
Le vote des Libanais de l’étranger dans le cadre des élections législatives pour élire un nouveau Parlement au Liban s’est achevé hier sur des chiffres de participation relativement acceptables, eu égard à la « paresse » légendaire des électeurs. Le processus doit se clôturer dimanche prochain 15 mai avec le scrutin prévu sur le territoire national.
À une semaine de cette échéance, nombre de questions que se sont posées beaucoup d’électeurs, tant dans la diaspora qu’au Liban, au sujet de l’offre politique disponible, des chances de la société civile, des enjeux réels des législatives, voire de l’utilité même du scrutin, sont restées sans réponses. Il faut dire que la culture électorale libanaise, qui fait depuis toujours se confondre dans une mixture informe les questions liées à la géopolitique, les options économiques et sociales et les enjeux purement clientélistes n’aide pas à clarifier le jeu. À cela s’ajoute le caractère inadapté et surréel d’un mode de scrutin fondé sur la proportionnelle, propice à la mise en retrait des individus au bénéfice des partis, dans un pays où le vote de proximité, très personnalisé, reste prédominant.
Mais la nouveauté en ce qui concerne cette campagne 2022 réside dans le fait que la plupart des groupes et partis se réclamant de la contestation du 17 octobre n’ont pratiquement rien fait pour aider à y voir plus clair. D’abord en s’éparpillant sur plusieurs listes dans la majorité des circonscriptions, ce qui affecte irrémédiablement leur capacité à emporter le plus grand nombre de sièges ; ensuite, pour une partie de ces formations du moins, en continuant à se réfugier derrière un nébuleux « kellon yaané kellon » (tous, ça veut dire tous), un slogan efficace lorsqu’il s’agit de rassembler tous ceux qui veulent exprimer leur ras-le-bol, mais totalement contre-productif dès lors qu’il faut aller au-delà de la révolte initiale pour entreprendre une vraie démarche politique. De là le refus de certains groupes de former des listes communes avec des partis traditionnels qui sont pourtant dans la même posture d’opposition au pouvoir politique, comme notamment les Kataëb. Cela aussi ne peut que réduire, des deux côtés, les chances de maximiser les gains en sièges. Et que dire de la désunion que l’on observe entre les partis traditionnels d’opposition eux-mêmes, pour des motifs d’ego ou autres, certainement moins sérieux que le sont les objectifs communs qu’ils affichent ? L’heure n’était-elle pas à l’union sacrée de toute l’opposition pour tenter d’empêcher les tenants actuels du pouvoir de reconduire leur majorité et d’enterrer définitivement l’esprit des révoltes du 14 mars 2005, d’août 2015 et du 17 octobre 2019 ?
Face à cet éparpillement de toutes les oppositions, le Hezbollah impose au forceps l’unité autour de lui, quitte à achever de décrédibiliser les efforts du camp aouniste de se refaire une virginité, notamment en se posant à nouveau comme le champion de la lutte anticorruption dans le pays. Ce qui, venant d’un Gebran Bassil ayant été sanctionné par les États-Unis pour corruption, prête à sourire, pour ne pas dire plus.
Hassan Nasrallah va jusqu’à réunir chez lui « ses » deux présidentiables qui s’exècrent, comme pour signifier à tout le monde que l’avenir de Baabda se décide d’abord dans la banlieue sud, voire à Téhéran, et que le parti de Dieu est en mesure de dicter leur conduite à ses alliés. L’arrogance – mais aussi semble-t-il l’urgence – est telle qu’on ne se soucie plus, dans les tréfonds de Haret Hreik, de l’effet que peut avoir sur l’opinion chrétienne cette soudaine chute de la feuille de vigne que s’efforçait encore de garder, vaille que vaille, le parti aouniste dans ses rapports avec le tandem chiite. En réalité, ce marionnettiste talentueux qu’est le Hezbollah a déjà compris que pour son principal allié chrétien, le crépuscule n’est peut-être plus très loin. Au final, les inconditionnels du CPL le resteront, ils n’ont pas besoin de la feuille de vigne pour y croire encore. Quant aux autres, ils sont déjà partis.
Ce tableau de désunion chez les uns, d’unité forcée chez les autres ne doit pas dérouter les électeurs. Il faut voter en ayant bien plus en tête les enjeux véritables des élections que les profils des candidats et les couleurs des listes. L’effondrement de la gouvernance politique libanaise, l’absence d’alternance et de sanction politique du fait du consensus-roi imposé depuis maintenant 14 ans par le Hezbollah et ses alliés, la perpétuation du statut anormal du parti de Dieu, l’isolement diplomatique officiel du Liban, l’effondrement économique et financier, les résistances de l’establishment politique face aux réformes réclamées par la communauté internationale, les questionnements sur le modèle économique et social, l’indépendance de la justice, etc. C’est sur ces thèmes et d’autres encore que le vote doit se faire.
Comment les électeurs et électrices, et pas seulement à Beyrouth I, pourraient-ils et elles se rendre aux urnes sans avoir en tête la tragédie du 4 août 2020 ? Comment pourrait-on ne pas chercher à sanctionner les responsables de cette catastrophe, que tout le monde désigne clairement à présent de manière officieuse, faute de pouvoir jouir d’une justice qui fonctionne à peu près normalement ? Comble de l’ironie, deux des députés poursuivis dans cette affaire, de la mouvance berryste, se représentent tranquillement aux élections, tandis qu’un haut responsable sécuritaire proche de Baabda, également recherché, est triomphalement reconduit dans ses fonctions.
Vote d’adhésion, vote-sanction, vote-rejet, vote utile… Qu’importe ! Il faut aller voter, et en masse. Et s’il le faut, en se bouchant le nez. Le Liban ne se fera pas sans les Libanais. Voilà pourquoi dans le contexte actuel, l’abstention est presque un crime. Non pas par rapport à un vague devoir de citoyenneté, comme on aime à le répéter sous toutes les latitudes. Ce concept n’a jusqu’ici aucun sens dans ce pays. Il est encore à construire. Non, il faut voter tout simplement pour… changer de majorité !
j,ai relu & j'ai realise avoir omis une note: nasroullah n'est pas un "marionettiste Talentueux" en effet apres son coup de maitre de l'accord du 6 fevrier 2006, tout lui fut facile a maneuvrer. alliance avec berri inebranlable decidee a eux 2, aoun, bo fils & Co OBLIGES d'exaucer ses directives essentielles malgre des simulacres de reaction independentistes.
09 h 56, le 09 mai 2022