La procureure générale du Mont-Liban, Ghada Aoun, continue d’être au centre de remous judiciaires. L’Inspection judiciaire (IJ) dont relève la mise en jeu de la responsabilité disciplinaire des magistrats l’a déférée la semaine dernière devant le conseil de discipline chargé de statuer sur les infractions reprochées aux juges.
L’annonce de la convocation n’a pas été publiée de manière officielle, et encore moins sa date et les griefs reprochés à Mme Aoun. La loi édicte en effet le secret de la procédure menée au sein de l’IJ et du conseil de discipline. La procureure a cependant elle-même confirmé l’information samedi via son compte Twitter. « Il est ainsi demandé de poursuivre le seul juge qui a osé ouvrir des dossiers ! Monsieur le président de l’Inspection judiciaire, pouvez-vous me dire pourquoi n’avoir pas déféré devant le conseil disciplinaire celui qui a étouffé le dossier des changeurs (…) ou celui qui tente de m’empêcher de poursuivre le dossier (de la société de convoyage de fonds) Mecattaf ? » a-t-elle écrit, en allusion au procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate.
La juge avait été déférée une première fois en avril 2021 devant l’IJ. Elle avait à l’époque effectué des descentes ultramédiatisées au siège de la société Mecattaf, à Awkar (Metn), devant une foule de partisans du Courant patriotique libre (dont elle est proche), qu’elle avait harangués. Elle avait également refusé de se conformer à une décision de M. Oueidate, consistant à la dessaisir des affaires liées aux crimes financiers. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) lui reprochait ainsi « sa violation récurrente du droit de réserve et son refus de répondre aux convocations du ministère public ». On ne sait pas si les motifs pour lesquels Mme Aoun a été déférée la semaine dernière devant le conseil de discipline sont liés à une enquête qu’aurait menée l’Inspection judiciaire pendant plus d’une année sur ces questions.
Non conforme aux règles
Ghada Aoun avait également été convoquée devant le même conseil le mois dernier. Elle venait d’effectuer un séjour en France, au cours duquel elle avait accusé publiquement de corruption certains de ses collègues. Et contrairement à ce qu’édicte la loi, Mme Aoun n’avait pas demandé au ministre de la Justice, Henri Khoury, l’autorisation de voyager. Avec la coordination de l’homme d’affaires Omar Harfouche, alors candidat aux élections législatives de mai, elle avait répondu à une invitation d’une sénatrice française, Nathalie Goulet, pour participer à un colloque tenu dans une annexe du Sénat. Contacté par L’Orient-Le Jour, M. Khoury, pourtant proche du courant aouniste, précise que le carton d’invitation n’était pas conforme aux règles requises. « Nathalie Goulet n’a pas agi au nom du Sénat, et l’invitation n’a pas suivi la voie officielle, celle qui part du Sénat et arrive au ministère de la Justice, en passant par l’ambassade de France et le ministère des Affaires étrangères. »
Sur la base des propos du ministre Khoury, un responsable politique également proche du camp aouniste estime que si la procureure poursuit ses violations, c’est parce qu’elle jouit de la couverture de plusieurs parties, pas nécessairement de celle du parti fondé par le président de la République Michel Aoun. Il se demande à cet égard pourquoi la procureure n’a subi aucune sanction à ce jour, se référant au fait que les membres de l’Inspection judiciaire ainsi que huit membres (sur dix) du CSM sont nommés par le Conseil des ministres. « Les mesures sont purement judiciaires, mais ceux qui doivent les prendre relèvent de politiques », déplore-t-il, sous couvert d’anonymat. On sait que sur proposition de l’Inspection judiciaire, le CSM a le pouvoir de prononcer des sanctions sévères contre un magistrat. La mesure prise après l’audition du juge concerné peut aller jusqu’à la destitution, si le CSM considère que ce dernier n’est plus habilité à exercer ses fonctions. Mais pour ce faire, il faut le vote de huit de ses membres, majorité difficile à obtenir dans le contexte politique actuel.
Pas de délai de jugement
Le conseil disciplinaire est composé de trois magistrats, à savoir son président, choisi parmi les présidents des dix chambres de la Cour de cassation, et deux membres désignés parmi les présidents de chambre de la cour d’appel. C’est le président du CSM qui les nomme au début de chaque année judiciaire. Contacté par L’OLJ, un proche du CSM refuse, par souci de confidentialité, de révéler leurs noms.
Pour émettre sa décision, le conseil n’est pas tenu par un délai. Un des membres, désigné rapporteur, doit rassembler les preuves, puis établir un rapport à soumettre au conseil. Sur base de ce document, l’instance mène une nouvelle enquête, en préservant certes le droit de défense du juge impliqué. Le jugement du conseil est susceptible de recours devant le Haut Conseil judiciaire de discipline, présidé par le président du CSM (Souheil Abboud) ou son vice-président (Ghassan Oueidate), et formé également de quatre autres membres du CSM.
le mieux qui puisse nous arriver est que cette dame arrive à ses fins. on assisterait alors à une réaction similaire des partis d'en face. la racaille réglant ses comptes entre elle, on peut réver
15 h 48, le 31 mai 2022