Rechercher
Rechercher

Monde - Défense

Après huit ans de guerre, une armée ukrainienne rompue au combat et modernisée

Le conflit avec les séparatistes prorusses dans l’est du pays a amené les autorités pro-occidentales à rapprocher son armée des standards de l’OTAN.

Après huit ans de guerre, une armée ukrainienne rompue au combat et modernisée

Des militaires participant à des exercices tactiques et spéciaux conjoints du ministère ukrainien de l’Intérieur, de la garde nationale ukrainienne et du ministère des Urgences dans la ville fantôme de Pripyat, près de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le 4 février 2022. Sergei Supinsky/AFP

Quand il a rejoint le front comme volontaire pour combattre les séparatistes prorusses en 2014, Pavlo Dolynski a trouvé l’armée ukrainienne dans un état désespéré. Après huit ans de conflit, réformes et aide occidentale, les choses ont bien changé. L’Ukraine a perdu la Crimée début 2014, après une révolution pro-occidentale. Sans qu’un coup de feu ne soit tiré, la Russie a simplement annexé le territoire. Puis, fragilisées par des années de négligences et de corruption, les forces armées ukrainiennes se sont retrouvées débordées par le conflit qui montait dans l’est du pays avec des séparatistes prorusses. « L’armée en était arrivée à un point où elle ne pouvait pas résister à l’ennemi, raconte Pavlo Dolynski, qui travaille désormais pour une association de vétérans. Elle était vraiment dans un état lamentable. »

Les soldats étaient tantôt équipés de matériel obsolète et soviétique, tantôt peinaient à obtenir uniformes, bottes et armes en état correct. Il a fallu l’engagement de bataillons de volontaires, certains issus d’organisations ultranationalistes, pour contenir l’avancée de l’ennemi, soutenu militairement de toute évidence par la Russie, malgré ses dénégations.

Depuis fin 2021, la présence de dizaines de milliers de soldats russes aux frontières ukrainiennes fait monter la tension, mais cette fois-ci, l’armée de Kiev offre un visage tout autre. Modernisée et rompue au combat après huit ans d’un conflit qui a fait plus de 13 000 morts, elle se jure de pouvoir donner le change. « Il y a huit ans, l’armée ukrainienne n’existait que sur le papier, résume Mykola Beleskov, analyste militaire à l’Institut national des études stratégiques à Kiev. Désormais, l’Ukraine a ses meilleures forces armées depuis l’indépendance il y a 30 ans. » Le conflit a amené les autorités pro-

occidentales à rapprocher son armée des standards de l’OTAN. Le budget militaire a triplé, dépassant 3,5 milliards d’euros en 2021, et des réformes ont été adoptées pour s’attaquer à la corruption endémique et améliorer le commandement. Les États-Unis ont fourni 2,5 milliards de dollars d’aide militaire depuis 2014 et des instructeurs des alliés de l’OTAN, comme le Canada et le Royaume-Uni, ont enseigné la préparation au combat. Au grand dam des Russes.

Drones et missiles antichars

Dans le cadre de cette modernisation, le président Volodymyr Zelensky a signé cette semaine un décret prévoyant d’embaucher 100 000 militaires de plus en trois ans, ce qui portera les effectifs à 360 000. Il a aussi promis d’augmenter les salaires et de mettre fin d’ici à 2024 au service militaire obligatoire. L’armée bénéficie aussi de l’apport crucial d’armes étrangères, notamment les drones de combats TB2 du fabricant turc Bayraktar, qui ont joué un rôle-clé dans le conflit de 2020 entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Sans oublier les missiles antichars britanniques et américains. La Russie voit rouge d’ailleurs à chaque livraison.

Malgré ces progrès, Sam Cranny-Evans, analyste à l’institut RUSI à Londres, relève cependant des « lacunes-clés » concernant les défenses antiaériennes, les capacités de frappes à longue portée et de reconnaissance. L’armée de l’air et la marine sont considérées comme des points faibles. Kiev a perdu 70 % de sa flotte de navires lorsque la Russie a annexé la péninsule de Crimée, à l’emplacement stratégique sur la mer Noire, selon un récent rapport américain.

Suppression de la corruption

Autre problème : la corruption plombe toujours les moyens financiers de l’État ukrainien. « Il est largement admis que la voie à suivre par l’Ukraine en matière de réformes et de mise en place de capacités militaires appropriées passe par la suppression de la corruption dans le secteur de la défense », selon le cabinet d’analyse spécialisé Janes. Jeudi, le commandant de l’armée de terre, Oleksandre Sirski, a lui insisté sur le « grand pas en avant » accompli depuis 2014, malgré le manque d’équipements pour contrer snipers, chars et/ou encore frappes aériennes.

Sur le plan humain, les forces ukrainiennes disposent de centaines de milliers de réservistes et ont intégré les bataillons de volontaires. Leurs capacités restent bien sûr plus limitées que celles de l’armée russe, qui s’est modernisée et aguerrie sous Vladimir Poutine. « Ce n’est pas un secret que l’armée russe est plus grande et plus forte », souligne Mykola Beleskov, qui relève cependant qu’une offensive terrestre mènerait à une « guerre d’usure » coûteuse pour Moscou. « Disons que cela serait difficile pour nous, très difficile, admet l’analyste ukrainien. Mais ce ne serait pas facile pour les Russes non plus. »

Max Delany/AFP

Quand il a rejoint le front comme volontaire pour combattre les séparatistes prorusses en 2014, Pavlo Dolynski a trouvé l’armée ukrainienne dans un état désespéré. Après huit ans de conflit, réformes et aide occidentale, les choses ont bien changé. L’Ukraine a perdu la Crimée début 2014, après une révolution pro-occidentale. Sans qu’un coup de feu ne soit tiré, la Russie a...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut