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Culture - Initiative

Médecin, pilote, journaliste, militante... Ces Libanaises qui font la fierté de leur pays

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’Institut français du Liban à Beyrouth a lancé, le 8 mars, le projet « Mon histoire » dont l’objectif premier est de raconter l’histoire du Liban tout en y sensibilisant la jeunesse, à travers le portrait de 40 femmes admirables.

Médecin, pilote, journaliste, militante... Ces Libanaises qui font la fierté de leur pays

Une exposition collective à l’Institut français du Liban, rue de Damas, regroupe les illustrations d’artistes visuels libanais. Photo DR

Financé par l’ambassade de France, le projet « Mon histoire » initié par Mélodie Bardin, directrice de l’Institut français de la ville de Jounié, est né il y a trois ans, avant la révolution libanaise. Dans la lignée du mouvement international grandissant, marqué notamment par la publication de nombreux ouvrages, concernant la libération de la parole de la femme (des livres qui mettaient en exergue le parcours des femmes à travers le monde), Mélodie Bardin, au retour d’un voyage, se pose la question suivante : quid des femmes du Moyen-Orient en général, et des Libanaises en particulier ? La réponse était là, sous ses yeux. Il fallait absolument en parler. Le projet initial avait pour vocation l’édition d’un livre, mais très vite, la crise économique contraint les initiateurs du projet à le penser autrement. La plateforme numérique se présente comme une solution à la portée de tous. Une première édition en français et en arabe voit le jour cette année et le lancement du projet, le mardi 8 mars dernier à l’Institut français de Beyrouth, en présence d’élèves et d’artistes, récolte un vif succès.

Le projet avait, en fait, pris son envol dès 2018, avec quelques écoles du Liban-Nord et à partir de recherches que les élèves (des classes de CM2 jusqu’à la terminale) ont faites. « Il a fallu, confie la directrice culturelle, conserver une unité de ton et rester fidèle au concept, à savoir raconter une histoire accessible aux enfants à partir de l’âge de 12 ans. Un vocabulaire simple, un style à la portée de la jeunesse et chaque fois, une anecdote ou une histoire importante dans la vie des femmes mises en avant. Le fil conducteur se tisse, les histoires relient une région à une autre et le lien entre ces femmes, qui représentent une époque, se crée. »

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Aujourd’hui, trois ans plus tard, et grâce à la participation de plus de 600 élèves, « Mon histoire » est devenue celle de 40 Libanaises qui ont marqué l’époque et qui resteront un modèle pour les générations futures. Il prend la forme d’un site internet collaboratif et d’une exposition itinérante (voir par ailleurs).

Portraits de femmes influentes à l’IFL. Photo Michel Sayegh

La première femme à avoir…

« L’objectif le plus important de ce projet pluridisciplinaire, souligne Mélodie Bardin, est de sensibiliser la jeunesse aux droits de la femme dans un contexte très compliqué afin de raviver l’espoir, de rendre hommage à tous les acteurs de la société civile et d’honorer les ONG qui mettent les droits de la femme au-devant de la scène. » Trois critères ont été établis par la directrice culturelle et son équipe, Anne Morizot Nasr et Valérie Cachard, dont le premier, incontournable, peut se résumer ainsi : la première femme à avoir… Edma Abou Chedid, première femme médecin ; Rola Hotait, première pilote de ligne au Liban et dans le monde arabe ; Nadine Labaki, réalisatrice,

actrice, première Libanaise à remporter de nombreux et prestigieux prix dans les festivals de cinéma internationaux et a être nominée aux Oscars ; Georgette Gebara, première ballerine au Liban et dans le monde arabe et fondatrice de la première école de ballet au Liban ; ou encore Joyce Azzam, première alpiniste libanaise à avoir gravi les sept plus hauts sommets de chacun des sept continents.

Selon le deuxième critère, étaient sélectionnées les femmes se positionnant en tant que modèle pour les générations futures, des femmes auxquelles on peut/veut s’identifier : Malak Alawiye Herz, icône de la révolution du 17 octobre 2019, qui s’est distinguée par le coup de pied donné à un garde du corps d’un politicien et devenu image virale ; Pamela Zeynoun, infirmière qui a sauvé trois nourrissons prématurés le 4 août 2020, quand a explosé le port de Beyrouth ; ou encore Sahar Fares, pompier volontaire décédée lors de la même tragédie.

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Quant au dernier critère, il concerne l’impact positif et durable que ces femmes ont sur la société libanaise, qu’elles soient pionnières ou leaders : Émilie Nasrallah, une des premières écrivaines et journalistes au Liban, son œuvre sur les thèmes des droits des femmes et de l’émigration est enseignée à l’école aujourd’hui ; Jocelyne Saab, une des rares reporters de guerre et pionnières du nouveau cinéma libanais; May Ziadé, écrivaine et journaliste, pionnière du féminisme oriental. Trois engagements se profilent au cours du projet : l’engagement citoyen, l’engagement pédagogique et la dimension artistique (illustration, dimension sonore et numérique). Et Mélodie Bardin de conclure : « Ce 8 mars, nous avons lancé le projet, mais l’objectif est de réitérer l’expérience afin d’ajouter chaque année 40 autres femmes. Et pourquoi pas publier tout cela un jour ? »

Portraits de femmes influentes à l’IFL. Photo Michel Sayegh

Sensibiliser la jeunesse

Autrice et artiste libanaise, Valérie Cachard est impliquée dans le projet depuis son lancement à l’hiver 2018. Elle formera les enseignants et mènera des ateliers d’écriture avec les élèves. Lorsque Mélodie Bardin l’approche pour cette aventure, Valérie Cachard est enthousiasmée : « C’était, dit-elle, une façon de se mettre en lien avec un grand mouvement à l’international initié depuis quelques années et qui donnait la parole aux femmes, pour mettre en lumière celles qui avaient contribué à écrire l’histoire de l’humanité. » Une manière aussi de sensibiliser la jeunesse en l’associant au travail. Elle allait pouvoir raconter les histoires des femmes aux plus jeunes.

