/ou ayant trempé dans des affaires de corruption. Le Trésor américain avait justifié sa décision par « le rôle joué par M. Bassil dans la corruption au Liban », sans pour autant faire référence à des atteintes aux droits de l’homme.

Vraisemblablement contrariée du fait qu’elle a été déférée devant le Conseil de discipline en vertu d’une décision de l’Inspection judiciaire émise il y a une douzaine de jours, Ghada Aoun a évoqué hier l’idée de poursuivre cette dernière instance. Selon la procureure d’appel du Mont-Liban, la mesure prise à son encontre est susceptible d’être contrée, dans la mesure...

commentaires (3)

Elle se mêle de politique maintenant? Qu’elle se rassure on sait déjà pour qui elle roule et quels sont motivations pour poursuivre les faux délinquants alors que les vrais sont à portée de sa main et qu’elle feigne ne pays voir ni comprendre l’animosité du peuple envers elle. Hypocrite va.

Sissi zayyat

10 h 34, le 10 juin 2022

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Elle se mêle de politique maintenant? Qu’elle se rassure on sait déjà pour qui elle roule et quels sont motivations pour poursuivre les faux délinquants alors que les vrais sont à portée de sa main et qu’elle feigne ne pays voir ni comprendre l’animosité du peuple envers elle. Hypocrite va.

    Sissi zayyat

    10 h 34, le 10 juin 2022

  • FET7A DEKKEN 3A 7SEBA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 22, le 07 juin 2022

  • Mais faites donc madame la juge, on n’est pas à une clownerie près dans ce système judiciaire du 19eme siècle

    Lecteur excédé par la censure

    16 h 43, le 07 juin 2022

Retour en haut