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Nos Lecteurs ont la Parole

Élections de mai 2022

Fin 1977, un grand resto londonien. Belle, souriante, hôtesse généreuse et mécène avérée, Myrna Boustani nous recevait à déjeuner en l’honneur du sénateur démocrate James Aburezk.

James George Aburezk est un Américain d’origine libanaise et chrétien. Premier sénateur américain arabe qui, en 1980, fondera le Comité arabo-américain antidiscrimination (American Arab Anti-Discrimination Committee), créé pour la défense des droits civiques des Arabo-Américains et pour rééquilibrer la politique américaine au Moyen-Orient. Il ira même plus loin en 2006. Aujourd’hui, avocat et écrivain, il déclarera le « Hamas et le Hezbollah combattants de la résistance ». Mais en 1977, il n’en était pas là.

L’ambassadeur du Liban à Londres Nadim Dimachkié, personnalité hors du commun, anciennement à Washington, et la première femme parlementaire libanaise sponsor de l’AUB s’entretenaient, ainsi que quelques autres convives, avec leur hôte américain en parlant politiques américaine et britannique, et surtout, de la Palestine.

Une dizaine d’heures de vol la veille avec un décalage horaire de plusieurs heures, j’accordai une attention toute mitigée à ce nouvel environnement si différent du monde chinois que je venais de quitter.

Soudain, « Lebanon is dispensable »… Aussitôt, je me réveillai totalement de ma relative somnolence intellectuelle : on abordait un sujet crucial, le Liban, qui sortait à peine des événements néfastes et meurtriers de 1975.

« Lebanon » et « dispensable », le Liban, et c’était quoi, dispensable? Ai-je bien entendu et est-ce que quelque chose était à distribuer, dispenser ?

Sans préalable, agressivement et assez impoliment, je demandai qu’est-ce qui était « dispensable » et qu’est-ce à dire « dispensable » ?

Le sénateur, bien sûr de lui-même et de son pays qui nous envoyait émissaire sur émissaire pour Dieu seul sait quel intérêt, quel plan (ils sont tous très alternatifs) du moment pour le Liban, me toisa et sortit de sa poche un mouchoir jetable (Kleenex) et le laissa tomber : « That is dispensable. »

Si on n’y prenait pas garde, c’était là ce qu’un sénateur américain, le premier Arabe et de surcroît libanais à ce poste, voyait advenir du Liban.

Hier, je fus outrée ! Notre ex-parlementaire brillante et politique avenante, ainsi que notre ambassadeur arabe convaincu mais libanais encore plus convaincu, trébuchaient sur les mots, le concept, que dire, que répondre, la discussion prit du temps, je n’écoutais plus.

Moi, je me le tins pour dit, et depuis lors, j’essayais par tous les moyens de le contredire, de le prendre en défaut et de faire mentir cette vision sinistre de mon pays que je servais déjà depuis quelques années.

Aujourd’hui, le grand ambassadeur pressenti comme premier ministre et qui aurait pu faire la différence a disparu trop tôt, et Myrna Boustani et ses pareils, les Libanais pur cru, les Raymond Eddé, Bachir ou Tony, Saëb ou Alia, pour ne citer que quelques-uns, ne sont plus ou ne sont plus aux affaires. Mais il y a nous !

Aujourd’hui ! Je calme mon outrance et me bats contre la désespérance qui gagne quand je vois ce qui arrive à mon pays.

Comme le dit l’hymne national d’un pays ami :

« (Liban), mon pays natal... c’est là que je me tiens pour garder ma patrie,.

(Liban), ma nation, mon peuple et mon pays natal...

Vive ma terre, vive mon État... dans sa totalité...

Indépendant et libre.

Mon foyer et mon pays que j’aime... »

Mais pour honorer cet hymne et le faire nôtre au Liban, il faut serrer les rangs, utiliser les élections qui viennent pour voter le changement, pas n’importe quel changement, mais celui qui oubliera un peu le dollar et la corruption qui l’accompagne, et oubliera beaucoup les sirènes de l’étranger qui ne voit que son intérêt propre ; chercher ensemble les voies communes et s’apprêter à des concessions de part et d’autre : le pays du Cèdre, ma patrie, notre patrie à tous, en mérite bien la peine !

Des élections demain, le FMI aujourd’hui et ce qui reste d’intérêt dans le monde pour un Liban qui se délite aideront, si nous y prenons garde, à arrêter la chute aux enfers; après, tout sera possible ; comme le Phénix, le Liban pourra, dans le renouveau, reprendre son envol, et sa place d’hier et de tous les temps, et dire non au sénateur de 1977 : le Liban mission est pour nous tous, et « No, Lebanon is not dispensable ». « C’est mon pays, ma nation, mon peuple et mon pays natal. »

Samira HANNA EL-DAHER

Ambassadrice

Professeure de relations internationales et géopolitique.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Fin 1977, un grand resto londonien. Belle, souriante, hôtesse généreuse et mécène avérée, Myrna Boustani nous recevait à déjeuner en l’honneur du sénateur démocrate James Aburezk.James George Aburezk est un Américain d’origine libanaise et chrétien. Premier sénateur américain arabe qui, en 1980, fondera le Comité arabo-américain antidiscrimination (American Arab...

commentaires (1)

j'aimerai bien que Mme Daher puisse revisiter sa memoire. Le mot" dispensable" est un mot peu utilise sans la langue anglaise. Venant d'un senateur americain, c'est encore moins plausibe. N'aurait-il pas dit "Indispensable", dont le sens tout contraire pouvait mieuax s'integrer dans la presente reunion. Mr Abourizk, senateur americain , d'origine libanaise, avait ete un porte parole de la cause palestinienne et n'avait de libanais que son heritage. Ce qui me pousse a reiterer l'adage:" dis-moi qui tu frequentes, et je te dirais qui tu es." . L'image d'un Liban ne sachant ou aller.

SATURNE

16 h 19, le 26 avril 2022

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Commentaires (1)

  • j'aimerai bien que Mme Daher puisse revisiter sa memoire. Le mot" dispensable" est un mot peu utilise sans la langue anglaise. Venant d'un senateur americain, c'est encore moins plausibe. N'aurait-il pas dit "Indispensable", dont le sens tout contraire pouvait mieuax s'integrer dans la presente reunion. Mr Abourizk, senateur americain , d'origine libanaise, avait ete un porte parole de la cause palestinienne et n'avait de libanais que son heritage. Ce qui me pousse a reiterer l'adage:" dis-moi qui tu frequentes, et je te dirais qui tu es." . L'image d'un Liban ne sachant ou aller.

    SATURNE

    16 h 19, le 26 avril 2022

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