Au fil de son développement, le projet, rattrapé par le mouvement de contestation du 17 octobre, prend un engagement politique différent. « Nous ne pouvions pas ignorer ces femmes engagées qui menaient le mouvement de protestation, réclamaient leurs droits, toujours présentes dans la rue, elles étaient la ceinture humaine », indique Mme Cachard. « Ce projet, précise-t-elle, est un parcours, celui des pionnières, de celles qui ont décidé d’ouvrir le chemin à d’autres et de créer cet élan afin de donner aujourd’hui de l’espoir aux autres femmes inscrites dans la même lignée. » Dans cette période de désillusion et de médiocrité que le Liban traverse actuellement, il était impératif de préserver les repères et de se souvenir des modèles à suivre. « La coordination s’est d’abord faite de façon éditoriale : quel genre de texte, quel type de matière nous désirions pour mener le projet. Mais dès le départ, l’idée d’illustrations avait pris place. Accompagner les élèves lors des entrevues avec certaines de ces femmes ou avec leurs descendants, voir la curiosité des élèves, leurs questionnements, leur surprise face à ces parcours, ces horizons qui s’ouvraient, assister à la naissance de cette inspiration qui leur donnait des ailes... Autant de moments magiques. Ce qu’ils avaient lu en ligne, ils le vivaient pleinement », raconte l’artiste. La première année, le projet cherche son identité et Chantal Mailhac accompagnera les élèves dans la lecture théâtralisée de leurs textes. Lors de la deuxième année, se met en place la formation des enseignants assurée par Valérie Cachard et qui consiste à travailler l’écriture, se pencher sur les critères des textes à produire avec les élèves, analyser les méthodes de recherche et se mettre en situation de réflexion : qu’est-ce qu’une femme célèbre ? Il s’agissait de faire passer les enseignants par le même processus que les élèves et affiner la sélection. Dans l’esprit de la petite histoire du soir, les élèves ont campé le rôle de journalistes en herbe pour redécouvrir les histoires de toutes ces femmes exceptionnelles. Parcourir le chemin qu’ils ont réalisé, en visitant la plateforme, c’est raviver l’espoir, celui d’appartenir à une histoire commune, celle de ces 40 femmes illustrée par 10 artistes libanais(es). C’est, surtout, être fière d’être libanaise.

« Mon histoire », l’exposition

Le projet « Mon histoire, une histoire du Liban à travers ses femmes », qui a pour marraine l’artiste française Pénélope Bagieu et dont l’auteure est Valérie Cachard, est une plateforme numérique collaborative pluridisciplinaire en français et en arabe, mais aussi une exposition de 40 portraits de femmes réalisés par les dix artistes libanais(es) suivants : Dalia Baassiri, Zeina Bassil alias Zenobie, Ralph Doumit, Kamal Hakim, Sinan Hallak, Noémie Honein, Laure Ibrahim, Joseph Kai, Mohamad Kraytem

et Maya Zankoul.

La plateforme collaborative, dont le design numérique a été conçu par Massoud Habib, se présente sous la forme d’un site internet avec trois aspects mis en exergue pour chaque femme choisie : une courte biographie romancée; une illustration réalisée par un(e) artiste libanais(e) ; un podcast. La plateforme présente également des ONG libanaises de défense des droits des femmes, de nombreuses ressources et tous ceux et celles qui prennent part au projet. C’est une plateforme engagée, dotée d’une grande dimension artistique et d’une vocation pédagogique.

Le public est, en outre, invité à participer et à s’engager sur cette plateforme. Chaque personne peut en effet y ajouter des informations sur une des femmes choisies ou présenter une autre femme, en expliquant pourquoi. Le public est ainsi invité à faire connaître « ses » femmes d’exception.

L’univers sonore des podcasts a été réalisé par Emmanuel Zouki.

Plateforme numérique collaborative : monhistoire.org

La tournée de l’expo

Du 7 mars au 16 mars 2022 : Institut français du Liban à Beyrouth

Du 18 mars au 3 avril 2022 : Institut français du Liban à Jounié

Du 2 mai au 14 mai 2022 : Institut français du Liban à Deir el-Qamar

Du 30 mai au 11 juin 2022 : Institut français du Liban à Tripoli

Du 15 juin au 29 juin 2022 : Institut français du Liban à Saïda

Du 3 octobre au 15 octobre 2022 : Institut français du Liban à Zahlé

Du 17 octobre au 29 octobre 2022 : Institut français du Liban à Baalbeck.

Financé par l’ambassade de France, le projet « Mon histoire » initié par Mélodie Bardin, directrice de l’Institut français de la ville de Jounié, est né il y a trois ans, avant la révolution libanaise. Dans la lignée du mouvement international grandissant, marqué notamment par la publication de nombreux ouvrages, concernant la libération de la parole de la femme (des...

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