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Moyen-Orient - Éclairage

Yémen : Hadi écarté pour établir un front unifié face aux houthis

Le président yéménite annonce le transfert des pouvoirs présidentiels à un collège de huit membres. Une décision perçue comme une tentative d’unifier les groupes s’opposant aux houthis en vue d’éventuelles négociations de paix.

Yémen : Hadi écarté pour établir un front unifié face aux houthis

Le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi prononçant son allocution télévisée pour annoncer le transfert des pouvoirs présidentiels à un collège exécutif, le 7 avril 2022. Yemen TV/AFP

C’est la fin d’un mandat controversé qui a duré dix ans. Au dernier jour des pourparlers de paix sur le Yémen organisés par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) sous l’égide de Riyad, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi a annoncé hier le transfert de ses pouvoirs présidentiels à un collège exécutif de huit membres, après avoir limogé son vice-président. « Je délègue mes pleins pouvoirs à ce Conseil présidentiel de manière irréversible », a-t-il déclaré dans une allocution télévisée depuis la capitale saoudienne, où il est exilé depuis 2015. Perçue par les observateurs comme émanant d’une volonté de Riyad, chef de file d’une coalition en appui aux forces gouvernementales contre les houthis, soutenus par Téhéran, cette annonce intervient alors qu’une trêve de deux mois conclue au début du ramadan et négociée par l’ONU semble relativement tenir au Yémen. Si la décision de former un organe exécutif collégial pourrait permettre des avancées dans le processus de paix, elle reflète également une volonté d’unir les forces non houthies dans le pays.

« Le format choisi de ce Conseil est censé permettre l’inclusion de représentants de différentes factions politiques clés, en phase avec une plus large “unification” de divers groupes non houthis ou anti-houthis », explique Adam Baron, auteur et analyste politique spécialisé sur le Yémen et le Golfe. Nommé à la tête de cet organe exécutif jusqu’à la prochaine élection présidentielle, le major général Rachad al-Alimi dispose du soutien des pays du Golfe, ainsi que de bonnes relations avec le parti Islah, proche des Frères musulmans honnis par Abou Dhabi. Il a été vice-Premier ministre du gouvernement de Ali Abdallah Saleh, qui a cédé sa place en 2012 à Abd Rabbo Mansour Hadi, face aux manifestations populaires des printemps arabes. Tué par les rebelles en décembre 2017, l’ancien président yéménite s’était allié aux houthis dans le sillage de l’intervention de la coalition en 2015, avant de brusquement faire volte-face deux ans plus tard. Parmi les membres du nouveau Conseil présidentiel se trouvent des proches des Émiratis : Tarek Saleh, neveu de l’ancien président et leader du groupe armé Résistance nationale, Faraj Salmin el-Bahsani, gouverneur de Hadramout, et Abdel Rahman Abou Zara’a, commandant des Brigades des géants soutenues par Abou Dhabi ; des membres du parti islamiste Islah : Sultan al-Irada, gouverneur de Ma’rib, dernier bastion gouvernemental dans le nord du pays, et Abdallah el-Alimi, ancien directeur de cabinet du président Hadi ; le chef indépendantiste du Conseil de transition du Sud (CTS), Aïdarous el-Zoubaydi ; et Osman Hussein Mejali, originaire de Saada, bastion des houthis. « Il y a des signes encourageants dans la composition du nouveau Conseil présidentiel, notamment en ce qu’il est également divisé entre Yéménites du Nord et du Sud », ajoute Elisabeth Kendall, chercheuse au Pembroke College à l’université d’Oxford.

Dossier urgent

Cette formule évoque celle de l’accord de Riyad signé en novembre 2019 dans le but d’unifier les groupes non houthis entre lesquels les dissensions et les tensions se sont multipliées ces dernières années, aux dépens de la lutte contre les houthis. Le texte prévoyait ainsi un partage des postes ministériels entre le CTS, soutenu par les Émirats arabes unis, et le gouvernement exilé de Hadi incluant le parti Islah. Alors que la mise en œuvre de l’accord avait été laborieuse et d’une efficacité limitée, le Conseil présidentiel « a plus de chance de réussir car il instaure une structure plus stricte, écarte des personnalités impopulaires comme le vice-président Ali Mohsen al-Ahmar (général sunnite mal vu des houthis autant que des Yéménites du Sud pour ses campagnes militaires dans leurs régions dans les années 1990), met le président Hadi lui-même sur la touche et intervient à un moment crucial de la guerre où les houthis intensifient leurs attaques transfrontalières », analyse Elisabeth Kendall.

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Le royaume wahhabite a ainsi appelé le Conseil présidentiel à entamer des négociations avec les rebelles houthis sous les auspices de l’ONU, tandis que ces derniers avaient refusé de prendre part aux pourparlers en Arabie saoudite, qu’ils considèrent comme partie prenante au conflit. Si les attaques transfrontalières sur son territoire sont monnaie courante, trouver une voie de sortie à la crise yéménite reste une priorité pour Riyad, qui a tenu à ce sujet une série de pourparlers bilatéraux secrets avec l’Iran l’année dernière par l’intermédiaire de Bagdad. Recevant les membres du Conseil présidentiel peu après sa formation, le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane a souhaité que cet organe puisse ouvrir un nouveau chapitre de paix et de développement chez son voisin. Les houthis avaient pourtant joué préalablement l’escalade, revendiquant en début d’année plusieurs frappes sur Abou Dhabi, ainsi que sur des installations pétrolières de distribution et une usine de désalinisation plus récemment en Arabie saoudite. Alors qu’un accord sur le nucléaire iranien pourrait être signé à Vienne prochainement, les deux pétromonarchies du Golfe s’inquiètent de la liberté d’action que pourrait gagner la République islamique, et par conséquent ses supplétifs régionaux, en cas de levée des sanctions.

« Le dossier est d’autant plus urgent pour la communauté internationale que les attaques transfrontalières des houthis sont en train d’exacerber l’instabilité des marchés pétroliers déjà impactés par l’invasion russe de l’Ukraine », souligne Elisabeth Kendall. Alors que le pays est ravagé par la guerre et fait face à une crise économique, l’Arabie saoudite a affirmé hier se mobiliser pour sécuriser trois milliards de dollars afin d’aider le Yémen, suite à l’annonce du transfert des pouvoirs présidentiels. Le royaume wahhabite et les Émirats arabes unis devraient déposer chacun un milliard de dollars à la banque centrale yéménite, tandis que Riyad allouerait un autre milliard pour des produits pétroliers et des programmes de développement. Appelant à la tenue d’une conférence internationale pour récolter des financements afin de soutenir l’économie yéménite, les Saoudiens ont annoncé le versement de 300 millions de dollars supplémentaires au Fonds de l’ONU de réponse humanitaire pour le Yémen.

C’est la fin d’un mandat controversé qui a duré dix ans. Au dernier jour des pourparlers de paix sur le Yémen organisés par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) sous l’égide de Riyad, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi a annoncé hier le transfert de ses pouvoirs présidentiels à un collège exécutif de huit membres, après avoir limogé son vice-président....

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