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Campus - TÉMOIGNAGES

Sortir, un luxe que beaucoup d’étudiants libanais ne peuvent plus se permettre

Si, à l’unanimité, les étudiants libanais admettent avoir réduit leurs loisirs à cause de la crise économique et de l’augmentation du prix de l’essence, ils avouent qu’ils continueront à sortir en dépit de tout pour oublier leur angoisse et leur stress quotidiens.

Sortir, un luxe que beaucoup d’étudiants libanais ne peuvent plus se permettre

Si certains étudiants ont été contraints de diminuer leurs sorties depuis le début de la crise économique du pays, d’autres les ont complètement proscrites. Photo Rania Azar Berbery

Dans les rues noires de certains quartiers dévastés par la double explosion du 4 août 2020, la vie a repris son cours : rires et musique ont envahi à nouveau les trottoirs. A priori, rien ne laisse deviner la terrible crise économique que traverse le pays. Une situation qui en intrigue plus d’un, curieux de savoir comment font ces jeunes pour sortir et consommer malgré tout.

Carine Maalouf, en 2e année de pharmacie à l’USJ, souligne « la différence sociale entre les jeunes ». « Ceux qui travaillent n’ont pas de problèmes. Ils dépensent sans trop réfléchir et sortent pratiquement tous les soirs. Pour eux, rien n’a changé. Mais la majorité des jeunes ont revu leur façon de vivre : la plupart sont impactés par la crise économique et ne vivent plus comme ils le faisaient auparavant. » Et de poursuivre : « Aujourd’hui, nous sortons beaucoup moins, et uniquement le week-end, en choisissant les restaurants qui proposent des prix abordables, ce que nous ne faisions pas auparavant. Les autres jours, nous nous retrouvons plus souvent dans des maisons pour équilibrer le budget que nos parents nous donnent et continuer à vivre un peu. » Un constat partagé par Edmond Abi-Abdallah, qui relève avec beaucoup de sagesse le changement dans sa vie. « Lorsque nous étions à l’école, nous n’avions aucune limite : nous sortions n’importe quel jour de la semaine, sans réfléchir aux dépenses, ce qui n’était pas normal pour des jeunes de notre âge. Cette crise nous a poussés à revoir notre façon de vivre, et nous a appris la valeur des choses et de l’argent : nous sortons beaucoup moins et nous calculons chaque sortie pour ne pas dépasser le montant d’argent de poche mensuel que nos parents nous donnent. Nous sommes devenus beaucoup plus empathiques avec eux, car nous sentons leur angoisse face à notre avenir. » Ce jeune étudiant de 18 ans confie en riant : « Je ne mange plus à ma faim lorsque je sors au restaurant et je regarde les prix avant de commander. » « Très souvent, je reviens à la maison en ayant un petit creux, je mange un petit quelque chose avant de dormir, et ce n’est pas plus mal que cela. Ces sorties nous font tellement de bien. Nous retrouver entre copains, c’est une bouffée d’oxygène dans le quotidien angoissant que nous vivons ! »

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Témoignage identique chez Rebecca Abboud. Cette étudiante de 20 ans, qui travaille parallèlement à ses études en gestion des affaires à l’ESA, avoue qu’elle sort « pour oublier ce que je vis actuellement ». « Nous vivons dans une angoisse continuelle depuis cette révolution. Et ce n’est pas normal pour des jeunes de notre âge ! » Si la jeune femme admet « payer (mes petites sorties, grâce au salaire que je touche », elle avoue « devoir gérer tout le temps mon budget du mois pour économiser un peu. « Je dois réfléchir à deux fois avant de sortir, commander selon les prix, et non pas selon mes envies. Je ne sais pas comment font les autres étudiants qui ne travaillent pas et qui sortent tout le temps. C’est cela qui m’intrigue le plus », conclut-elle doucement.

