
Le patriarche maronite Béchara Raï. Photo d'archives AFP
Le cardinal Béchara Raï, chef de l'Eglise maronite, a mis en garde dimanche contre un "torpillage" ou un "report" des législatives du 15 mai, en raison des mesures judiciaires prises à l'encontre du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, de son entourage et de plusieurs banques, et appelé à mettre un terme "aux mesures prises par un pouvoir judiciaire partial et politisé, ainsi qu'à celles visant les banques".
Cette mise en garde est perçue par les observateurs comme visant implicitement la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, réputée proche du camp du chef de l'Etat, Michel Aoun, et du parti qu'il a fondé, le Courant patriotique libre (CPL) de son gendre Gebran Bassil. Les détracteurs de la magistrate et de M. Aoun affirment que ce camp souhaite redorer son blason avant les législatives en surfant sur la cause des déposants inquiets pour leurs comptes bloqués depuis plus de deux ans. D’autres y voient même une escalade en vue d’un report du scrutin, la formation aouniste étant en chute de popularité.
"Pouvoir judiciaire partial"
"Où sont les juges censés protéger le corps judicaire ?", a demandé le prélat dans son homélie dominicale, déplorant "l'état triste" du pouvoir judiciaire. "L'objectif de ces mesures fermes est-il de torpiller les législatives ou d'empêcher leur organisation aux dates prévues ?", s'est-il inquiété. Mgr Raï a de nouveau insisté pour que le scrutin ait lieu le 15 mai prochain, et appelé le prochain président de la République (le mandat du président Aoun s'achevant en octobre, ndlr), à "écarter le Liban des axes", assurant que le pays "n'appartient à personne", dans une allusion à la politique pro-iranienne du Hezbollah, allié du camp aouniste, qui est contestée par plusieurs parties de la classe politique.
"N'est-il pas temps que la nuit du pouvoir judiciaire partial, électoral et politique prenne fin ?", a poursuivi le chef de l'Eglise maronite, appelant également à ce que "la suspension de l'enquête sur les explosions meurtrières au port de Beyrouth prenne fin". L'instruction est, en effet, bloquée depuis des mois par plusieurs recours contre le juge Tarek Bitar, en charge du dossier. "Le non-respect de l'Etat ne doit-il se terminer ? Et les atteintes aux institutions essentielles et aux banques aussi ?", a-t-il ajouté, dénonçant le fait que les responsables "continuent d'opprimer le peuple, de l'empêcher de s'exprimer, de se plaindre et de proclamer son opposition".
Le prélat a fustigé, par ailleurs, l'inaction des responsables et la persistance des crises qui frappent le pays depuis plus de deux ans. "N'est-il pas temps que la nuit des crises, des hostilités et de la sédition prenne fin ?", a-t-il plaidé, dénonçant "le manque de contrôle des frontières et de la sécurité" dans le pays.
Les poursuites engagées par la magistrate Aoun divisent la classe politique. Le chef du gouvernement, Nagib Mikati, avait pris implicitement sa défense. Le ministre de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, a cependant accusé dimanche la procureure, sans la nommer, de "prendre partie" et l'a appelée indirectement à "abandonner le dossier" ou à ce qu'elle soit "dessaisie".
Cette pyramide de Ponzi a entraîné l'effondrement économique et financier du Liban auquel nous assistons aujourd'hui. Soyez objectifs à tous points de vue Monseigneur et n'appliquez pas la politique des deux poids et deux mesures.
02 h 52, le 28 mars 2022