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Politique - Journée internationale des droits des femmes

Les Libanaises au Parlement : des obstacles à la pelle et de timides avancées

La configuration de 2022 est certes différente de celle de 2018. Mais le Parlement libanais comptera-il plus de six femmes, à l’issue du scrutin du 15 mai? 

Les Libanaises au Parlement : des obstacles à la pelle et de timides avancées

La force aux femmes, dit ce slogan porté par les féministes, lors des manifestations populaires de 2019. (OLJ)

Une semaine avant la date limite de dépôt des candidatures, fixée au 15 mars 2022, 15 femmes seulement ont officiellement enregistré leur demande sur 117 candidats. Le nombre, environ 13 % du total jusqu’ici, peut sembler ridiculement bas. Il est à peine inférieur au taux final de participation féminine aux précédentes législatives, de 14 %. En 2018, en effet, on comptait, à la date limite, 111 postulantes pour 976 candidats. Un nombre qui, après la formation des listes, a chuté à 86 femmes sur un total de 597 candidats. Il faudra attendre le 4 avril prochain, qui clôt le délai de formation des listes, pour connaître le taux final de participation féminine aux législatives.Le tour n’est pas joué pour autant, ce taux n’ayant aucune incidence sur l’accès des femmes au Parlement. Car le Liban n’a jamais adopté de quotas féminins pour encourager la participation de la femme en politique. Uniquement six femmes ont donc accédé en 2018 à l’hémicycle, qui compte 128 députés. La question des quotas féminins pour les prochaines législatives n’ayant pas été débattue au parlement, il est légitime de se demander si le tableau électoral de 2022 présentera la moindre chance d’amélioration. Sauf que la configuration est quelque peu différente de celle de 2018. La Journée internationale des droits des femmes, ce 8 Mars 2022, est l’occasion de faire le point sur les obstacles, mais aussi les points forts, pour une participation politique de la Libanaise, et plus particulièrement au scrutin du 15 mai. Un scrutin qui se déroule dans un contexte de crise politico-économico-financière aiguë, d’effondrement drastique de la monnaie locale, de paupérisation record des Libanais, et de colère populaire qui a explosé le 17 octobre 2019. À cette crise multiforme, sont venus se greffer la pandémie de Covid-19 et l’explosion du 4 août, qui ont davantage vulnérabilisé une population fragilisée par la crise, femmes en tête.

Un moral au zénith en dépit des défis
« Je ne veux pas me poser en victime. Dans la bataille des législatives, nous devons être en position de force, afin d’avoir notre place au sein des listes de candidats. » C’est dans cet état d’esprit battant, que se présente dans la course au Parlement une candidate à l’un des deux sièges sunnites du Chouf, Halimé Kaakour, membre fondatrice du parti Lana, qui appartient aux forces du changement. « J’essaie de former une liste avec d’autres candidats. J’espère y parvenir », souligne de son côté Khouloud Wattar Kassem, candidate sunnite indépendante à Beyrouth II. Des difficultés, bien sûr qu’elle en rencontre, « comme chaque personne qui n’appartient pas à la caste politique traditionnelle qui a mené le pays à l’effondrement, comme aussi chaque personne qui n’a pas des milliards pour sa campagne électorale ». Il lui a été notamment reproché d’avoir « osé » se présenter dans un contexte marqué par le boycottage du scrutin par le courant du Futur. « Nul n’est plus grand que son pays, disait Rafic Hariri », l’ancien Premier ministre assassiné en 2005, rétorque-t-elle.Les conditions économiques difficiles sont au cœur de la grande réticence des femmes à enregistrer leur candidature. Trente millions de livres de droit d’inscription, non remboursables, cela ne représente effectivement que 1 500 dollars, mais la somme reste très élevée pour les personnes dont le revenu est exclusivement perçu dans la monnaie locale. Surtout si elles n’ont pas la certitude de faire partie d’une liste et risquent l’exclusion. « Les femmes ont été particulièrement touchées par la crise, sachant que de manière générale, leurs conditions financières sont nettement plus précaires que leurs compatriotes hommes », note Ali Slim, directeur exécutif de l’Association libanaise pour des élections démocratiques (LADE), scrutateur du processus électoral.

