Critiques littéraires Journal

Tracer un horizon

Tracer un horizon

© Carole Elias

Un journal engagé de Richard Saleh, Calima éditions Artliban, 2022, 216 p.

C’est au milieu du marasme, de la noirceur et de la désespérance que Richard Abi Saleh a ressenti le besoin de prendre la plume, pour allumer une lumière dans la nuit de Beyrouth, pour exprimer sa proximité et sa pleine fraternité avec ceux qui souffrent, pour « tracer un horizon » quand le regard bute sans cesse sur des barrières, des murs et des obstacles. Au lendemain du 4 août, un immense mouvement de solidarité s’est spontanément mis en place autour de la paroisse Saint-Maron et des dizaines de personnes ont souhaité s’engager pour apporter secours, réconfort et aide matérielle aux sinistrés. Le père Richard ne pouvait qu’ouvrir grandes ses portes et agir en homme de foi, de cœur et de conviction, pour partager les peines, dire « l’espérance qui l’habite » et dessiner un chemin vers une vie possible, même au milieu du désastre. Son Journal engagé est un recueil de textes et de poèmes écrits au fil d’une année 2021 qui a été particulièrement cruelle pour le Liban confiné et sur lequel « s’abattent les dix plaies du monde ». Mettre des mots sur les drames humains qui l’entourent est pour lui une façon d’en prendre sa part et de construire une humanité nouvelle fondée sur le partage. Seul moyen de remettre Beyrouth debout.

Il s’agit donc de marcher pour « creuser en soi le témoin », de « courir lentement », de regarder « pour apprendre la vie à nouveau », pour poser sur les choses un regard neuf.

Les évangiles sont évidemment des sources où puiser pour reprendre force car lorsque l’on est « sans consolation aucune », le Ressuscité vient et marche auprès de ceux qui étaient « cassés, défigurés et déçus, mangés par la peur, rongés par l’inquiétude » et les emmène plus loin dans leur quête.

Pour le père Richard, écrire est profondément un geste de communion avec l’Autre. « J’écris et je sais/ que mes mots ne sont plus à moi/ ils deviennent à vous/ j’écris et je vous donne/ mes sentiments pour les habiter (…) Je me donne en écrivant/ et je compte sur vous/ je mets entre vos mains/ les expériences de ma vie. » Il sait pourtant qu’écrire est une prise de risque, que le geste de se livrer « nous met à la merci de l’autre, de tous les autres ». « Choisir de le faire par écrit nous fragilise ». Il faut le faire pourtant « avec l’innocence de l’enfant » et « la sagesse de nos anciens ». Les paroles écrites, nous dit-il, « sculptent le citoyen de demain et le croyant engagé que je voudrais être ».

Les textes du recueil sont accompagnés des illustrations de Carole Élias. Si Abi Saleh n’est pas écrivain, elle n’est pas peintre non plus, mais ils tricotent ensemble un ouvrage comme on tricote « une petite laine », drapant leurs peines « au fil à coudre de l’amour ». Ils produisent un livre à deux voix, ils associent leurs talents pour conjuguer engagement et espoir, pour adresser aux lecteurs et à la vie comme elle va « une déclaration d’amour » malgré tout. Ensemble, ils font leur « catharsis littéraire et artistique ». L’ouvrage, qui est édité par Nidal Haddad et superbement composé et mis en page, est vendu au profit de l’œuvre sociale de la paroisse Saint-Maron et de l’ONG Drames et miracles qui œuvre dans la zone sinistrée de Beyrouth.


Un journal engagé de Richard Saleh, Calima éditions Artliban, 2022, 216 p.C’est au milieu du marasme, de la noirceur et de la désespérance que Richard Abi Saleh a ressenti le besoin de prendre la plume, pour allumer une lumière dans la nuit de Beyrouth, pour exprimer sa proximité et sa pleine fraternité avec ceux qui souffrent, pour « tracer un horizon » quand le regard bute...

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