« Nous vous acceptons en tant qu’adversaires au Parlement, mais nous ne vous accepterons pas en tant que boucliers protégeant les Israéliens », a lancé le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, à ses adversaires politiques, en apprenant le revers électoral de son camp. « Faites attention à votre discours, à votre comportement et à l’avenir de votre pays. N’attisez pas les flammes de la guerre civile. »
Même en tenant compte des impératifs de la rhétorique de glorification habituelle du Hezbollah, on ne peut s’empêcher de constater que M. Raad engage le dialogue sur un ton dominateur, et sous le signe de la menace. Tout ce qu’on peut dire, pour le moment, c’est que c’est un début bien maladroit, envers de nouveaux confrères qui, comme lui, ont la charge de légiférer et de préserver la paix civile, et que parler de guerre en commentant un scrutin électoral trahit une mentalité bien rétrograde.
Le conflit opposant le Hezbollah, tard venu dans la société libanaise, et certains partis représentatifs des chrétiens n’est pas un conflit exclusivement politique. C’est aussi un conflit de société. Le compromis indispensable à la paix civile doit porter sur ces deux dimensions. L’islam radical entend régenter la conduite humaine dans la sphère du privé autant que dans la sphère du public. C’est sur les termes de cette régence – de son étendue, de sa spécificité –, et finalement des droits de l’homme et de la liberté de conscience, que le compromis doit s’établir.
Sur le plan de la sphère privée, il n’y a pas longtemps, un uléma (avec ou sans mandat, peu importe) a accusé de légèreté toutes les filles que l’on voit sur les côtes de Jounieh et de Maameltein. C’est un excellent exemple du conflit de société qui oppose certains Libanais entre eux. Le Hezbollah a imposé aux femmes un code vestimentaire strict. Sur certaines plages du Liban, il est plus approprié désormais que la femme reste habillée. Curieusement, en France, un débat est en cours sur le droit de la femme à rester en burkini dans les piscines municipales. Pourquoi pas ? En Afghanistan, la séparation des sexes à l’école est tellement stricte que les filles n’ont plus le droit à une éducation publique. Oui, mais... Pour rappel, l’éducation primaire obligatoire pour filles et garçons a été instaurée dans le Mont-Liban par le Concile libanais de 1736, avant même la révolution française de 1789. La place de la femme dans la société, la notion de pudeur, le rapport de la femme à son corps ne sont pas les mêmes au sein de nos communautés, et leur respect se fait parfois aux détriment de notre unité, en raison du cloisonnement que ces approches différentes induisent. Il ne faut pas craindre d’en parler, mais pas sous la menace. Compromis n’est pas accord, mais il fait barrage à la violence, comme l’explique le philosophe Paul Ricoeur.
En ce qui concerne l’arsenal du Hezbollah, le conflit entre l’État et le Hezbollah est plus flagrant encore. C’est à l’État et à l’État seul que les peuples entrés dans la modernité délèguent l’exercice légitime de la coercition. L’existence de la « résistance » islamique est une anomalie qui ne peut plus durer sans que l’existence même de l’État ne soit compromise.
La résistance est un droit. La noblesse de la cause n’est pas ici en question. Mais force est de constater que cette résistance a été affectée par un phénomène commun à toutes les guerres : la criminalisation. C’est ce même phénomène qui avait affecté la résistance libanaise durant la guerre des deux ans (1975-1976). Pendant que certains mouraient, d’autres dévalisaient la rue des Banques et pillaient le port. Ce phénomène avait conduit à la défection silencieuse de dizaines de patriotes.
Nous sommes aujourd’hui en présence d’une criminalisation de la résistance islamique. Ce processus la détourne de sa cause, la libération du sol national, vers le pillage des ressources de l’État. Il n’est plus acceptable qu’une pègre se réclamant de la résistance prétende à l’impunité, pratique la contrebande, prive l’État de ses ressources, intimide les magistrats, occupe des biens wakfs, construise sur les terrains d’autrui, truste les avantages dans certaines administrations, terrorise et pratique le chantage au détail et à grosse échelle. Au nom de la résistance, des crimes ont été commis dont les coupables courent toujours, au point que, comme à Khaldé ou Aïn el-Remmané, certains, à leur corps défendant, ont dû se rendre justice à eux-mêmes.
Le langage des menaces a fait son temps. Il est indigne des Libanais. Le chef du Hezbollah a menacé de lâcher contre les Forces libanaises « cent mille miliciens », après le drame de Tayouné. Est-ce ainsi que l’on construit une patrie, un État, un vivre-ensemble, une civilisation? Avec les armes, on ne peuple que des cimetières. Décidément, M. Raad est invité à mieux choisir ses mots.
IL N,Y A QU,UN REMEDE. QUE LES VRAIS LIBANAIS S,IMPOSENT PAR TOUS LES MOYENS MEME PAR LA MENACE QU,ON LEUR LANCE SANS CESSE VIA BARBUS ET TONNERRE.
12 h 14, le 20 mai 2022