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Idées - Commentaire

Élections législatives : quelles leçons pour la contestation ?

Élections législatives : quelles leçons pour la contestation ?

Un bus publicitaire pour une liste de candidats de la contestation à Baalbeck, le 8 mai 2022. Aziz Taher/Reuters

La plupart des observateurs locaux et étrangers ou des militants de la société civile semblent avoir vu un bouleversement notable dans la conquête de 13 sièges par des candidats se réclamant de la contestation du 17 octobre aux législatives libanaises du 15 mai et la défaite de candidats des partis traditionnels dans certaines circonscriptions-clés. Pourtant, près de 31 mois après un soulèvement populaire contre la classe dirigeante, suivi par le déclenchement d’un effondrement financier majeur et l’explosion du 4 août 2020, on aurait pu s’attendre à ce que les candidats représentant le changement effectuent une percée bien plus importante. Il y a donc des raisons d’être prudent dans l’évaluation de ces résultats et de ce qu’ils signifient pour les visages du soulèvement qui ont maintenant été officiellement intégrés dans le système politique libanais.

Les candidats du soulèvement ont remporté des sièges dans les zones urbaines et rurales et dans les cinq provinces (cinq sièges à Beyrouth, trois au Mont-Liban, deux au sud et au nord du Liban et un dans la Békaa), ce qui représente sept sièges musulmans et six sièges chrétiens. Si l’on compte les votes réels, les candidats du soulèvement ont obtenu 203 857 voix sur 1 861 203 suffrages exprimés, soit environ 11 % des voix. Cela se traduit par l’obtention de 13 sièges, soit 10 % des 128 sièges du Parlement.

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En outre, ces 13 parlementaires peuvent potentiellement compter sur trois alliés supplémentaires avec les députés – Oussama Saad, Abdel Rahman Bizri, et Charbel Massaad – qui ont été élus pour représenter la circonscription du Liban-Sud I. Contrairement à d’autres députés indépendants, tels que Michel Moawad et Neemat Frem, qui ont principalement fait campagne sur une plateforme anti-Hezbollah et un programme de réformes limitées du système, ces trois députés étaient dans la rue lors du soulèvement du « 17 octobre » et ont un programme résolument antisystème. S’ils parviennent à forger une alliance, ils disposeront alors d’un bloc parlementaire de 16 députés, presque égal à chacun des principaux partis traditionnels. Leur potentiel de coalition et leur capacité à adopter des projets de loi demeureront cependant limités, à moins de coopérer avec la classe dirigeante qu’ils détestent depuis longtemps.

Facteurs et inconnues

Il existe différentes façons d’expliquer les raisons de la percée limitée des candidats du soulèvement. Ils n’avaient pas de direction centralisée pour diriger les élections à l’échelle nationale et ils ont, à une exception près, présenté des listes électorales concurrentes, ce qui a pu leur coûter certains sièges dans des circonscriptions-clés, comme Baabda. Dans certains cas, on ne sait pas si des circonstances uniques ont conduit à leur élection ou si les électeurs les rééliront en 2026. Ibrahim Mneimné, Melhem Khalaf et Waddah Sadek ont été élus à Beyrouth II principalement parce que l’ancien Premier ministre Saad Hariri ne s’est pas présenté, et probablement parce que certains votes du courant du Futur auraient pu leur être attribués. Par exemple, bien que le contexte soit différent, Mneimné a reçu 2 747 voix lorsqu’il s’est présenté contre le courant du Futur aux élections municipales de 2016, alors qu’il a obtenu 13 281 voix lors des derniers scrutins sans la participation du parti haririen. De plus, si l’on regarde les résultats de Beyrouth II, un bastion du Futur, Saad Hariri avait reçu 1 485 voix lors des élections générales de 2018, tandis que Mneimné n’avait obtenu que 144 voix, contre 1 203 voix lors des élections de 2022.

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Par ailleurs, les trois sièges gagnés dans la circonscription de Aley pourraient également constituer une exception, en partie liée aux calculs du leader druze Walid Joumblatt : le chef du PSP laisse généralement cette place vacante pour son concurrent traditionnel Talal Arslane, mais le candidat du soulèvement Mark Daou a arraché ce siège avec 11 656 voix. Alors que Talal Arslane a obtenu de meilleurs résultats en recevant 9 008 voix en 2022 contre 7 887 voix en 2018, les voix du principal candidat du Parti socialiste progressiste Akram Chehayeb ont chuté de 14 088 voix en 2022 à 11 373 voix en 2018. Certains de ces votes pourraient avoir renforcé la victoire de Mark Daou.

