En dépit des nombreux scénarios de report des législatives qui commencent à circuler dans les médias, au palais de Baabda, la tendance générale est de considérer que le scrutin aura lieu à la date prévue, à savoir le 15 mai. Pour le chef de l’État, le rendez-vous électoral de mai prochain est même une occasion réelle de changement. Selon ses proches, M. Aoun voit donc dans les prochaines législatives la chance d’amorcer un nouveau processus politique au Liban, et le renouvellement du Parlement devrait annoncer des changements à tous les niveaux.
Toujours selon ses proches, le chef de l’État est conscient du fait que de nombreux doutes entourent la tenue des législatives, alors qu’à trois mois du rendez-vous annoncé, les machines électorales de la plupart des parties n’ont pas encore été mises en marche et les candidatures officielles enregistrées demeurent rares. Aussi bien les alliances électorales que les listes tardent à être annoncées, comme si, au fond d’elles, la plupart des parties ne croient pas que les élections auront lieu à la date prévue.
À Baabda, on suit donc attentivement tout ce qui se dit sur les élections, les positions des uns et des autres, ainsi que la lenteur des préparatifs. Mais toujours selon ses proches, le chef de l’État estime que les élections doivent se dérouler à la date prévue pour que le Liban puisse accueillir et profiter de la période de changement qui s’annonce dans le monde, et dans la région en particulier.Si les élections devaient ne pas avoir lieu, cela signifierait, aux yeux de l’entourage du président, que les Libanais ont laissé passer la chance de réduire l’influence d’une classe politique qui a tenu les rênes du pays pendant plus de trente ans et qui est en partie responsable des crises à multiples facettes que traverse actuellement le pays. Cette vision des choses confirme que le camp aouniste s’exclut lui-même de cet establishment politique dont il dénonce l’influence, sachant toutefois qu’il dispose du plus grand groupe dans le Parlement sortant.
Si donc les élections devaient être reportées pour un an ou deux par le biais d’une prolongation du mandat des députés, comme cela a été le cas en 2013 (le Parlement de l’époque avait prolongé en deux temps son mandat jusqu’en 2017), pour la présidence, il faudrait alors proroger aussi le mandat du chef de l’État. Non pas parce que Michel Aoun souhaite rester à Baabda, mais plutôt pour pousser les députés à ne pas accepter la prorogation de la législature. D’ailleurs, dans une de ses rencontres avec les médias, Michel Aoun avait déclaré qu’il ne laisserait pas le palais de Baabda à une vacance présidentielle, mais à un successeur... Les proches du chef de l’État savent qu’en disant cela, ils risquent de susciter des commentaires du genre : « Aoun veut rester au palais », et déclencher ainsi une campagne médiatique contre lui. Mais, en dépit de ce risque, ils estiment que l’équation selon laquelle « toute prorogation du mandat de la Chambre entraînerait celle du mandat du chef de l’État » devrait justement pousser les différents protagonistes à s’accrocher à la tenue des législatives à la date prévue. De plus, il leur paraît injuste et illogique de laisser le même Parlement au pouvoir ainsi que le gouvernement actuel, alors que le chef de l’État, lui, achève son mandat le 31 octobre et devrait donc partir à la date prévue. La prorogation du mandat du Parlement et le maintien de l’actuel gouvernement qui devrait forcément la suivre seraient donc un coup porté à toute possibilité de changement et signifieraient que l’on donne un nouveau souffle à la classe politique actuelle en lui permettant d’être au pouvoir au moment où les effets des grandes ententes qui s’annoncent dans la région devraient commencer à se faire sentir au Liban. Il s’agirait donc en quelque sorte de maintenir au pouvoir le même système, qui est en partie responsable de la situation actuelle, et de laisser passer cette opportunité unique de changement radical et en profondeur dans la gouvernance au Liban.
Selon les proches de Baabda, Michel Aoun serait ainsi convaincu que le moment est propice au changement. D’abord parce que les Libanais, ou du moins une grande partie d’entre eux, le souhaitent, ensuite parce que les parties étrangères qui ont longtemps laissé faire la classe politique sont aussi convaincues que ce système ne peut pas continuer à fonctionner. Mais si l’occasion des législatives n’est pas saisie par les électeurs, il ne faudra pas attendre des miracles de l’extérieur. Toujours selon ses proches, le président n’est pas las de mener cette bataille contre le système de corruption, et il croit à la victoire parce qu’il croit à la volonté populaire de changement. Ses proches racontent qu’en 1990, peu avant le 13 octobre, lorsqu’il était devenu clair que les Syriens avaient l’autorisation pour lancer une opération militaire contre lui, un collaborateur lui avait demandét : « Pourquoi continuer, alors que vous allez perdre ? »... M. Aoun avait répondu : « Mener la bataille, même si elle est perdue, préserve le droit. » C’est donc, dans sa logique, parce qu’il y a eu le 13 octobre qu’il a pu revenir en force le 7 mai 2005... Que serait-ce aujourd’hui où le système vacille et où la corruption est dénoncée par tous ? Toujours selon les proches de Baabda, désormais, c’est celui qui a profité du système de corruption qui a peur, pas celui qui demande des comptes. Les rapports de force sont inversés. Il faut donc saisir ce moment pour agir... mais la décision est entre les mains des électeurs.
commentaires (20)
est-ce qu'on est bien dans la rubrique "décryptage"? si oui, est-ce que la journaliste est payée quand elle rédige de telles "analyses" "factuelles" et "objectives"?
N.A.
13 h 25, le 09 février 2022