Avec le prix de l’essence, on ne vit plus, on survit

Si certains étudiants ont été contraints de diminuer leurs sorties depuis le début de la crise économique du pays, d’autres les ont complètement proscrites. « Avant, je sortais une ou deux fois par semaine dans de petits restaurants. Aujourd’hui, je ne sors plus qu’une fois par mois au restaurant, lorsque je touche mon salaire au début du mois », avoue amèrement Anthony Kfoury, qui travaille dans une boutique en parallèle à ses études en finances et comptabilité à l’Université Libanaise (UL). « Le reste du temps, nous allons chez des amis qui ont l’électricité pour regarder un film ou jouer aux cartes », poursuit-il. Il y a encore un an, ces jeunes arrivaient à commander des plats qu’ils partageaient entre eux lorsqu’ils se retrouvaient dans les appartements. « À présent, c’est tout juste si l’on peut se payer quelques paquets de chips ou du popcorn, moins chers. Nous sommes au début du mois et j’ai déjà dépensé la moitié de mon salaire en essence. Comment voulez-vous qu’on continue à vivre ainsi ? » Anthony ne cache pas sa rage. « Depuis que je suis petit, j’entends mes parents dire “Bientôt, ça ira mieux.” Et chaque jour, ça va de mal en pis. Mon seul espoir est de voyager. Mais j’attends d’obtenir ma licence pour quitter ce pays. L’UL est de nouveau en grève, et l’on ne sait pas quand elle rouvrira ses portes. En attendant, on ne vit plus ! On survit. »

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Hormis le prix excessif des restaurants, c’est la hausse vertigineuse du prix du carburant qui paralyse et affecte beaucoup les jeunes. « On refuse des sorties qui sont hors de la ville vu le prix de l’essence », avoue péniblement Taline Eid. Je ne sais pas ce que l’on fera en été. Nous ne pourrons certainement plus envisager des sorties à la plage. C’est enrageant ! » Pour cette étudiante de 20 ans, sortir est devenu une vraie source d’angoisse. « On passe notre temps à calculer, se priver, faire des choix avant de sortir. La plupart du temps, je dîne à la maison avant de sortir et je ne commande qu’une boisson au restaurant pour ne pas trop payer. Et souvent, je me prive d’achat d’habits pour me permettre une sortie qui est plus importante. Ce n’est pas normal de vivre ainsi à notre âge. » Malgré cela, la plupart de ces jeunes admettent qu’ils continueront à sortir pour oublier l’angoisse dans laquelle ils vivent, comme le soulève Youssef Kazan qui travaille pour un salaire de misère, en parallèle de ses études en sciences informatiques à l’UL. « Déjà, au tout début de cette crise économique, j’avais diminué mes sorties. Je ne sortais plus qu’une fois par semaine dans les restaurants. Le reste du temps, on se réunissait avec les copains dans les maisons. Avec la flambée du prix de l’essence, c’est tout juste si je peux aller voir mes amis, et uniquement ceux qui habitent dans le quartier », concède désespérément cet étudiant de 20 ans. Et de conclure : « Mais même si je dois m’endetter, pour rien au monde je ne me priverai de cette sortie qui nous permet d’oublier l’angoisse et le stress que nous vivons au quotidien depuis que cette terrible crise économique a détruit notre vie ! »


Dans les rues noires de certains quartiers dévastés par la double explosion du 4 août 2020, la vie a repris son cours : rires et musique ont envahi à nouveau les trottoirs. A priori, rien ne laisse deviner la terrible crise économique que traverse le pays. Une situation qui en intrigue plus d’un, curieux de savoir comment font ces jeunes pour sortir et consommer malgré tout. Carine...

commentaires (4)

Time to study guys ! Fun will follow later,,

Wow

13 h 32, le 21 avril 2022

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Time to study guys ! Fun will follow later,,

    Wow

    13 h 32, le 21 avril 2022

  • Ces jeunes ne se rendent-ils pas compte qu'ils sont privilégiés par rapport à d'autres qui n'ont jamais pu faire d'études faute de moyens, qui ne sont jamais allés au restaurant, qui n'ont jamais fait un voyage? C'est choquant, alors que d'autres doivent fouiller les poubelles, peuvent à peine acheter du pain et meurent faute de soins!

    Politiquement incorrect(e)

    11 h 52, le 21 avril 2022

  • J'ai ete etudient a l'etranger, et sortir au resto etait un luxe!! Ici, les jeunes pensent que cest normal

    Tina Zaidan

    11 h 17, le 21 avril 2022

  • Désolé mais je suis choqué par cet article. 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté et des enfants sont en sous nutrition ou en manque de produits d’hygiène à cause de la crise économique. Et vous venez nous parler de sorties nocturnes au restaurant où le ticket moyen est à 500.000 LL par personne. Le pays traverse une crise d’une extrême gravité et tous les citoyens sont privés de presque tout sauf les happy few des politiciens, de ceux qui leur sont proches et des profiteurs de la crise.

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 11, le 21 avril 2022

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