Critiques littéraires Romans

La puissance au XXIe siècle en géopolitique

La puissance au XXIe siècle en géopolitique

© Claude Truong-Ngoc

L’invasion de l’Ukraine fut-elle une erreur historique et peut-on la qualifier de dérive ? Non, car il n’y a pas d’erreurs historiques, il n’y a que des erreurs stratégiques ou tactiques ! Il n’y a que des erreurs d’appréciation, des misreadings. Le chef du Kremlin a certainement sous-estimé ses adversaires et ils sont légion.

Les acteurs politiques passent leur vie à jauger leur propre puissance, celle de leurs adversaires et surtout celle de leurs alliés ou supposés tels. Car tout est bras de fer dans les relations internationales. Et toute négociation, aussi diplomatique soit-elle, est un combat pour marquer des points, pour rafler la mise. Une conférence de paix est une bataille sans effusion de sang et c’est le plus menaçant des participants qui est censé l’emporter. En ce moment précis, et pour ce qui est du conflit ukrainien, c’est autour des questions de puissance que le monde retient son souffle. À cet égard, il faut réhabiliter la notion de prépotence et penser la géopolitique dans sa globalité mais aussi dans sa particularité. Pour ce faire, un arsenal d’informations est nécessaire, à savoir des ressources historiques, une compréhension multidisciplinaire (géographie, relations internationales, sociologie, économie etc.) et un esprit politiste.

Frédéric Encel, docteur en géopolitique et auteur du livre Les Voies de la puissance. Penser la géopolitique au XXIe siècle, nous éclaire sur tous les concepts de la géopolitique, du rôle central de l’État mais surtout de l’intérêt de la puissance, et présente les nouveaux « puissants » acteurs de ce monde. La vocation de cet ouvrage est de mettre en avant les voies qui mènent à la puissance, « des critères qui la caractérisent, des conditions requises pour espérer l’atteindre, des capacités qu’elle confère et la nécessaire appréhension de sa relativité ». Longtemps galvaudée, la notion de puissance reprend tout son sens. Certes la géopolitique se nourrit de la multidisciplinarité mais la puissance ne se limite plus à la seule utilisation de la force. Cet ouvrage particulièrement intéressant et documenté est écrit dans un style alerte.

Encel revient d’abord sur les fondamentaux, à savoir comment les représentations d’un soi collectif vont forger des nations qui vont devenir des puissances. On devient puissant en assumant son rôle de puissance, et les voies utilisées sont diverses. Zelensky n’est plus quantité négligeable parce qu’il a « osé résister », et pourtant qui aurait parié sur lui avant le déclenchement du conflit ? Et même si les guerres n’ont pas bonne presse, il existe selon l’auteur des « guerres justes ». Par ailleurs, sans forcément user de la force, un État peut montrer sa puissance par d’autres voies. Cette théorie est illustrée, mais seulement en partie, par le cas de l’Iran qui a inscrit son action régionale dans une dimension « panchiite » dont le Hezbollah en est un parfait exemple. La démographie, la géographie, la force armée, l’économie, le social, la diplomatie, le renseignement, les diasporas, etc., sont autant de critères intrinsèques à la puissance. Encel, bon enfant, insiste sur l’importance de la bonne gouvernance pour servir l’intérêt collectif.

L’auteur contextualise ensuite la situation du monde de presque un quart de siècle en répertoriant de façon explicite les États, acteurs principaux de la puissance, et les enjeux régionaux proéminents. Ainsi, même si la Russie est une puissance pauvre, elle reste « incontournable dans un nombre considérable de dossiers géopolitiques, sectoriels ou territoriaux, à travers la planète ».

Enfin, rappelant que les « inter-socialités » jouent un rôle important dans notre société contemporaine, l’auteur n’oublie pas les nouveaux « puissants » de ce monde. Du groupement des États aux ONG, à la justice internationale, aux groupements religieux, politique ou économique, chacun y trouve sa voie. Nombreux sont ceux qui ont réussi à s’imposer comme les multinationales, les Gafam, les religions, les clans, les régions, les opinions publiques, les grandes personnalités, les mafias, les groupes terroristes, sans oublier l’influence (possible ?) du dérèglement climatique ou d’une pandémie. Les voies et les voix de la puissance seraient-elles peut-être infinies ?

Une chose est sûre : même si les voies de la puissance sont multiples, l’État reste l’acteur principal de la géopolitique contemporaine et la géographie une chance pour certains et une malchance pour d’autres.

Les Voies de la puissance. Penser la géopolitique au XXIe siècle de Frédéric Encel, Odile Jacob, 2022, 304 p.


L’invasion de l’Ukraine fut-elle une erreur historique et peut-on la qualifier de dérive ? Non, car il n’y a pas d’erreurs historiques, il n’y a que des erreurs stratégiques ou tactiques ! Il n’y a que des erreurs d’appréciation, des misreadings. Le chef du Kremlin a certainement sous-estimé ses adversaires et ils sont légion. Les acteurs politiques passent leur vie à...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut