Critiques littéraires Essais

Les guerres à l’ère 3.0 !

Les guerres à l’ère 3.0 !

D.R.

Ces guerres qui nous attendent (2030-2060) de Red Team, éditions des Équateurs, 2022, 222 p.

Les guerres de l’avenir ne sont pas rassurantes. De ce fait, il sera de plus en plus difficile d’en identifier les adversaires. Est-ce à dire qu’à l’ère du numérique elles seront moins sanglantes ? Le recours à la mobilisation générale est-il voué à disparaître ? La « levée en masse » deviendra-t-elle une question désuète ?

Et pour cause, à peine sorti de la pandémie que la guerre de reconquête de Vladimir Poutine replonge notre monde dans un conflit classique, mais avec des paramètres insoupçonnables : utilisation abusive des réseaux sociaux, cybernet, cyberattaque, désinformation, nouvelles formes de communication, guerres de monnaies, intelligence artificielle, surveillance par reconnaissance faciale, inefficacité de l’ONU, etc. L’ère du numérique a le vent en poupe, mais est-ce là un danger pour l’avenir ? Quelles sont les risques pour les quarante prochaines années ?

Le monde a bien changé et c’est sur cette problématique que la Red Team s’est penchée dans le livre Ces guerres qui nous attendent (2030-2060). Ce livre n’a pas vocation de prédire l’avenir, mais d’imaginer les conflits que la France devra affronter à l’horizon 2030-2060, et c’est là toute son originalité !

Perplexe au début, on se laisse prendre par la démonstration. L’ouvrage présente quatre scénarios-fictions possibles dont les thèmes s’articulent autour de la piraterie et de l’intelligence artificielle. Chaque scénario se lit d’une traite et le raisonnement est basé sur des arguments scientifiques. La question de la sphère numérique et de ses conséquences sur le monde de demain est surprenante.

Le premier scénario s’articule autour de la création d’une nation pirate sur fond de crise climatique. Dans cette fiction, le centre spatial français de Kourou envisagerait de construire un ascenseur spatial qui permettrait le transport de marchandises et de passagers. Un projet titanesque au niveau économique et écologique. Entretemps, la période 2020-2040 serait marquée par les conséquences du réchauffement climatique, dont la montée des eaux et la désertification des aires productives qui obligeraient les États à procéder à un puçage des populations (données sanitaires, identitaires, financières etc.). Une minorité refuserait et se formerait peu à peu en P-Nation (Pirate). Cette P-Nation, afin de s’institutionnaliser, attaquerait la base de Kourou.

Le deuxième scénario-fiction, « Barbaresques 3.0 », aborde la problématique de la faiblesse de la numérisation du monde. La mer Méditerranée, au centre de cette histoire, constitue un enjeu stratégique pour l’avenir. Afin de pallier à l’instabilité des défaillances humaines et d’améliorer la performance des sujets dans le commandement de l’armée, un protocole d’interface neurale serait mis en place avant 2040. Cette fiction alerte sur les conséquences des implants neuronaux avec leur hacking possible sur des officiers en mer, le tout sur fond de détournement par un groupe terroriste-pirate.

Le troisième scénario, « Chronique d’une mort culturelle annoncée », se penche sur l’affrontement entre États et réseaux de services numériques (sortes de bulles numériques communautaires de services). Il est question de nouvelle route de la soie numérique, de guerre de contrôle des flux et des données, de safe sphere, de fragmentation du réel et enfin de sevrage numérique pour sortir de ces guerres.

Enfin, le dernier scénario, « La Sublime Porte s’ouvre à nouveau », met en avant le concept de bouclier « hyperdéfensif » à l’aube des années 2040 où le monde se polariserait en hyperforteresse et hyperclouds.

C’est quasiment un roman d’anticipation, et probablement le premier dans le genre. Il nous plonge dans un monde en crise dont on n’a pas encore réellement mesuré les conséquences, et difficile à rationaliser. Décalé par rapport aux conflits d’aujourd’hui, ces fictions mêlant numérique et piraterie avec un raisonnement sensé ont le mérite d’ouvrir le champ des possibles. Il nous pousse à la réflexion, met en lumière le danger de l’intelligence artificielle sur l’environnement du réel et permet d’entrevoir les enjeux des guerres futures. Le diagnostic est posé : les guerres à venir seront-elles indissociables du numérique et de l’intelligence artificielle ?

* La Red Team est présenté comme un commando regroupant le ministère français des Armées, l’université Paris Sciences et Lettres (qui regroupe notamment les Mines, Normale sup, le Collège de France, le CNRS, l’Inria et 140 laboratoires) et dix auteurs de romans noirs et de science-fiction.

Ces guerres qui nous attendent (2030-2060) de Red Team, éditions des Équateurs, 2022, 222 p.Les guerres de l’avenir ne sont pas rassurantes. De ce fait, il sera de plus en plus difficile d’en identifier les adversaires. Est-ce à dire qu’à l’ère du numérique elles seront moins sanglantes ? Le recours à la mobilisation générale est-il voué à disparaître ? La « levée en...

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