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Culture - Festival al-Bustan

Renaud Capuçon : Les Libanais, rien qu’en étant debout, forcent l’admiration

Le violoniste, qui dirige aussi depuis quelques mois l’Orchestre de chambre de Lausanne, revient au Liban pour deux concerts qu’il a imaginés comme un gage de respect à un peuple exemplaire, dit-il. L’occasion de présenter son album « Un violon à Paris » dont les titres avaient adouci le confinement de la planète Instagram...

Renaud Capuçon : Les Libanais, rien qu’en étant debout, forcent l’admiration

Renaud Capuçon, un violon fidèle au Festival al-Bustan. Photo Simon Fowler

Qu’est-ce qui vous a incité à démarrer avec le pianiste Guillaume Bellom ce projet de petits concerts donnés sur Instagram tout au long du confinement ?

Ça a été quelque chose de très instinctif. Quand j’ai pris conscience de la gravité de la situation en mars 2020, je me suis accroché à la musique comme on s’accroche au bastingage d’un navire qui se noie. J’étais habitué à faire 150 concerts par an. Et tout s’est soudainement arrêté. Alors j’ai pris mon violon et j’ai juste voulu continuer. Tous les soirs, je me disais : demain, j’ai concert. Et le lendemain matin, à 9h pile, comme un réflexe, je prenais mon violon et jouais de manière très précaire, au-dessus de l’enregistrement de la partie du pianiste Guillaume Bellom. Une fois ce moment diffusé sur les réseaux sociaux, j’avais vraiment le même sentiment qu’après les gros concerts que j’avais pu faire auparavant. En fait, j’avais besoin à la fois de cette discipline et de ce réconfort. Sans cela, j’aurai peut-être sombré dans la dépression. Et puis, c’est vrai que j’étais derrière un écran, mais en fait Guillaume et moi on jouait pour 300 000 personnes, et en même temps on jouait pour chacun d’entre eux. Et c’est cela même qui a rendu cette expérience d’autant plus spéciale. C’était, en somme, comme une petite dramaturgie, comme la programmation d’un festival particulier et improvisé.

Quel est le fil directeur de l’album « Un violon à Paris » qui est composé de certains de ces morceaux ?

Initialement, nous avions joué 56 morceaux pendant le confinement, dont nous avons extrait l’essentiel. Vingt-deux titres qu’avec Guillaume Bellom nous avons décidé de réenregistrer en studio, un an après. Sur cet album, il est vrai qu’on a fait se côtoyer du Haendel, du Chopin, du Puccini, du Rachmaninov, du Debussy, du Chaplin (Charlie) et les thèmes de Cinema Paradiso et des Valseuses, mais le fil rouge était clair : faire du bien. L’idée derrière cet opus était de créer quelque chose de réconfortant, d’enveloppant, comme si quelqu’un vous prenait dans ses bras. C’était aussi ma façon de remercier le public qui nous écoutait chaque matin.

Renaud Capuçon, un violon fidèle au Festival al-Bustan. Photo Simon Fowler

Comment décririez-vous votre rapport au violon, votre instrument de prédilection ?

C’est une relation comme une autre, très normale, dans la mesure où d’un côté je fais corps avec mon violon et de l’autre j’entretiens avec cet instrument une relation parfois conflictuelle. En fait, je suis simplement enamouré de mon violon, c’est mon refuge. Je n’y suis pas tombé par hasard, j’ai choisi cet instrument et pas un autre, car les sonorités qui émanent de son âme trouvent un écho particulier en moi.

Vous êtes depuis sept ans professeur à la Haute École de musique de Lausanne. Quelle est l’importance de la transmission dans votre carrière ?

