Le président libanais, Michel Aoun, a estimé que les élections législatives du 15 mai ne mèneront qu'à des "changements mineurs" sur la scène politique locale et que les voix des électeurs émigrés, qui ont voté vendredi et dimanche derniers, n'impacteront pas fortement les résultats généraux du scrutin. Dans un entretien au quotidien al-Joumhouriya publié mardi matin, le chef de l'Etat a en outre affirmé qu'il quitterait le palais de Baabda à la fin de son mandat le 31 octobre, même en l'absence d'un successeur ou d'un nouveau gouvernement effectif. Ces propos du président peuvent être perçus comme une réponse au Premier ministre Nagib Mikati qui avait déclaré mercredi dernier que "l’élection d’un nouveau président de la République ne sera pas chose facile", une position qui rejoint l'opinion de plusieurs analystes et observateurs qui estiment que le futur chef de l’État ne sera pas élu au 31 octobre, malgré les assurances de Michel Aoun, accusé par ses détracteurs d’œuvrer pour une prorogation de son mandat.
Dans l'interview, le président s'est dit satisfait du déroulement du vote de la diaspora. "On m'a constamment demandé si les élections auront bien lieu et j'entendais dire qu'elles ne se tiendraient pas à la date prévue, mais je répondais toujours qu'elles seraient organisées en temps et en heure, conformément aux échéances constitutionnelles", a-t-il affirmé. Ces derniers mois, de nombreux observateurs avaient évoqué la possibilité d'un report des législatives, dans un pays en grave crise économique, et alors que la date du scrutin a fait l'objet de tiraillements politiques. La situation sécuritaire dans le pays laissait également craindre un impact sur le bon déroulement des élections. M. Aoun a toutefois estimé que, "si certains jeunes s'enthousiasment et veulent un vote punitif" des partis traditionnels, "les votes des émigrés ne provoqueront pas de grands changements dans les résultats". Lors du scrutin organisé vendredi et dimanche derniers pour les électeurs de la diaspora dans 58 pays, de nombreux Libanais ont exprimé l'espoir d'un changement de la classe politique dans le pays.
"Les élections ne permettront d'obtenir que des changements mineurs" dans la répartition des sièges, a-t-il prédit, arguant notamment du fait que la loi électorale actuelle, adoptée en 2016 et qui se base sur un mode de scrutin proportionnel, avec une division du pays en quinze circonscriptions, "garantit la représentation de la majorité et de la minorité avec leur poids réel". Cette loi, qui a permis de remplacer un mode de scrutin majoritaire, "est l'une des réalisations du mandat actuel", s'est-il félicité, avant de rappeler qu'il avait milité pour son adoption "même si elle n'est pas dans l'intérêt du Courant patriotique libre", le parti qu'il a fondé.
La présidentielle
Réagissant par ailleurs dans l'interview à un rapport des forces de sécurité concernant le versement, par certains candidats, de pots-de-vin aux électeurs, le président a dénoncé "des actions immorales", soulignant toutefois que "si certains électeurs acceptent" de tels paiements pour les aider à faire face à la crise, "ils ont le droit de recevoir cet argent et puis de voter en fonction de leurs convictions". Il a en outre démenti toute implication dans la campagne électorale du CPL, indiquant être "uniquement intervenu pour éviter un problème à Jezzine" où une rivalité oppose les deux candidats aounistes maronites Ziad Assouad et Amal Abou Zeid. Il a également déploré que "des personnalités qui ont pu accéder grâce au CPL à des postes de députés ou ministériels se retournent contre le parti juste parce qu'ils n'ont pas pu être candidats aux élections" sur les listes du parti.
Le président Aoun a également évoqué la question des législatives lors d'une réunion avec une délégation de l'Organisation internationale de la francophonie, dont des délégués seront chargés de surveiller le bon déroulement dimanche prochain. M. Aoun a appelé la justice et la commission de supervision des élections à intervenir suite aux informations faisant état du versement de pots-de-vin aux électeurs par certains candidats. "Toutes les dispositions ont été prises pour permettre que les législatives aient lieu dans une atmosphère de transparence et de liberté", a-t-il ajouté, saluant "l'augmentation du nombre de femmes candidates".
Dans l'interview, le chef de l'Etat a encore affirmé qu'il quitterait le palais de Baabda le 31 octobre, même si la présidentielle ne mène pas, "pour quelle que raison que ce soit", à l'élection d'un nouveau président. "Le cas échéant, le gouvernement sera chargé de diriger le pays pendant la phase de transition". Et si, d'ici là, un nouveau cabinet n'a pas pu être formé après les législatives, "le gouvernement actuel, qui sera chargé de la gestion des affaires courantes, gèrera les choses, même si ses prérogatives sont limitées", a-t-il souligné.
Répondant à une question sur un soutien à une éventuelle candidature de Gebran Bassil, son gendre et le chef actuel du CPL, à la magistrature suprême, M. Aoun a affirmé "ne pas avoir de candidat à la présidence". "Gebran Bassil est une personne avec un fort sentiment national, qui a fait l'objet d'une tentative d'assassinat politique, mais qui s'en est sorti grâce à sa force et sa stabilité", a-t-il ajouté. Et d'estimer que "sa succession à la présidence dans ces conditions" serait "une mission difficile et délicate", en raison de la crise actuelle et de la limitation des prérogatives du chef de l'Etat.
La question d'une candidature de Gebran Bassil à la présidence revient régulièrement sur le devant de la scène. Cela a notamment été le cas début avril après un iftar qui a réuni autour du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le chef du CPL et celui des Marada, Sleiman Frangié. Les chances de ces deux alliés du Hezbollah d’accéder à Baabda semblent toutefois limitées pour différentes raisons : Gebran Bassil ne peut en effet compter sur aucun allié, à part le parti chiite, sur la scène interne, tout en étant sanctionné par les États-Unis depuis novembre 2020. En ce qui concerne M. Frangié, sa candidature semble fragilisée par son faible poids politique et sa proximité avec Damas. Il semblerait en outre que les Occidentaux et les pays arabes semblent favoriser la candidature de "personnalités compétentes, n’ayant pas de passif au pouvoir et pouvant bénéficier du soutien de la communauté internationale", selon un diplomate cité récemment par notre chroniqueur politique Mounir Rabih.
commentaires (18)
le president fort papa de tous dit vrai. il ne ment jamais. il n'en a pas besoin. il sait jouer sur les mots que ne croient plus que ses pauvres suiveurs.
Gaby SIOUFI
11 h 17, le 11 mai 2022