Financement, loi électorale, facteurs culturels
Dans un pays où les femmes ne représentent que 22 % à 23 % de la force de travail du Liban, comme l’indiquait en janvier dernier Ali Fakih, professeur agrégé d’économie appliquée à la LAU, « ces droits élevés d’inscription risquent d’en décourager plus d’une », assure M. Slim. « 30 millions de livres libanaises lorsqu’on n’est même pas sûr si les élections auront effectivement lieu, c’est une bien grosse somme », renchérit Nada Anid, fondatrice de l’association Madanyat qui œuvre pour une participation équitable des femmes, des hommes et des jeunes à la vie politique. Et si certaines réussissent à franchir ce premier obstacle, elles doivent alors trouver le financement nécessaire pour leur propre campagne. « Les tarifs des médias sont exorbitants. Seuls les candidats pouvant débloquer des dollars frais sont susceptibles d’avoir une visibilité médiatique », regrette Joëlle Abou Farhat, cofondatrice de l’ONG Fifty-Fifty qui œuvre pour la parité dans la vie politique. Un handicap de taille pour les candidates, à moins d’être soutenues par un parti politique, ce qui est loin d’être évident, car « les partis politiques traditionnels, lorsqu’ils acceptent d’inclure une femme dans leur liste, privilégient celle qui peut les financer, leur apporter des voix ou tout avantage électoral », fait remarquer un observateur, sous couvert d’anonymat, rappelant qu’aucune loi ne vient contrôler le financement et les dépenses des partis politiques.La loi électorale compte aussi parmi les obstacles susceptibles de décourager les candidates. D’abord le sacro-saint principe des quotas confessionnels qui rend compliqué l’ajout d’un quota supplémentaire. Ensuite, la nécessité d’être incluses dans une liste. Enfin celle de remporter le vote préférentiel. Une situation qui n’est pas à la portée de candidates indépendantes, peu connues du grand public et non soutenues des partis. « Une femme a beau être solide. Elle a beau s’être démarquée et avoir bâti sa réputation sur une expertise donnée, elle doit encore parvenir à remporter le vote préférentiel, ce qui n’est pas acquis », estime la directrice de l’Institut arabe pour les femmes à la LAU, Myriam Sfeir Mourad. « La loi actuelle rend les choses plus dures pour les femmes, parce que les électeurs doivent sélectionner une seule personne au sein d’une liste. Et pour ces électeurs, il est difficile de choisir une femme plutôt qu’un homme », précise Najat Saliba, environnementaliste et candidate d’une des forces de la contestation, Takaddom.

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À un niveau plus global, toute une série de paramètres culturels et liés aux mœurs se posent comme une entrave à la percée politique des femmes du Liban. Même si ce pays s’est engagé à faire évoluer la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes actrices de la paix et de la sécurité, « la culture politique des Libanais reste conservatrice, et les élections sont conditionnées par le clientélisme et par les clés électorales », note l’observateur anonyme. « Le culte du zaïm masculin demeure donc profondément ancré et on compte peu de femmes d’influence, plus particulièrement en milieu rural », précise l’expert. À ce culte s’ajoutent les sacro-saints « critères de représentativité familiale et géographique » qui font qu’il est quasiment impossible pour les femmes de l’emporter, à moins qu’elles ne soient fille de, sœur de, femme de... Sans oublier les nombreux électeurs et politiciens encore persuadés que la femme n’a rien à faire dans la vie politique. « J’ai entendu dire que certains n’aimeraient pas être représentés par une femme, ce qui rend les choses difficiles pour la Libanaise », confirme Najat Saliba. Dans ce cadre, il s’agit moins d’une décision délibérée d’empêcher la femme d’accéder au Parlement que d’une perpétuation des mœurs traditionnelles. « Les personnalités politiques bien installées sont privilégiées par ce système politique patriarcal discriminatoire envers les femmes. Ces dernières n’ont pas les mêmes opportunités », observe Ali Slim, rappelant à titre d’exemple que « les clés électorales sont principalement constituées d’hommes ».