C’est à la fois quelque chose d’essentiel et de très naturel. La transmission est fondamentalement imbriquée dans ma vie musicale, puisqu’à mon avis le rôle de l’artiste est – entre autres – de transmettre. L’idée de jouer avec des personnes plus jeunes, alors que j’avais l’habitude d’être souvent entouré de personnes plus âgées, m’ouvrent des portes et me fait voir des choses qui m’avaient échappé. En fait, je déteste par-dessus tout les frontières de l’âge, et c’est la raison pour laquelle je mixe des générations au moment de mes projets et de mes concerts, chacune d’entre elles m’apportant une énergie singulière et différente.

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Vous dirigez depuis quelques mois l’Orchestre de chambre de Lausanne, parlez-nous de ce passage de l’arche à la baguette ?

C’était une évolution naturelle et en tout cas un vrai passage à l’acte. J’ai rêvé de ça pendant vingt-cinq ans, notamment lorsque je jouais avec l’Orchestre de chambre et que j’avais les yeux rivés sur le chef d’orchestre. Mais avant cela, il y a d’abord eu ma rencontre avec Carlo Maria Giulini à l’âge de seize ans, qui avait déclenché chez moi une véritable boulimie symphonique. Aujourd’hui, je me sens légitime et quelque chose me dit : à toi de jouer ! J’aime la musique sous toutes les formes et je refuse d’être enfermé musicalement dans une case. D’ailleurs, j’ai toujours aspiré à faire tout genre de musique, y plonger complètement.

Avec quel sentiment retrouvez-vous le public aujourd’hui ?

C’est simplement incroyable, comme un petit miracle. Lorsqu’on fait ce métier, on finit par prendre le public pour acquis sans même s’en rendre compte, simplement parce qu’on n’avait jamais pu penser auparavant qu’une chose aussi irréelle que cette pandémie pouvait arriver. Là, retrouver le public c’est comme croquer un morceau de chocolat dont on a été privé des mois durant. C’est l’extase absolue. Et on ressent cette même émotion de la part du public auquel ces moments privilégiés autour de la musique avaient cruellement manqué. Avant même de commencer le concert, il suffit de s’arrêter sur leurs regards, de voir comment ils applaudissent pour ressentir leur chaleur et leur envie de retrouver cette expérience du live.

Que signifie pour vous ce retour au Liban ?

J’ai donné des concerts un peu partout dans le monde, mais il y a très peu de lieux avec lesquels je sens une connexion tellement particulière. Le Liban en fait partie. Bien sûr qu’il y a un lien de fidélité et d’amitié pour le festival, mais cela va au-delà. Les Libanais me troublent avec leur tempérament, cette façon d’être constamment et en même temps combatifs et optimistes, en dépit de toutes les atrocités qu’ils ont pu vivre. C’est un peu, rien qu’en étant debout aujourd’hui, qui force le respect et l’admiration. Et puis j’adore la cuisine libanaise aussi, bien entendu !

Qu’avez-vous prévu pour vos deux concerts ?

Le concert de demain dimanche 6 mars, où je serai accompagné de Guillaume Bellom au piano, sera une immersion dans l’album Un violon à Paris. C’est ma façon de faire du bien au public libanais. Le lendemain, lundi 7 mars, ce sont deux œuvres russes de Tchaïkovski et Rachmaninov qui feront l’objet d’un concert avec Victor Julien-Laferrière au violoncelle et Guillaume Bellom au piano. En dépit de l’invasion russe en Ukraine, il n’était pas question pour nous de modifier le répertoire, ne serait-ce que pour prouver que, malgré tout, la musique restera fédératrice et surtout un moyen de rassembler les gens.

Demain dimanche 6 mars (au profit de Forsa-Beit el-Baraka) et lundi 7 mars à 20h, à l’auditorium Émile Boustani, hôtel al-Bustan, Beit-Méry.

Qu’est-ce qui vous a incité à démarrer avec le pianiste Guillaume Bellom ce projet de petits concerts donnés sur Instagram tout au long du confinement ? Ça a été quelque chose de très instinctif. Quand j’ai pris conscience de la gravité de la situation en mars 2020, je me suis accroché à la musique comme on s’accroche au bastingage d’un navire qui se noie. J’étais habitué...

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