
Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, prononçant un discours au Liban-Sud, le 10 mai 2022. Photo fournie par notre correspondant Mountasser Abdallah
Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, a dénoncé mardi ce qu'il estime être "une incitation à la haine sectaire contre le tandem chiite Amal-Hezbollah" à quelques jours des législatives du 15 mai, alors que plusieurs forces politiques font de la lutte contre ces deux partis pro-iraniens leur cheval de bataille électoral. Dans un discours prononcé dans le cadre de la campagne électorale, le chef du mouvement Amal a estimé que cette échéance est "la plus importante et la plus dangereuse dans l'histoire du Liban", et appelé les électeurs à voter "massivement" pour la "Résistance". Ces propos rejoignent ceux prononcés la veille par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait critiqué les partis ayant fait du désarmement de la "Résistance" leur slogan principal. Le dignitaire religieux pro-iranien avait également appelé à "protéger la résistance militaire au moyen de la résistance politique".
Les législatives, échéance "la plus dangereuse"
La situation des Libanais nécessite un "discours politique calme, qui rapproche les points de vues et propose des solutions, et non pas l'inverse", a estimé le dirigeant chiite qui s'était pourtant promis de s'abstenir de prendre la parole avant les législatives, dénonçant "une incitation à la haine sectaire contre le tandem" chiite depuis le début du soulèvement populaire, le 17 octobre 2019.
Cette échéance électorale est "la plus importante et la plus dangereuse dans l'histoire du Liban", a déclaré M. Berry, qui a fustigé "les listes électorales de la droite et de la gauche et celles des ambassades", qui se sont présentées face à celles du Hezbollah et d'Amal, et déploré le fait qu'elles aient "centré leur campagne sur la lutte contre le tandem (chiite) et les armes de la Résistance". Selon lui, "l'alliance entre les deux partis (chiites) n'est ni confessionnelle ni électorale" mais entre les "partisans d'une même résistance (...) et le vivre-ensemble islamo-chrétien est une richesse à laquelle il faut tenir".
Le chef du Parlement a appelé, par ailleurs, les Libanais à voter "massivement pour affirmer qu'ils tiennent à la Résistance et à ses armes, auprès de l'armée et du peuple". Au sujet du programme électoral de son parti, il a indiqué que ses futurs groupe parlementaire et ministres feront du "dossier de l'énergie renouvelable une priorité".
Concernant le tracé de la frontière maritime avec Israël, M. Berry a assuré veiller à "préserver les droits du Liban sans concessions ni normalisation" avec l'Etat hébreu. "Nous ne céderons pas nos droits sous une quelconque pression ou menace, comme l'a assuré la veille notre frère Hassan Nasrallah", a-t-il affirmé, estimant que "tout mètre cube de gaz ou de pétrole qui se trouve face à la frontière libanaise est un droit palestinien violé". Lundi, le numéro un du Hezbollah avait critiqué le médiateur américain en charge du dossier des négociations, Amos Hochstein, l'accusant d'être "malhonnête" et de prendre parti pour Israël. "Négocier avec M. Hochstein ne pourra mener à rien de bon", avait-il fait valoir.
Lutte contre la corruption
Sur un autre plan, le président de la Chambre a souhaité "la chute de la classe politique corrompue" et demandé que "les jugements dans les affaires de corruption émanent uniquement du pouvoir judiciaire", assurant que "personne ne dispose d'une immunité, quelle que soit sa position". M. Berry a dénoncé, dans ce cadre, le fait que "ceux qui tirent profit de la lutte contre la corruption et prônent la chute de la classe au pouvoir travaillent dans des chambres électorales noires pour cibler la Résistance".
Plusieurs partis, dont les Forces libanaises de Samir Geagea, et les Kataëb de Samy Gemayel, mais aussi des groupes de l'opposition, font de la lutte contre le tandem chiite leur cheval de bataille dans le cadre des législatives. Le Courant patriotique libre (CPL), dont le chef, Gebran Bassil, fait l'objet de sanctions américaines pour corruption, s'en prend également souvent à M. Berry, bien que leurs partis soient des alliés électoraux dans certaines régions avec le Hezbollah. Le leader druze et chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, avait également mis en garde contre "un assassinat dans les urnes" et critiqué le parti de Nasrallah.
Concernant la crise socio-économique qui paralyse le Liban, le président de la Chambre s'est prononcé en faveur d'un audit des comptes de la Banque du Liban (BDL) et assuré "rejeter tout plan ou loi sur le redressement financier et économique du pays qui ne restituerait pas les droits des déposants". Une loi sur le contrôle des capitaux, qui ne fait pas l'unanimité sur le plan politique, doit en effet être nécessairement adoptée par le Parlement pour débloquer l'aide internationale promise notamment par le Fonds monétaire international.
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19 h 52, le 11 mai 2022