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Politique - Circonscriptions

À Beyrouth I, deux sièges du bloc aouniste au cœur de toutes les disputes

Le CPL et ses alliés pourraient subir un vote sanction dans les quartiers de la capitale fortement meurtris par l’explosion du port. Décryptage.

À Beyrouth I, deux sièges du bloc aouniste au cœur de toutes les disputes

Les silos du port de Beyrouth, détruits par l’explosion du 4 août 2020. Photo d’archives João Sousa

Les conséquences de l’explosion du 4 août 2020 devraient normalement être au cœur du scrutin du 15 mai prochain à Beyrouth I. Les quartiers d’Achrafieh, Rmeil, Saïfi et Medawar, qui composent cette circonscription, n’en finissent pas de panser leurs plaies depuis la tragédie qui les a meurtris. Vingt mois après le drame, les habitants endeuillés attendent toujours que justice soit rendue. Ils pourraient fort bien opter pour un vote sanction contre le pouvoir. Ce vote pourrait bénéficier aux formations émergentes de l’opposition, mais aussi aux partis chrétiens traditionnels, tels les Forces libanaises et les Kataëb, dont Beyrouth I est le fief. Tous deux militent contre l’arsenal du Hezbollah et les alliés de ce dernier, mais ils se présentent cette fois-ci sur deux listes concurrentes, contrairement aux législatives de 2018. Il faut enfin compter avec le poids du vote arménien, et plus particulièrement du Tachnag qui règne en maître absolu sur le quartier de Medawar.


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C’est dans cet état des lieux que quelque 134 826 électeurs, parmi lesquels 9 668 membres de la diaspora, se prononceront sur les huit sièges à pourvoir, trois arméniens-orthodoxes, un arménien-catholique, un maronite, un grec-catholique, un grec-orthodoxe et un membre des minorités. Six listes et trente-neuf candidats (parmi lesquels six élus sortants) se disputent ces huit strapontins. Trois listes sont issues de la classe politique traditionnelle : l’alliance entre le Courant patriotique libre et le Tachnag; les FL et le parti arménien Henchag ; les Kataëb et l’homme d’affaires Antoun Sehnaoui. Les trois autres sont issues de la thaoura : la liste de Tahalof Watani menée par la seule élue de la société civile en 2018, Paula Yacoubian, celle de Citoyens et citoyennes dans un État, menée par Charbel Nahas, et celle de Beyrouth Madinati avec Nada Sehnaoui et Levon Telvizian notamment.

Entre 2018 et 2022

Le scrutin de 2018 avait consacré la victoire (relative) du bloc aouniste, qui avait remporté quatre des huit sièges de la circonscription : deux, pour la première fois, au CPL, à Nicolas Sehnaoui (4 788 voix) et Antoine Pano (proche du parti orange, 539 voix), et deux autres à ses alliés du Tachnag, Hagop Terzian (3 451 voix) et Alexandre Matossian (2 376 voix). L’un des enjeux majeurs de la bataille cette année est de savoir s’il pourra les conserver. C’est aussi dans cette circonscription que les autres formations chrétiennes, les FL et Kataëb, avaient croisé le fer ensemble, avec le soutien de leur allié Antoun Sehnaoui et de l’ancien ministre Michel Pharaon. Une alliance qui a porté trois de leurs candidats à l’hémicycle : Jean Talouzian (4 166 voix), Nadim Gemayel (4 096 voix) et Imad Wakim (3 936 voix).

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Quant à la société civile, c’est dans cette circonscription qu’elle avait remporté sa victoire orpheline. Représentant alors le parti Sabaa, Paula Yacoubian avait emporté un siège arménien-orthodoxe avec 2 500 voix.

Principaux enjeux

Deux sièges du bloc aouniste en danger : les pronostics vont aujourd’hui bon train. Nombre d’observateurs assurent que six sièges sont déjà emportés d’avance, ceux des députés sortants Nicolas Sehnaoui (grec-catholique, CPL), Hagop Terzian (arménien-orthodoxe, Tachnag), Paula Yacoubian (arménien-orthodoxe, contestation), Nadim Gemayel (maronite, Kataëb) et Jean Talouzian (arménien-catholique, proche d’Antoun Sehnaoui), de même que le candidat des FL, Ghassan Hasbani (grec-orthodoxe), qui se présente à la place du député sortant Imad Wakim. Face à M. Hasbani, qui part favori, ressort notamment la figure militante d’Asma-Maria Andraos (liste Kataëb), rendue célèbre par sa contribution active à l’organisation de la manifestation du 14 mars 2005. La bataille risque donc de se limiter aux deux sièges restants, le troisième arménien-orthodoxe et celui des minorités. Donc les deux sièges faisant partie du bloc aouniste en 2018, celui d’Alexandre Matossian et celui d’Antoine Pano. Mais c’est sans compter les pièges que renferme la loi électorale, notamment sur le nombre de sièges attribués à chaque liste. Quoi qu’il en soit, le camp aouniste a déjà anticipé du moins partiellement son recul en écartant d’emblée le député sortant Antoine Pano, maillon faible du bloc du « Liban fort ». « Cette région a été la plus touchée par l’explosion, l’une des plus grosses explosions non nucléaires de l’histoire. À l’heure où les associations de familles de victimes réclament inlassablement que justice soit rendue, le paysage politique de la circonscription pourrait bien être redessiné », souligne à L’Orient-Le Jour le politologue Karim el-Mufti. Sauf qu’aucun sondage fiable ne permet pour l’instant d’évaluer le degré de désaffection. « Le CPL perdra des voix, nous en sommes sûrs. Mais à Beyrouth I spécifiquement, nous n’avons toujours pas la possibilité de nous prononcer sur sa chute de popularité. Et sa liste compte deux hommes forts », estime Georgia Dagher, chercheuse à Policy initiative, une ONG locale qui analyse les élections.

