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Voyances romaines

Résister à l’occupation n’est pas du terrorisme ; le Hezbollah n’a aucune sorte d’influence sur l’état de la sécurité intérieure : ces vues exprimées par le président de la République au quotidien italien La Repubblica, en marge de sa visite au Vatican, ne feront certes pas l’unanimité des Libanais, à l’heure où les graves débordements miliciens de Tayouné sont encore dans toutes les mémoires. Ces assertions ne sortent pas trop néanmoins du domaine du déjà-vu, déjà entendu et inlassablement ressassé.


Plus surprenante en revanche (même le bon saint Maron a dû en sursauter !), tout aussi sujette à controverse aussi est l’assurance, formulée par le chef de l’État dès son arrivée à Rome, selon laquelle la chrétienté au Liban n’est pas menacée. Voilà qui était censé calmer les inquiétudes, maintes fois exprimées ces derniers temps par le Vatican, quant aux risques d’effritement, sinon de disparition, de l’identité même du Liban. Par définition celle-ci tient, comme tout le monde sait, au caractère pluriconfessionnel de notre pays où la présence et le poids politique des chrétiens sont effectifs et non seulement tolérés comme c’est le cas, dans la meilleure des hypothèses, partout ailleurs dans cette partie du monde.


Mû par une fort louable modestie, le chef de l’État n’est certes pas allé jusqu’à soutenir que si les chrétiens libanais n’ont rien à craindre, ils le doivent à cette présidence qui se veut forte et dont il est l’incarnation. À l’appui de sa thèse, le premier magistrat de la République pourrait d’ailleurs citer la frénésie que met sa protégée, la procureure Ghada Aoun, à pourfendre la corruption, même si le choix arbitraire de ses cibles, ses méthodes brouillonnes et ses abus de procédure servent bien mal la cause proclamée et laissent transparaître de visées moins innocentes. Pour cette raison, entre bien d’autres, et sans forcément remonter jusqu’au déluge de désastres de 1989, la rhétorique présidentielle aura du mal à convaincre ceux qui rendent Michel Aoun responsable du sévère amaigrissement subi par la chrétienté libanaise.


Cela dit et comme le veut l’adage, c’est de la bouche des plus jeunes – à défaut d’enfants – que sort la vérité. Écoutez et réécoutez donc Gebran Bassil expliquer savamment que l’alliance contractée par le parti présidentiel avec le Hezbollah se limite, du moins pour l’heure, à une collaboration purement électorale entre partenaires également motivés, et qui restent parfaitement libres de leurs options politiques.


En proie à une notable désaffection de sa base populaire, s’évertuant à se faire bien voir des Américains, Bassil ne sera que trop heureux, par conséquent, d’engranger les précieux suffrages de la milice pro-iranienne : et aussi ceux du mouvement Amal dont, hier encore, il qualifiait le président de voyou. Si tant d’astuces déployées pour saisir la bouée de sauvetage chiite n’est pas signe de force, ce serait quoi alors, on vous le demande. On en verra pour preuve l’aisance, la désinvolture, le défi avec lesquels les uns et les autres alignent leurs champions électoraux : ici, deux anciens ministres poursuivis par la justice dans la meurtrière affaire de l’explosion de 2020 dans le port de Beyrouth ; et là, les calamiteux ministres qui se sont succédé au département de l’électricité…


Ce paradoxe pour finir : dans le même temps que se déroulait la visite vaticane, c’est un son de cloche différent que faisait retentir à toute volée, en Égypte, cet autre pôle officiel de la chrétienté libanaise – spirituel celui-là – qu’est le patriarche maronite. Au président Sissi, aux responsables de la Ligue et aux dignitaires religieux de la prestigieuse université islamique al-Azhar, le cardinal Raï a rappelé le devoir d’assistance qu’ont, envers le Liban, les États arabes. Il a également défendu son projet de neutralité positive, actuellement écartelé par les diverses ambitions régionales. De ce projet, le patriarche escompte tout bénéfice pour les Libanais : tous les Libanais, concernés par la même et très réelle menace planant sur leur pays.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Résister à l’occupation n’est pas du terrorisme ; le Hezbollah n’a aucune sorte d’influence sur l’état de la sécurité intérieure : ces vues exprimées par le président de la République au quotidien italien La Repubblica, en marge de sa visite au Vatican, ne feront certes pas l’unanimité des Libanais, à l’heure où les graves débordements miliciens de Tayouné sont...