La mère de la victime Roula Yacoub pleurant près du portrait de sa fille. Photo fournie par notre correspondant Michel Hallak
L’affaire du meurtre de Roula Yacoub en 2013 est enfin arrivée à une conclusion mercredi, avec le verdict définitif de la Cour de cassation qui a condamné son mari, Karam el-Bazzi, à cinq ans de prison ferme et à une amende de 300 millions de livres libanaises à verser à sa mère, Leila Khoury. Laquelle ne cache pas sa déception au sujet d'une sentence qu'elle juge bien trop légère.
Le mari, finalement reconnu coupable d’« homicide involontaire » mercredi, avait été innocenté deux fois auparavant pour « manque de preuves », la dernière fois en 2018 par la chambre criminelle du Liban-Nord. En 2014, le juge d’instruction Ala’ el-Khatib avait prononcé un non-lieu en faveur de Karam el-Bazzi.
Beaucoup se demandaient pourquoi la peine était si légère dans le cas d’un meurtre. L’avocate Leila Awada, responsable de l’unité de violence domestique à l’association Kafa, qui suit cette affaire depuis neuf ans, explique pourquoi ce verdict est en fait satisfaisant, dans une certaine mesure du moins. « Le mari de Roula Yacoub a été jugé en vertu de l’article 550 du code pénal, qui porte sur l’homicide involontaire et non le meurtre, explique-t-elle. Le prévenu n’était donc pas accusé d’homicide volontaire. Dans le cas d’un tel crime, la sentence ne dépasse pas les cinq à sept ans de prison, la peine la plus lourde étant prononcée quand il existe de nombreuses circonstances aggravantes. Voilà pourquoi cette sentence n’est pas surprenante. »
Roula Yacoub, mère de cinq filles toutes mineures au moment des faits, avait été tuée à Halba (Akkar) le 7 juillet 2013 sous les coups violents de son époux. « Le plus important, c’est que ce verdict aurait pu être prononcé il y a de nombreuses années. Il est tardif, il est vrai, mais nous avons obtenu gain de cause. Et vu les très nombreuses ingérences qui ont marqué ce dossier, du fait que l’accusé avait déjà été innocenté par la cour pénale et que de nombreux juges se sont désistés de cette affaire, cette sentence nous paraît satisfaisante », poursuit Leila Awada.
Le meurtre de Roula Yacoub avait accéléré l’adoption de la loi sur la violence domestique par le Parlement. Sa mère, Leila Khoury, et Kafa n’ont jamais cessé de demander justice.
« Je veux qu’il paye pour avoir tué ma fille unique » Si Kafa est raisonnablement satisfaite de l’issue de cet épineux dossier, la mère de Roula, Leila Khoury, garde un goût amer de ces neuf années de souffrance. « Cinq ans, ce n’est pas assez, lâche-t-elle dans un entretien téléphonique avec L’OLJ. Lui a condamné à mort ma fille unique ! Il aurait dû en prendre au moins pour quinze ans afin de payer pour son crime ! » À l’autre bout du fil, sa voix est fatiguée. « Mettez-vous à ma place, qu’auriez-vous fait si on avait tué votre fille unique ? dit-elle. Durant neuf ans, j’ai fait régulièrement le trajet du Akkar jusqu’au Palais de justice à Beyrouth, par tous les temps et malgré le coût des transports. Je ne suis pas satisfaite de l’issue. » Leila Khoury insiste sur la solitude dans laquelle la plonge définitivement la mort prématurée de sa fille, accentuée par sa quasi-séparation de ses cinq petites-filles. « Je sais qu’au domicile de leurs grands-parents paternels, l’on doit les monter contre moi, dit-elle. Mais moi je sais que mon combat pour ma fille est juste. »
L’affaire du meurtre de Roula Yacoub en 2013 est enfin arrivée à une conclusion mercredi, avec le verdict définitif de la Cour de cassation qui a condamné son mari, Karam el-Bazzi, à cinq ans de prison ferme et à une amende de 300 millions de livres libanaises à verser à sa mère, Leila Khoury. Laquelle ne cache pas sa déception au sujet d'une sentence qu'elle juge bien trop...
commentaires (12)
Il n'y a pas que le systeme politique (et financier) qui obeisse a la loi de la jungle. Meme la justice repose sur des valeurs antedeluviennes. Le nettoyage des ecuries d'augias doit commencer par le corps judiciaire, autant pour des raisons ayant trait a la corruption que pour des raisons culturelles.
Michel Trad
09 h 06, le 24 mars 2022