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La contestation en rangs dispersés : la réalité est d’autant plus difficile à cerner qu’au lieu de se mobiliser en force contre les acteurs au pouvoir, c’est en rangs dispersés que se présente la contestation, au sein de trois listes, réduisant ainsi ses chances de forte percée. « Je ne leur vois aucun programme, aucune identité. Au lieu de former une opposition solide, ils se sont éparpillés, comme si la population n’avait pas été dévalisée par la classe au pouvoir, ni confisquée de ses droits ou privée de soins de santé », gronde l’analyste électoral Kamal Féghali. Résultat, une seule figure de la thaoura semble réellement capable de percer, à moins d’un mois du scrutin. Il s’agit de Paula Yacoubian, dont la liste jugée « avant-gardiste » compte un nombre important de femmes, mais aussi des personnalités susceptibles d’apporter des réponses en matière de traitement des déchets (Ziad Abi Chaker), de justice (Brigitte Chelebian) ou tout simplement d’anciennes figures aounistes qui ont fait défection (Cynthia Zarazir et Ziad Abs).

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« L’opposition (du 17 octobre) pourrait bien remporter les deux sièges disputés. Et si le parti de Charbel Nahas est sans aucun doute le plus organisé de la contestation du 17 octobre, les électeurs pourraient voter pour une figure connue, d’où l’avantage que représente la candidate sortante de l’opposition sur les autres figures de la contestation », analyse Georgia Dagher.

L’inconnue sunnite : dans un paysage politique privé du courant du Futur et de son chef, Saad Hariri, qui a jeté l’éponge, le vote sunnite représente une autre inconnue. Nul ne se prononce sur les quelques milliers de voix sunnites de Beyrouth I. Des voix qui auraient pu être au cœur d’un véritable marchandage. « Je n’observe aucun effort de mobilisation dans ce sens, ni des partis traditionnels ni même de l’opposition », note Mme Dagher.

Fiche technique

Une circonscription formée de quatre quartiers : Achrafieh, Rmeil, Saïfi, Medawar.

Huit sièges à pourvoir :

3 arméniens-orthodoxes, 1 arménien-catholique, 1 maronite, 1 grec-orthodoxe, 1 grec-catholique, 1 consacré aux minorités chrétiennes.

Nombre d’électeurs inscrits : 134 826.

Répartition confessionnelle des électeurs :

27 % arméniens-orthodoxes ; 18 % grecs-orthodoxes ; 15 % maronites; 11 % sunnites ; 11 % minorités chrétiennes, 10 % grecs-catholiques; 5 % arméniens-catholiques ; 3 % chiites ; 1 % protestants.

Seuil électoral (en 2018) : 5 458 voix.

Les listes en compétition

1. « Capables » : Citoyens et citoyennes dans un État (MMFD)

Charbel Nahas ; Marilyn Jureidini ; Moussa Khoury ; Roy Ibrahim.

2. Beyrouth Madinati : Beyrouth Madinati + figures proches du mouvement de contestation.

Jacques Jindo ; Levon Telvizian ; Nada Sehnaoui ; Pierre Boulos Gemayel ; Tarek Ammar.

3. Nous sommes pour Beyrouth : Forces libanaises et Henchag

Arem Sarkis Malian ; Élie Charbachi; Fadi Nahas ; Georges Chehwan ; Ghassan Hasbani ; Jihad Pakradouni.

4. Ma patrie : société civile et « Tahalof Watani »

Brigitte Chelebian ; Charles Fakhoury ; Cynthia Zarazir ; Diana Ohanian ; Maguy Nanijian ; Paula Yacoubian ; Ziad Abichaker ; Ziad Abs.

5. Le Liban de la souveraineté : Kataëb et Antoun Sehnaoui Annie Séférian ; Antoine Siryani ; Asma-Maria Andraos ; Jean Talouzian ; Léon Sémerjian ; Nadim Gemayel ; Nagib Lian ; Talar Markoussian.

6. Nous étions et nous resterons à Beyrouth : CPL et Tachnag

Alexandre Matossian ; Carla Boutros; Chamoun Naïm Chamoun; Élie Assouad ; Georges Juvelekian ; Hagop Terzian ; Nicolas Sehnaoui ; Serge Melkonian.

Les conséquences de l’explosion du 4 août 2020 devraient normalement être au cœur du scrutin du 15 mai prochain à Beyrouth I. Les quartiers d’Achrafieh, Rmeil, Saïfi et Medawar, qui composent cette circonscription, n’en finissent pas de panser leurs plaies depuis la tragédie qui les a meurtris. Vingt mois après le drame, les habitants endeuillés attendent toujours que justice soit...

commentaires (1)

Par pitié pour Ashrafieh, dégageons l'auto-proclamé défenseur des chrétiens de Hiroshima et Nagasaki, un vrai boulet de bêtise.

Christine KHALIL

14 h 01, le 20 avril 2022

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Commentaires (1)

  • Par pitié pour Ashrafieh, dégageons l'auto-proclamé défenseur des chrétiens de Hiroshima et Nagasaki, un vrai boulet de bêtise.

    Christine KHALIL

    14 h 01, le 20 avril 2022

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