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Politique - Sécurité

Un ex-agent du Hezbollah condamné aux États-Unis

L’homme, qui résidait aux USA depuis 2000, aurait été recruté par le parti chiite en tant qu’agent quatre ans plus tôt.

Un ex-agent du Hezbollah condamné aux États-Unis

Des partisans du Hezbollah et d'Amal lors d'un convoi à moto, le 9 mai 2022 dans la banlieue-sud de Beyrouth. Photo IBRAHIM AMRO / AFP

Le Libanais Ali Hassan Saab, naturalisé américain sous le nom d’Alexei Hansen Saab, a été reconnu le 11 mai coupable d’avoir reçu un entraînement de type militaire de la part du Hezbollah, de mariage frauduleux et de fausses déclarations. Après Ali Kourani en 2019, il est le second Libanais à avoir été condamné par la justice américaine pour ses liens avec le parti pro-iranien.

À l’issue d’un procès qui s’est ouvert le 25 avril et de 6 jours de délibération, le jury a rendu un verdict mitigé. Si Alexei Saab a été reconnu coupable de trois chefs d’accusation, il a été déclaré non coupable de trois autres. Le jury n’a pas été en mesure de rendre un verdict sur l’une des accusations de terrorisme (fournir un soutien matériel à un groupe terroriste), mais a considéré qu’il avait reçu une formation de l’Organisation du Jihad islamique du Hezbollah. Accusé par les autorités américaines d’avoir conspiré pour procurer un soutien matériel ou des ressources à une organisation terroriste étrangère, il a été déclaré non coupable par le jury. Concernant le mariage qu’il a conclu en 2012 avec une ressortissante française, Saab a été reconnu coupable de « conspiration en vue de commettre une fraude matrimoniale » et pour avoir « fait de fausses déclarations ». Il a été exonéré de deux chefs d’accusation : fraude à la demande de citoyenneté et fraude à la naturalisation.

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Le chef d’accusation de complot en vue de commettre une fraude au mariage entraîne une peine maximale de cinq ans de prison ; de même que celui pour avoir fait de fausses déclarations. Sa peine sera toutefois déterminée dans les prochains jours par le juge Paul G. Gardephe.

Comment ce Libanais de 44 ans s’est-il retrouvé sous la loupe des autorités américaines ? L’Orient-Le Jour a retracé son parcours à partir des rapports du FBI et de transcriptions judiciaires.

Surveillance de troupes israéliennes

En 1996, alors qu’il était étudiant en ingénierie, informatique et communications à l’Université libanaise, il aurait été recruté par un membre du Hezbollah qui deviendra par la suite son principal contact, son « handler », selon les termes du FBI. Sa première mission aurait été d’observer les déplacements de patrouilles israéliennes à Yaroun, dans le caza de Bint Jbeil, au Sud-Liban, et ce n’est qu’en 1999 qu’il aurait effectué son premier entraînement militaire au sein de la formation. Il apprend à manier un AK-47, un fusil M16 et des grenades.

Un an plus tard, il intègre l’unité en charge des opérations extérieures, l’Organisation du Jihad islamique, affiliée au Hezbollah, entité notamment accusée plus tard de l’attentat de 2012 en Bulgarie, contre un bus transportant des touristes israéliens. Ali Hassan Saab s’envole pour les États-Unis en novembre 2000, mais il continue de se rendre fréquemment au Liban. Il décroche un master et un MBA de l’École de commerce de New York, où il enseignera plus tard. Une double vie commence pour celui qui va tout faire pour se fondre dans la société américaine en demandant la nationalité en 2005 et en occidentalisant son nom en Alexis Hansen Saab. L’ingénieur en logiciels technologiques, qui parle parfaitement trois langues, n’aura pas de mal à trouver des emplois, il changera d’ailleurs de compagnie huit fois en près de 17 ans. Sa couverture est faite. Il ne lui reste plus qu’à démarrer sa mission. En 2003, le Hezbollah lui aurait demandé de surveiller des lieux-clefs à New York, dont le siège des Nations unies, la statue de la Liberté, le Rockefeller Center, l’Empire State Building, Times Square, des ponts, des tunnels ou des aéroports. Selon le FBI, pour communiquer avec ses référents, l’agent libanais recevait un mail directement dans son courrier indésirable qui comprenait « un message codé dissimulé soit dans l’objet, soit dans le corps du message lui demandant de rentrer au Liban ». Lorsqu’il rentre au pays, il reçoit une formation aux explosifs et se fait appeler Rachid. L’un des exercices consistait notamment à analyser les photos du lieu de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Toujours au Liban, il lui aurait été demandé d’assassiner, entre 2003 et 2005, un espion israélien présumé, selon son témoignage au FBI. Mission ratée puisque l’arme s’enraye au moment du tir.

