
La délégation du Trésor américain s’est rendue au Grand Sérail pour se réunir avec le Premier ministre Nagib Mikati. Photo Dalati et Nohra
Alors que le monde vit au rythme des développements militaires en Ukraine, le Liban a, lui, entamé la semaine avec les visites chargées d’enjeux de délégations distinctes toutes deux venues de Washington.
La première, envoyée par le Fonds monétaire international (FMI) et dirigée par le chef de mission pour le Liban, Ernesto Ramirez-Rigo, s’inscrit dans le cadre des discussions officielles pouvant déboucher sur le déblocage d’un programme d’assistance financière au pays en crise.
La seconde est dépêchée par le Trésor américain, avec à sa tête le secrétaire adjoint par intérim et secrétaire adjoint principal du Bureau du financement du terrorisme et des crimes financiers (Acting Assistant Secretary and Principal Deputy Assistant Secretary for the Office of Terrorist Financing and Financial Crimes, selon le site de l’ambassade US) Paul Arhen, et son adjoint Eric Meyer. L’ambassadrice américaine au Liban, Dorothy Shea, était également présente.
La délégation du FMI a eu le temps de se rendre en fin de journée chez le président du Parlement, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné, pour une réunion où la question de l’adoption d’une loi instaurant un contrôle formel des capitaux préservant les droits des déposants a été abordée, selon un bref communiqué relayé par l’Agence nationale d’information (ANI, offcielle). Elle se rendra au Grand Sérail mardi matin.Les émissaires du Trésor américain se sont eux rendus au Grand Sérail pour rencontrer le Premier ministre Nagib Mikati et sont repartis sans faire de déclaration. Ils se sont également réunis avec le ministre de l’Intérieur et des Municipalités, Bassam el-Maoulaoui, pour évoquer les dossiers de lutte du financement du terrorisme, la contrebande et le trafic de drogue. Le processus de préparation des élections législatives de mai figurait également au menu des discussions, selon l’ANI.
Réunion de la Banque mondiale le 3 mars
Les enjeux de la délégation du FMI sont clairs et s’inscrivent dans le cadre des échanges entre la délégation du FMI et l’équipe de négociateurs désignés par le Liban et dirigés par le vice-président du Conseil des ministres, lui-même un ancien du FMI, Saadé Chami. Ils doivent porter sur les ajustements que le Liban doit opérer sur le plan de redressement de son économie et de ses finances, son projet de budget pour 2022 et son plan de réforme de l’électricité. Le tout, dans l’espoir de convaincre l’organisation de débloquer une assistance financière pour permettre au Liban de financer son redressement.
Le dossier de l’électricité est d’autant plus urgent qu’il doit être rapidement approuvé et transmis à la Banque mondiale (BM), dont le conseil d’administration doit valider une demande de prêt formulée par le Liban pour financer les deux volets de l’initiative américaine visant à importer du courant de Jordanie et du gaz égyptien, afin de pallier temporairement l’important déficit de production d’Électricité du Liban (EDL). Comme déjà évoqué, le montant total des financements requis pour ces deux volets est de 600 millions de dollars pour une durée d’environ deux ans, une enveloppe que la BM devrait assurer en grande partie une fois le plan étudié et approuvé en interne. Une phase de validation qui doit être enclenchée le 3 mars et qui représente l’une des premières étapes pour son approbation finale.
Les deux initiatives sont de plus intégrées dans le plan de réforme pour l’électricité préparé par le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Walid Fayad, et auquel le Conseil des ministres a donné son accord de principe vendredi dernier. Le 19 février, le ministre avait insisté sur le fait que les autorités devaient mettre en œuvre, sans plus attendre, la phase à court terme de cette stratégie, quitte à ajuster celles à moyen et long terme plus tard à la lumière des données obtenues.
Pas de communication officielle
Le projet de budget pour 2022, approuvé le 10 février dans une ambiance houleuse et signé seulement la semaine dernière par le ministre des Finances – et ancien cadre de la Banque du Liban – Youssef Khalil et le Premier ministre Nagib Mikati, a été accepté par le FMI selon des déclarations faites par Amine Salam, ministre de l’Économie et du Commerce. M. Salam a néanmoins reconnu que l’organisation n’était pas « satisfaite » du contenu du projet, qui sera examiné et voté par le Parlement en dehors des délais constitutionnels et qui table sur un déficit à « 7 000 milliards de livres ». La version finalisée du projet de budget n’a pas encore été publiée par le ministère des Finances.
S’il semble disposé à accepter le projet de budget pour pallier l’urgence, le FMI semble moins enclin à laisser passer un plan de redressement qui ne répond pas à ses exigences, notamment en matière de répartition des pertes financières accumulées par l’État, la Banque du Liban (BDL) et les banques du pays, de restructuration du système financier ou encore de l’adoption d’un taux de change crédible. Un cahier des charges rappelé par Ernesto Ramirez-Rigo le 11 février à l’issue de la première session de discussions officielles avec le Liban entamée deux semaines plus tôt en visioconférence.
Le Liban s’enfonce dans la crise depuis 2019, avec une monnaie qui a perdu plus de 90 % de sa valeur, un secteur financier à la dérive et des infrastructures de plus en plus vétustes. Le pays a officiellement approché le FMI une première fois en 2020, après avoir fait défaut sur ses obligations en devises (les eurobonds). Une première salve de discussions lancée en mai 2020 a été suspendue en juillet suivant par le FMI, face à l’absence de consensus côté libanais sur la répartition des pertes. Il a fallu attendre septembre 2021 et la formation du gouvernement de Nagib Mikati pour que le processus se remette en marche.
Les motifs de la visite d’une délégation du Trésor américains sont en revanche moins évidents à deviner, en l’absence de communication officielle. Elle pourrait être liée à des enjeux de conformité en matière de réglementation financière, même si rien ne permet de l’affirmer à ce stade. Fin décembre, l’Association des banques du Liban (ABL) avait été littéralement tancée par le sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier, Brian Nelson, alors récemment nommé à ce poste. S’exprimant lors d’une réunion en visioconférence avec les membres de l’Assemblée générale de l’ABL, le responsable américain avait notamment fait part de sa « déception » face au manque d’initiative des banques libanaises en matière de lutte contre la corruption, avant de pointer du doigt leur manque de proactivité.
La première, envoyée par le Fonds monétaire international (FMI) et dirigée par le chef de mission pour le Liban, Ernesto Ramirez-Rigo, s’inscrit dans le cadre des discussions officielles pouvant déboucher sur le déblocage d’un programme d’assistance financière au pays en crise.
La seconde est dépêchée par le Trésor américain, avec à sa tête le secrétaire adjoint par intérim et secrétaire adjoint principal du Bureau du financement du terrorisme et des crimes financiers (Acting Assistant Secretary and Principal Deputy Assistant Secretary for the Office of Terrorist Financing and Financial Crimes, selon le...
"… Les délégations du FMI et du Trésor américain sont arrivées au Liban …" - Dire qu’à un jour près ils auraient pu économiser les 30$ du test PCR obligatoire à l’arrivée…
21 h 56, le 28 février 2022