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Moyen-Orient - Éclairage

Le Hamas pourrait faire les frais du rapprochement turco-israélien

Selon des propos rapportés dans les médias de hauts responsables du mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza, des dizaines de ses militants et dirigeants auraient été expulsés de Turquie ou empêchés d’entrer dans le pays.

Le Hamas pourrait faire les frais du rapprochement turco-israélien

Recep Tayyip Erdogan (à gauche) accueillant son homologue israélien Isaac Herzog, lors d’une cérémonie officielle à Ankara, le 9 mars 2022. Photo d’archives AFP

Des préoccupations avaient déjà été soulevées, mais l’accélération du rapprochement entre la Turquie et Israël pourrait davantage inquiéter le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza. Lundi, de hauts responsables du mouvement islamiste palestinien ont déclaré sous couvert d’anonymat au média qatari The New Arab que des dizaines de ses militants et dirigeants avaient été expulsés de Turquie ou empêchés d’entrer dans le pays. Des restrictions qui auraient été prises dans le cadre du rétablissement de liens diplomatiques entre Ankara et l’État hébreu.

Aux yeux de la Turquie, l’équilibre entre le soutien au Hamas d’une part et le rapprochement avec Israël d’autre part semble délicat. Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, le président turc a longtemps cherché, à des fins politiques, à se poser en fervent défenseur de la cause palestinienne. Ces dernières années, de nombreux hauts cadres du mouvement islamiste ont également élu résidence en Turquie, sans compter les visites régulières des chefs de l’organisation dans le pays. À plus forte raison depuis la fermeture en novembre 2011 par le président syrien Bachar el-Assad des bureaux du Hamas à Damas après le soutien du mouvement au soulèvement populaire.

Si les éléments rapportés par The New Arab – et non confirmés par le gouvernement turc – étaient avérés, ils pourraient s’expliquer par « le contexte de réinitialisation par Ankara de l’ensemble de sa politique étrangère », observe Mark Meirowitz, professeur à l’Université d’État de New York Maritime College (SUNY) et analyste politique. Embourbée dans une crise économique sans précédent à l’approche des élections générales prévues en juin 2023, la Turquie a également intérêt à apaiser les relations avec ses adversaires, comme l’illustrent les récents voyages du président Erdogan en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis en vue d’obtenir des investissements étrangers. « La Turquie a certainement pris la mesure du succès des accords d’Abraham, facilités par les États-Unis, qui ont normalisé les relations diplomatiques entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc (...). Par conséquent, elle doit améliorer ses liens avec l’État hébreu afin de ne pas être laissée pour compte dans la trajectoire claire que prend le Moyen-Orient. »

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Signe de l’accélération de ce processus, la rencontre en mars dernier du président israélien Isaac Herzog et de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à Ankara, premier voyage en quatorze ans d’un haut responsable de l’État hébreu dans le pays. Plus tôt, en juillet 2021, le reïs turc s’était entretenu avec le nouveau chef d’État israélien tout juste investi dans ses fonctions. Un rare appel sans doute motivé à l’époque par l’arrivée d’un gouvernement de coalition anti-Netanyahu en Israël et la volonté de M. Erdogan de s’attirer les bonnes grâces de l’administration Biden.

Possible réintégration des ambassadeurs

À mesure que le processus de rapprochement avec Israël s’est accéléré, la Turquie a nettement adouci le ton à l’égard de l’attitude de l’État hébreu vis-à-vis des Palestiniens. Début avril, le reïs turc a par exemple appelé son homologue israélien en vue de présenter « ses condoléances aux personnes qui ont perdu la vie » et de souhaiter « un prompt rétablissement aux blessés », après trois attaques commises à l’intérieur de la « ligne verte » ayant coûté la vie à 11 personnes, en majorité des civils.

Un geste inhabituel qui détonne avec les déclarations offensives du gouvernement turc à l’encontre d’Israël depuis 2018, lorsqu’une nouvelle crise diplomatique avait éclaté entre Ankara et l’État hébreu. Des dizaines de Palestiniens avaient alors été tués à la frontière entre Israël et la bande de Gaza à la suite d’importantes manifestations contre la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu. Suite à ces événements, la Turquie avait rappelé son ambassadeur d’Israël et expulsé de son pays l’envoyé de l’État hébreu. Le reïs turc avait notamment qualifié le pouvoir israélien d’« assassin d’enfants », tandis que l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu avait accusé le dirigeant de la Sublime Porte d’avoir tué des civils kurdes.

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Les propos rapportés lundi par The New Arab interviennent peu avant la rencontre attendue le 24 mai entre le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlüt Çavuşoğlu, et son homologue israélien Yaïr Lapid, à Jérusalem. Une visite qui pourrait, selon certains observateurs, donner lieu à la réintégration des ambassadeurs des deux pays. « La Turquie fera une évaluation très pragmatique et pèsera les avantages d’une amélioration des relations avec Israël face aux conséquences de ses actions envers le Hamas, suggère Mark Meirowitz. Pour maintenir de bonnes relations avec Israël, le soutien de la Turquie au Hamas devra probablement être limité, voire totalement éliminé. »

Des préoccupations avaient déjà été soulevées, mais l’accélération du rapprochement entre la Turquie et Israël pourrait davantage inquiéter le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza. Lundi, de hauts responsables du mouvement islamiste palestinien ont déclaré sous couvert d’anonymat au média qatari The New Arab que des dizaines de ses militants et dirigeants avaient été...

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