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En avril 2005, il est arrêté et interrogé à l’aéroport d’Istanbul en raison de la détection d’une substance explosive dans ses bagages ou ses vêtements. Il est de nouveau interrogé à l’aéroport JFK à New York. Ces épisodes l’auraient poussé à rompre définitivement ses liens avec le Hezbollah. Quelques mois plus tard, en décembre 2005, il effectue une demande de naturalisation américaine et affirme n’avoir jamais été membre ou associé à une organisation terroriste. Or, le Hezbollah est classé comme groupe terroriste aux États-Unis depuis le 8 octobre 1997. Il obtient la naturalisation en août 2008 en devenant officiellement citoyen américain.

Une « vie assez normale »

En 2011, Ali, devenu Alexei, contracte un mariage blanc avec une étudiante française qui, en échange de 20.000 dollars, espère ainsi obtenir à son tour la nationalité américaine. « L’idée d’avoir une épouse m’embête, même si elle te ressemble un peu, mais j’ai besoin d’argent », écrit-il en arabe – selon les rapports judiciaires – à une femme sur WhatsApp. La destinataire des messages, à qui il demande si elle est jalouse, lui demande s’il va vivre avec sa future épouse. « Nous devons », répond-il.

Ce n’est qu’en mars 2019 qu’il est approché pour la première fois par un agent spécial du FBI et un policier du NYPD sous son immeuble à Morristown, dans le New Jersey. Sa vie est épluchée de fond en comble, tout comme ses appareils électroniques où les enquêteurs découvrent des photos et vidéos de lieux emblématiques à New York, à Washington et à Istanbul, ainsi que des vidéos de propagande du Hezbollah et de Hassan Nasrallah. Il sera interrogé 12 fois avant d’être arrêté le 9 juillet 2019 pour « activités terroristes au nom de l’Organisation du Jihad islamique du Hezbollah ». Son arrestation est décrite à l’époque par le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, comme « basée sur des spéculations et des récits incompatibles avec la méthodologie d’enquête, et que les analyses de l’enquêteur fédéral semblent précipitées ». Le quotidien affirmait aussi que les photos prises par Saab « peuvent être des photos touristiques qui pourraient être en possession de tout visiteur de New York ou Washington ».

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Contactée durant le procès qui s’est tenu ces deux semaines, mais aussi aujourd’hui, peu après l’annonce du verdict, la porte-parole du Hezbollah Rana el-Sahili n’a pas répondu à nos sollicitations.

Lors du procès, l’avocat d’Alexei Saab, Marlon Kirton, a déclaré que son client « en avait fini avec le Hezbollah ». « Voici un homme qui était devenu un citoyen, un homme qui avait un emploi, un homme qui était allé à l’université et qui vivait une vie assez normale », a plaidé l’avocat.

En décembre 2019, un autre Américain d’origine libanaise, Ali Kourani, né au Liban et arrivé aux États-Unis en 2003 puis naturalisé en 2009, avait été condamné par un juge fédéral new-yorkais à 40 ans de prison après avoir été reconnu coupable d’avoir contribué à des projets d’attentats pour le compte du Hezbollah. « Il est le premier agent de l’organisation à être condamné pour ses crimes aux États-Unis », s’était alors félicité le procureur fédéral de Manhattan Geoffrey Berman. Ali Kourani avait notamment recueilli des informations sur le fonctionnement et la sécurité de plusieurs aéroports, dont John F. Kennedy, à New York, et surveillé des bâtiments des forces de l’ordre à Manhattan et Brooklyn. Il avait été arrêté en juin 2017, le même jour qu’un autre membre présumé du Hezbollah, Samer el-Debek, incarcéré à la prison de Brooklyn et en attente de son procès.

Le Libanais Ali Hassan Saab, naturalisé américain sous le nom d’Alexei Hansen Saab, a été reconnu le 11 mai coupable d’avoir reçu un entraînement de type militaire de la part du Hezbollah, de mariage frauduleux et de fausses déclarations. Après Ali Kourani en 2019, il est le second Libanais à avoir été condamné par la justice américaine pour ses liens avec le parti...

commentaires (4)

Wow... alexei hansen... what a handsome nom.

Wlek Sanferlou

03 h 44, le 13 mai 2022

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Commentaires (4)

  • Wow... alexei hansen... what a handsome nom.

    Wlek Sanferlou

    03 h 44, le 13 mai 2022

  • C'est quelque chose de pouvoir vivre une double personnalité. Mais, hélas, on finit par être attrapé.

    Esber

    22 h 57, le 12 mai 2022

  • De toutes les façons les USA eux mêmes n’envoient leur leur ligne aérienne au liban lol enfin d’après ce que je sais

    Bery tus

    21 h 59, le 12 mai 2022

  • Qu'attendent notre cher Bassil et la présidence pour protester contre cette condamnation injuste, ils devraient bloquer tous les avoirs Américains au Liban.

    C…

    19 h 58, le 12 mai 2022

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