Le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, a répété jeudi que son nouveau groupe parlementaire ne votera pas pour la reconduction du président actuel de la Chambre, Nabih Berry, au perchoir. Il a dans ce cadre énuméré les caractéristiques que, selon lui, doit avoir le prochain chef du Législatif.
Le Parlement issu des législatives du 15 mai devrait tenir sa première séance la semaine prochaine, après l’expiration, le 21 mai, du mandat de la Chambre sortante, dirigée sans interruption depuis 1992 par Nabih Berry, qui avait toujours réussi à obtenir un nombre de votes confortable, ce qui risque de ne plus être le cas.
Le leader chrétien, qui s'en est pris dans son discours au Hezbollah et à l'allié chrétien de ce dernier, le chef du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil, a rappelé que son parti détient "le plus grand groupe parlementaire". Avec 19 députés, les FL arrivent en tête des partis politiques sur le plan du nombre de députés élus. La formation chrétienne, avec le mouvement de la contestation qui a raflé 13 sièges, sont les deux grands vainqueurs du scrutin. Reste à voir avec qui la formation de Samir Geagea compte s'allier pour former son groupe parlementaire et si la nouvelle Chambre verra formé un bloc réunissant tous les députés opposés au mandat actuel.
Caractéristiques "qui ne s'appliquent pas à Nabih Berry"
"Le président de la Chambre doit disposer de caractéristiques très évidentes qui ne s'appliquent pas à Nabih Berry", a estimé M. Geagea lors d'une conférence de presse à l'issue de la première réunion de son groupe parlementaire à Meerab, auquel s'est joint Camille Dory Chamoun, élu à Baabda sur la liste des FL et du Parti socialiste progressiste.
Les 27 sièges chiites au Parlement ont tous été raflés par Amal et son allié le Hezbollah, à l'exception du siège de Jamil Sayyed, qui est proche de leur camp politique. Les députés FL, ainsi que ceux qui s'opposent à Nabih Berry, voient leurs options donc limitées, concernant le prochain nom du président de la Chambre, mais peuvent quand même s'abstenir de voter pour le chef du mouvement Amal.
"Tout candidat sérieux à la présidence du Parlement doit veiller à ce que la décision stratégique de paix et de guerre soit uniquement entre les mains du gouvernement libanais. Il doit aussi veiller à ce que la politique étrangère soit entre les mains de l'Etat et qu'elle soit respectée par tous", a plaidé le chef des FL, dans une critique au tandem chiite Hezbollah-Amal.
Le leader maronite a également souligné la nécessité que "la décision sécuritaire et militaire soit entre les mains de l'armée", dans une pique au Hezbollah, seul parti à avoir conservé ses armes lourdes après la guerre civile libanaise (1975-1990). Il a aussi espéré que le nouveau chef du Législatif "s'engagera à ne pas fermer les portes du Parlement quelles que soient les circonstances, à appliquer le règlement de la Chambre et le vote électronique", alors que Nabih Berry a par le passé maintenu le Parlement fermé lors de crises politiques. Samir Geagea a enfin assuré que son groupe parlementaire est ouvert à toutes les propositions, à condition qu'elles respectent ces caractéristiques. Il a dans ce cadre appelé les indépendants et les députés issus de la contestation populaire à collaborer avec son groupe en vue d'œuvrer pour le changement qui commence, selon lui, par l'élection d'un nouveau président de la Chambre.
Les FL, le plus grand groupe parlementaire
Le leader chrétien a par ailleurs estimé que la majorité parlementaire, dont disposait le Hezbollah et ses alliés avant les législatives, est aujourd'hui "ailleurs, pas nécessairement entre les mains d'un parti, mais du moins, entre les mains de ceux qui ont une même position quant à l'arsenal du Hezbollah, la souveraineté et la neutralité du pays", dans une référence aux députés indépendants, ceux affiliés à l'ancienne coalition du 14 Mars et ceux issus de la contestation populaire. "Les Forces libanaises disposent du plus grand groupe parlementaire avec 19 députés", a-t-il rappelé dans ce contexte. Samir Geagea a ensuite critiqué les propos de Gebran Bassil qui avait affirmé mardi que sa formation politique a pu obtenir "le plus grand groupe et regroupement parlementaires". Il a également rappelé que les FL ont obtenu "200.000 votes préférentiels alors que le CPL n'en a obtenu que 130.000".
"Beaucoup de figures du Hezbollah et du régime prosyrien ont perdu leurs sièges au Parlement, notamment Talal Arslan, Elie Ferzli, Fayçal Karamé, Assaad Hardane et Wi'am Wahab. Le Parti syrien national social et le parti Baas ne sont plus représentés au Parlement", s'est également félicité M. Geagea.
Les propos de Samir Geagea interviennent au lendemain d'un discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors duquel il a admis à demi-mot la défaite, estimant qu'aucun camp ne pouvait prétendre aujourd'hui détenir la majorité parlementaire, qui est de 65 députés sur un total de 128. Dix-sept candidats membres du CPL ont été élus.
commentaires (11)
Il est évident qu'aucune de ces caractéristiques du président du Parlement ne peut s'appliquer à Berry. Le problème est que les chiites opposés au tandem Amal-Hezbollah n'ayant pu présenter leur candidature (il faut bien les comprendre: tout le monde n'a pas la vocation de martyr), le futur occupant du perchoir risque d'être un clone du précédent. Tout ce qu'on peut espérer, c'est que, contrairement lui, il aura lu la Constitution et aussi qu'il ne verrouillera pas la porte du Parlement au gré de sa fantaisie .
Yves Prevost
08 h 20, le 20 mai 2022