Certains des candidats du soulèvement ont aussi gagné leur siège grâce à la loi électorale qu’ils ont tant critiquée, comme Cynthia Zarazir à Beyrouth (486 voix) et Michel Douaihy au nord du Liban (1 768 voix). Ces deux-là ont peu de chances d’être élus sous une autre loi électorale et leur victoire pourrait ne pas se répéter en 2026. En revanche, les candidats du soulèvement qui ont reçu des voix compétitives, comme Jad Ghosn (8 526 voix) dans le Metn et Michel Helou (5 483 voix) à Baabda, n’ont pas remporté leur siège. Les candidats du soulèvement n’ont pas obtenu de bons résultats électoraux au Liban-Sud I et II (des bastions du Hezbollah et d’Amal), ni au Kesrouan-Jbeil, où les candidats chrétiens traditionnels et indépendants ont été en concurrence, ni dans la Békaa.

Tirer les leçons

Cette élection a également montré que les candidats issus du soulèvement ont beaucoup à apprendre sur la manière de mener une campagne centralisée, de créer une organisation électorale efficace, de communiquer et de transmettre des messages aux électeurs, et de mener une campagne de terrain, en particulier dans les zones rurales. Les candidats vainqueurs n’ont même pas organisé de rassemblement pour célébrer leur victoire, laissant plutôt ce soin à Sar al-Wa’t, une émission de MTV qui fait depuis longtemps la promotion de la classe politique traditionnelle. Ce qu’ils disent, comment ils le disent et où ils le disent comptera dans la politique libanaise à l’avenir. Les candidats insurgés devraient tirer les leçons de leurs erreurs lors de ce scrutin et commencer à se préparer pour l’élection de 2026 en faisant pression pour une nouvelle loi électorale, en unifiant leurs rangs et en construisant leur structure de campagne. Ils ont beaucoup à faire, un processus d’accumulation plutôt qu’un processus révolutionnaire.

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Et maintenant, que peut faire l’opposition ?

Les candidats issus du soulèvement sont désormais officiellement intégrés au système, non pas en tant que groupe politique unifié mais en tant que candidats dispersés. Pour survivre, le défi consiste à changer la perception de leur désunion pendant la campagne et à tenter de former un bloc parlementaire ayant un minimum de cohérence. Ils seront scrutés plus que les autres parce qu’ils sont les nouveaux venus, mais ont une occasion unique de devenir une force à long terme dans la politique libanaise. Dans le cas contraire, leur participation à cette élection pourrait simplement relégitimer un système en échec auprès de la communauté internationale.

Chercheur et doctorant à l’Université de Bath (Royaume-Uni)

La plupart des observateurs locaux et étrangers ou des militants de la société civile semblent avoir vu un bouleversement notable dans la conquête de 13 sièges par des candidats se réclamant de la contestation du 17 octobre aux législatives libanaises du 15 mai et la défaite de candidats des partis traditionnels dans certaines circonscriptions-clés. Pourtant, près de 31 mois après un...

commentaires (2)

Ils me déçoivent déjà ….

Bery tus

13 h 24, le 28 mai 2022

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Commentaires (2)

  • Ils me déçoivent déjà ….

    Bery tus

    13 h 24, le 28 mai 2022

  • oui ils ont beaucoup a apprendre, oui ils leur manque l'experience tres longue a acquérir vu le pouvoir envahissuer de Kellon, oui ils doivent etre patients, oui ils doivent en toute logique s'allier aux forces dites traditionnelles la ou leurs programmes sont pareils, sans compromis/compromissions juste le marchandage propre a la politique , Finalement ils ont une enorme responsabilite envers la nation,leurs electeurs aussi, car si 4 ans apres ils n'auraient accompli que tres peu... ils auraient decu les citoyens meme ceux qui n'auraient vote pour eux, contestation a jamais etouffee/.

    Gaby SIOUFI

    11 h 28, le 28 mai 2022

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