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Société - Liban / Unesco

« La réforme de l’éducation, c’est maintenant ou jamais ! »

La directrice générale adjointe de l’Unesco pour l’éducation, Stefania Giannini, a clôturé lundi soir l’initiative LiBeirut, lancée après l’explosion au port de la capitale le 4 août 2020, pour réhabiliter les bâtiments scolaires dévastés.

« La réforme de l’éducation, c’est maintenant ou jamais ! »

L’école secondaire officielle Mufti Hassan Khaled après les travaux. Photo Unesco

L’école publique secondaire Mufti Hassan Khaled, quartier Bourj Abi Haïdar, était au cœur de l’attention internationale et locale, ce lundi 28 mars. Celle de la directrice générale adjointe de l’Unesco pour l’éducation Stefania Giannini, du Premier ministre Nagib Mikati et du ministre de l’Éducation Abbas Halabi. Celle aussi d’un vaste public d’élèves et d’enseignants venus admirer la restauration du bâtiment classé sur la liste du patrimoine national, et accompagner la clôture de l’initiative LiBeirut lancée par l’Unesco au lendemain de la double explosion au port de la capitale libanaise.

L’école secondaire publique Mufti Hassan Khaled avant sa restauration. Photo Unesco

Un symbole culturel et éducatif

Après avoir été malmené par la guerre civile, les réfections arbitraires, l’indifférence de l’État et l’usure du temps, le bâtiment érigé à l’époque des Ottomans, autrefois école militaire, avait reçu le coup fatal en ce funeste 4 août 2020. Il révèle désormais une façade de pierre sableuse à triple arcade, avec son toit rouge refait à neuf et ses volets bleu-vert. Un intérieur tout aussi accueillant, avec ses hauts murs, ses salles de classe colorées en douceur, ses accès aux personnes à mobilité réduite. Et une cour de récréation aménagée, qui permet aux élèves de s’adonner aux activités sportives malgré l’exiguïté des lieux. Il est aujourd’hui le symbole du redressement dans l’urgence du secteur éducatif au Liban, de l’école publique plus particulièrement, qui scolarise les plus démunis. Un symbole à la fois éducatif et culturel, vu l’héritage historique qu’il représente pour la ville de Beyrouth.

Une école publique à Achrafieh, juste après l’explosion, le 4 août 2020. Photo Unesco

« Nous avons voulu restaurer la bâtisse qui tombait en ruine tout en lui redonnant son caractère traditionnel et culturel initial qui avait disparu au fil des ans et des restaurations ratées », précise l’architecte Jean Yasmine, consultant auprès de l’Unesco. L’ensemble est d’une telle harmonie qu’il fait aujourd’hui la fierté du quartier. Celle-ci vient s’ajouter à la réputation de cet établissement éducatif secondaire à la fois francophone et anglophone, « le seul du voisinage », assure sa directrice Souad Kassas. L’école Mufti Hassan Khaled, autrefois connue sous le nom de Haoud el-Wilayé, scolarise aujourd’hui 250 élèves. Parmi lesquels Sara, en classe de première, « heureuse de suivre ses cours dans la plus belle école du pays », mais aussi Mohammad Ali, ancien élève, qui se souvient « des pierres qui se détachaient de la façade avant la restauration pour atterrir dans la cour de récréation ». « L’établissement a scolarisé de grandes personnalités beyrouthines, parmi lesquelles l’ancien Premier ministre Salim Hoss », rappelle Mme Kassas.

La même école publique à Achrafieh, après sa rénovation grâce à l’initiative LiBeirut. Photo Unesco

L’événement marque la réhabilitation par l’Unesco de 95 établissements éducatifs publics et privés, 20 centres de formation professionnelle et 30 bâtiments universitaires, détruits ou sérieusement endommagés par la catastrophe. Avec ses partenaires, le ministère de l’Éducation, le Fonds qatari pour le développement, les organisations « Education above all » et « Education cannot wait », le nombre total de bâtiments réhabilités s’élève à 280. Une réhabilitation qui a coûté au total la coquette somme de 30 millions de dollars, incluant la réfection des bâtiments et la fourniture d’équipements. « Un peu moins d’un million de dollars ont été consacrés à la seule école Mufti Hassan Khaled », précise M. Yasmine.

Stefania Giannini, directrice générale adjointe de l’Unesco pour l’éducation. Anwar Amro/AFP

L’État doit prioriser l’éducation

Cet événement a été l’occasion pour L’Orient-Le Jour d’une rencontre avec la plus haute responsable onusienne de l’éducation. Un entretien au cours duquel Stefania Giannini fait part de sa « grande fierté » d’avoir accompli la mission de l’Unesco et « d’en avoir remis les clés » lundi soir aux autorités libanaises, représentées par le Premier ministre Nagib Mikati et le ministre de l’Éducation Abbas Halabi. L’initiative n’est certes « que le début d’un long processus », car les dégâts occasionnés par l’explosion au port sont colossaux. « 228 écoles ont été endommagées ou détruites, de même que 20 centres de formation professionnelle et 32 universités », énumère Mme Giannini. « Il fallait aussi faire avec la pandémie de Covid-19 et l’enseignement à distance, ajoutés aux multiples crises que traverse le Liban, qui ont forcément plombé son système éducatif », observe-t-elle.

D’où la nécessité « de relancer la qualité de l’éducation ». « Une action bifocale est donc indispensable », insiste-t-elle. « Des actions dans l’urgence, d’abord immédiates », comme celle menée par l’Unesco, afin de permettre aux 85 000 élèves des établissements scolaires touchés par la catastrophe au port de Beyrouth d’avoir accès à l’éducation et de réintégrer au plus vite leurs écoles, ou sous forme de soutien ponctuel aux enseignants qui souffrent grandement de la dévaluation de leur salaire. Parallèlement, il faut impérativement « repenser le système éducatif libanais » et « mettre en place la réforme du secteur, non seulement au niveau scolaire, mais aussi universitaire ».

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Stefania Giannini suit de près la réforme tant attendue de l’éducation, commandée par l’effondrement du niveau scolaire et par les notes déplorables obtenues par les élèves libanais aux évaluations internationales, TIMSS et PISA en tête. « Le ministère de l’Éducation a dessiné un plan quinquennal pour le secteur, avec le soutien technique de l’Unesco », observe-t-elle. Le projet porte notamment sur la refonte des programmes scolaires, le développement de l’enseignement public et technique, la formation citoyenne des élèves, la valorisation de la profession d’enseignant, la création d’une agence nationale pour le contrôle de qualité… « Il doit traduire l’engagement de l’État libanais à prioriser le secteur éducatif », résume la sous-directrice générale, exprimant l’espoir que « l’opportunité sera saisie pour un changement d’approche ». Entendre une meilleure gouvernance dans un pays miné par le clientélisme politique.

Les promesses officielles n’attendent plus que d’être mises en application. « C’est maintenant ou jamais ! commente Stefania Giannini. La classe politique libanaise doit rendre des comptes. » Car il est impératif de « donner de l’espoir à la jeunesse libanaise » qui émigre en masse et de l’encourager à rester au pays.

L’école publique secondaire Mufti Hassan Khaled, quartier Bourj Abi Haïdar, était au cœur de l’attention internationale et locale, ce lundi 28 mars. Celle de la directrice générale adjointe de l’Unesco pour l’éducation Stefania Giannini, du Premier ministre Nagib Mikati et du ministre de l’Éducation Abbas Halabi. Celle aussi d’un vaste public d’élèves et d’enseignants...

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