Une évolution palpable
Tout n’est pas noir, pourtant, en cette veille d’élections. Une chose est sûre : même en l’absence d’un quota féminin, les discours ont évolué en faveur d’une meilleure participation politique des femmes. Ce changement a été initié depuis le soulèvement populaire d’octobre 2019, à l’issue d’un travail en profondeur conduit par les associations féministes. Les partis et mouvements émergents tentent ainsi de pratiquer l’égalité des genres qu’ils prônent dans leurs discours et la parité dans leurs listes. De même, la grande majorité des partis politiques traditionnels, à l’exception du Hezbollah, comptent désormais des femmes au sein de leurs listes. « L’opinion publique a évolué. Toutes les formations politiques sont aujourd’hui à la recherche de femmes à placer sur leurs listes », constate Nada Anid. « Nul ne peut plus ignorer les affaires des femmes. Et nombre de partis alternatifs ont basé leur agenda sur la parité », ajoute Myriam Sfeir.Les femmes qui ont présenté leur candidature pour le scrutin législatif travaillent dur sur leur carrière politique, plus particulièrement celles qui font partie des forces du changement, multipliant meetings électoraux et interventions. « Chaque femme a une expertise et des objectifs clairs. Chacune a gagné en confiance et pris conscience de sa capacité à initier le changement », confie Joëlle Abou Farhat qui suit de près les candidates. Ces atouts interpellent, désormais. Et les candidates sont souvent soutenues, voire portées par des électeurs soucieux d’initier le changement, plus particulièrement parmi la jeunesse. « Je pense que les gens croient en moi plus qu’ils ne m’encouragent, constate Najat Saliba. Ils ressentent le besoin d’un changement et sont persuadés que quelqu’un doit le faire, même si les défis sont énormes. »C’est dans ce cadre que Gistelle Semaan mène sa campagne tambour battant. À 31 ans, cette femme d’affaires est la candidate du Bloc national à l’un des trois sièges maronites de Zghorta. Elle se dit très touchée du soutien des jeunes de sa génération et des femmes. « Même les zaïms traditionnels reconnaissent que nous, membres des forces du changement, avons aujourd’hui un rôle à jouer », affirme-t-elle. L’issue du scrutin ? « Le résultat n’est pas l’essentiel », rétorque-t-elle, assurant viser bien au-delà des législatives.

Une semaine avant la date limite de dépôt des candidatures, fixée au 15 mars 2022, 15 femmes seulement ont officiellement enregistré leur demande sur 117 candidats. Le nombre, environ 13 % du total jusqu’ici, peut sembler ridiculement bas. Il est à peine inférieur au taux final de participation féminine aux précédentes législatives, de 14 %. En 2018, en effet, on comptait, à la date...
commentaires (2)

"Vivan le femmine! Viva il buon vino! Sostegno e gloria d'umanità!" Don Giovanni-Mozart

Georges MELKI

14 h 21, le 10 mars 2022

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Commentaires (2)

  • "Vivan le femmine! Viva il buon vino! Sostegno e gloria d'umanità!" Don Giovanni-Mozart

    Georges MELKI

    14 h 21, le 10 mars 2022

  • nos tres brillants deputes n'en veulent pas pourquoi ? ben parce qu'ils savent tres bien que nos femmes/hommes sont tellement evoluees, beaucoup que ne le sont femmes & hommes europeens , n'ont nul besoin de cette loi. WALAW... ya qu'a voir le nombre de libanais(es) honores(ees) pour leurs fabuleux exploits multiples .

    Gaby SIOUFI

    10 h 06, le 09 mars 2022

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