Le Premier ministre, Nagib Mikati, a désormais les regards braqués sur l’après-15 mai, notamment les deux échéances qui suivront les élections législatives : la formation d’un nouveau gouvernement et l’élection du successeur de Michel Aoun dont le sexennat arrive à terme le 31 octobre prochain. « L’élection d’un nouveau président de la République ne sera pas chose facile », a-t-il prévenu dans une interview accordée mercredi soir à la chaîne nationale Télé-Liban. À travers ces propos, le chef du gouvernement laissait entendre que le Liban risquerait de vivre une période de vacance au niveau de la magistrature suprême, avant l’élection d’un successeur à Michel Aoun. « Nagib Mikati craint certainement un vide présidentiel, dont la durée dépendra de la volonté des protagonistes d’enclencher rapidement le processus de redressement du pays », déclare à L’Orient-Le Jour une figure haut placée proche du Premier ministre. Elle converge avec plusieurs analystes et observateurs qui estiment que le futur chef de l’État ne sera pas élu au 31 octobre, malgré les assurances de Michel Aoun, accusé par ses détracteurs d’œuvrer pour une prorogation de son mandat.
Selon l’article 69 de la Constitution, le gouvernement est considéré comme démissionnaire si son chef décède ou démissionne, mais aussi au début d’un nouveau mandat présidentiel ou d’une nouvelle législature, c’est-à-dire à l’issue des élections législatives. Le cabinet est également considéré comme étant démissionnaire si plus d’un tiers de ses membres démissionne, et lorsque la confiance de la Chambre lui est retirée. Et selon l’article 62 de la Constitution, en cas de vide au niveau de la présidence, quelles qu’en soient les raisons, il revient au Conseil des ministres d’exercer les prérogatives du chef de l’État.
« Le Premier ministre n’a fait qu’exprimer un point de vue personnel, basé sur sa lecture politique mais aussi sur des antécédents dans le pays », explique le proche de M. Mikati. Il fait allusion à la longue période de vacance qui a précédé l’élection du général Michel Aoun à la tête de l’État, le 31 octobre 2016. Le Hezbollah, allié de longue date de M. Aoun alors chef du Courant patriotique libre, avait torpillé les séances parlementaires consacrées à l’élection d’un nouveau chef de l’État jusqu’au moment où la victoire de son candidat est devenue acquise, à la faveur du fameux compromis présidentiel (avec Saad Hariri) et de l’accord de Meerab (entre le CPL et les FL de Samir Geagea).
Appelé à réagir aux propos de M. Mikati, le CPL, dont le chef Gebran Bassil est accusé d’avoir des ambitions présidentielles, se dit pas concerné par les craintes du Premier ministre. « Nous ne voulons pas commenter. Notre priorité aujourd’hui, c’est les législatives », se contente de dire à L’OLJ un responsable au sein du parti orange.
Remplacer Salamé ? Oui, mais...
Outre le retard à élire un nouveau président, Nagib Mikati n’a pas caché ses craintes quant à la difficulté de former un nouveau gouvernement après le scrutin législatif. « Il faut que tout le monde puisse tourner la page des législatives, afin d’œuvrer pour épargner au pays la vacance désastreuse au niveau du pouvoir exécutif qui sera responsable de lancer le processus de relance du pays », a-t-il dit hier lors d’une cérémonie au Grand Sérail. Dans les milieux proches de M. Mikati, on affirme que la démarche de ce dernier vise uniquement à faciliter la tâche du futur Premier ministre. Mais selon plusieurs observateurs, les déclarations du chef du gouvernement portent entre leurs lignes une volonté de Nagib Mikati de conserver son poste après le scrutin législatif, en arguant du fait que des atermoiements à former un nouveau cabinet pourraient laisser des incidences négatives sur la mise en application de l’accord préliminaire, conclu le 7 avril dernier, entre le Liban et le Fonds monétaire international. D’ailleurs, sur ce plan, le Premier ministre a semblé lever la couverture sur le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, poursuivi en justice au Liban et à l’étranger, tout en posant certaines conditions. « Je ne m’oppose plus au remplacement de Riad Salamé, mais après la conclusion d’un accord avec le FMI », a affirmé lors de l’interview mercredi soir celui qui avait souvent pris la défense du grand argentier. Et le chef du gouvernement d’appeler le ministre des Finances, Youssef Khalil, proche du président de la Chambre, Nabih Berry, à proposer des noms de candidats à la succession du gouverneur de la BDL.
???️Vous êtes libanais? Vous êtes inscrit pour voter à l'étranger? Vous êtes un peu perdu sur la procédure?
— L'Orient-Le Jour (@LOrientLeJour) May 4, 2022
Ne cherchez plus, nous vous expliquons tout dans le thread ci-dessous ? 1/10#legislatives2022 #Liban pic.twitter.com/nNKI2wBJNb
« Nagib Mikati estime qu’en l’absence (du leader du courant du Futur) Saad Hariri, il est le candidat le plus sérieux à la présidence du Conseil après les élections, une option à laquelle Paris ne serait pas opposé », commente une figure proche du 14 Mars. Quid de l’Arabie saoudite, dont l’ambassadeur Walid Boukhari s’implique de plus en plus sur la scène locale depuis son retour à Beyrouth après des mois de brouille diplomatique ? « Si le royaume venait à avoir son mot à dire dans le choix du futur chef du gouvernement, il se peut que Nagib Mikati ne conserve pas son poste », estime la personnalité précitée. « Tout dépendra des résultats des législatives », se contente de commenter un proche du leader tripolitain, faisant valoir que M. Mikati effectuera une tournée dans les pays du Golfe – initialement prévue après la fête du Fitr – à l’issue du scrutin du 15 mai.
commentaires (5)
C'est dans les habitudes de Mikati de vouloir le beurre et l'argent du beurre.
Hitti arlette
13 h 56, le 06 mai 2022