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Lifestyle - Coolitude

Pour redorer un art en déclin, les geishas quittent leur précieux écrin

Si vous ne pouvez pas aller chez les geishas, les geishas viendront à vous... Incarnation du raffinement tout en discrétion, cet art traditionnel japonais doit s’adapter à d’autres temps et d’autres mœurs.

Pour redorer un art en déclin, les geishas quittent leur précieux écrin

Deux geishas dans les rues de Kyoto. Photo d'illustration Bigstock

Les geishas viennent de sortir de leurs célèbres Tea Houses de la ville de Kyoto où elles officiaient dans le secret de leurs murs depuis des siècles, pour rejoindre le géant Netflix dans une série intitulée The Makanai: Cooking for the Maiko House. La réalisation de ces huit épisodes a été confiée à un grand du cinéma, Hirokazu Kore-eda, qui avait obtenu en 2018 la palme d’or au Festival de Cannes pour son film Shoplifters. Il était le premier réalisateur japonais, depuis 21 ans, à accéder à cette distinction. Pour le petit écran, il va relater l’envers du décor de la vie cérémoniale des geishas. L’action se déroule dans leur quartier à Kyoto et suit une femme qui devient Makanai (personne qui cuisine les repas), dans une maison où vivent ensemble des apprenties geishas. Porte-parole de la Kyoto Foundation, Naoki Enomoto a déclaré espérer que cette série « aiderait à attirer plus de jeunes femmes dans cette voie et permettrait ainsi de continuer à faire vivre les performances des arts japonais traditionnels ». Le rituel geisha, qui en est un, se célébrait en privé. Pendant des siècles, les geishas de Kyoto ont gardé leur art pour quelques privilégiés derrière des portes closes en papier.

L’envers du décor dans la nouvelle série « The Makanai: Cooking for the Maiko House ».

Survivre en conservant leur image de marque

Vêtues de gracieux kimonos, elles dansaient dans un style harmonieux, jouaient du shamisen à cordes, une sorte de banjo, et servaient de la nourriture et des boissons tout en conversant. Aujourd’hui, autres temps, autres mœurs, le public, même s’il reste sélectif, s’est tourné vers d’autres divertissements. « À ma connaissance, le monde des geishas a du mal à trouver un moyen de survivre tout en conservant son image de marque », précise Kimiko Takeyoshi, une ancienne geisha de 48 ans, auteure d’ouvrages sur ce sujet. Dans ce contexte, l’an dernier, nombre de geishas ont quitté cette intimité pour se produire en public. Mettre ainsi en spectacle leur cérémonial qui, comme le veut la tradition, se déroule dans l’intimité, était totalement inédit. Mais, les nouvelles donnes socioculturelles et le Covid-19 les ayant quelque peu marginalisés, elles se sont vues contraintes de recourir à de nouveaux moyens pour subsister. Kyoto, qui jusqu’en 1868 avait été la capitale impériale du Japon, est devenue la capitale des geishas dont l’âge d’or a culminé vers la fin des années 80. Ainsi, le prix d’une visite dans une Tea House pour partager un moment avec une geisha revenait à environ 160 dollars l’heure, auxquels il fallait rajouter 80 à 160 dollars pour la nourriture et la boisson. Et un montant similaire en guise de cadeau pour la performance musicale et les danses traditionnelles. Aujourd’hui, avec le déclin de cet art de recevoir à la japonaise, ces hôtesses d’un genre très spécial ont dû casser leurs coutumes pour aller vers le public. Le Wall Street Journal relève à ce propos que, durant la période de Noël 2021, plus d’une vingtaine de geishas avaient transposé leurs danses et leur musique dans un spectacle présenté dans un grand hôtel de Kyoto.

Une magnifique geisha en kimono, le visage blanc comme de coutume. Photo d'illustration Bigstock

« Une geisha, c’est une œuvre d’art vivante »

Au cours de cette soirée, elles ont fait sur une bien plus large échelle, ce qu’elles font d’habitude en privé. « Les jeunes femmes se sont déplacées vers les tables pour saluer les clients pendant qu’ils dégustaient un menu de fête, distribuant des cartes de visite et posant pour des photos. La scène rappelait les dîners-spectacles d’un célèbre chanteur du pays qui proposaient une forme de divertissement devenu populaire au Japon. Néanmoins, ici les invités sont repartis avec une friandise locale et une serviette dédicacée », précise le quotidien américain. « La vulgarisation pourrait être une bonne formule pour attirer plus de monde. Mais j’espère que ça ne manquera pas trop de classe », commente une ancienne geisha, Mme Takeyoshi, mitigée à propos de cette initiative. De plus, pour survivre à ces temps difficiles, les geishas n’ont pas hésité à apparaître dans des encarts publicitaires seyant toutefois à leur identité sans, comme dirait Mme Takeyoshi, altérer leur standing. Comme le précisait si justement Yuki Inoue, auteur du livre Mémoires d’une geisha : « Être geisha, c’est être appréciée comme une œuvre d’art vivante. »

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Obtenir ce statut nécessite de longues années d’apprentissage, de discipline et une formation quasi militaire échelonnée sur cinq années qui comprend l’art de converser, de faire parler ses yeux et son éventail, de se déplacer avec un kimono très sophistiqué et enfin d’acquérir la complexe et longue technique de l’application du maquillage blanc. Avec tout ce que ce fard doit sous-entendre, comme le décrit une célèbre citation due à un auteur resté anonyme : « Elle peint son visage pour cacher son visage, ses yeux sont une eau profonde, la geisha est l’artiste d’un monde flottant, elle danse, elle chante, elle vous divertit. Et, le reste ce sont des ombres, le reste c’est un secret. »

Les geishas viennent de sortir de leurs célèbres Tea Houses de la ville de Kyoto où elles officiaient dans le secret de leurs murs depuis des siècles, pour rejoindre le géant Netflix dans une série intitulée The Makanai: Cooking for the Maiko House. La réalisation de ces huit épisodes a été confiée à un grand du cinéma, Hirokazu Kore-eda, qui avait obtenu en 2018 la palme d’or au...

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