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Moyen-Orient - Éclairage

Washington mène sa première opération d’envergure à Idleb depuis la mort de Baghdadi

Plus de deux ans après la disparition du calife autoproclamé de l’État islamique, les États-Unis se félicitent de la mort de son successeur, tué lors d’une opération dans le nord-ouest de la Syrie.

Washington mène sa première opération d’envergure à Idleb depuis la mort de Baghdadi

L’immeuble visé par l’opération des forces spéciales américaines ayant conduit à la mort du leader de l’État islamique à Atmé en Syrie, le 3 février 2022. Mohamed Al-Daher/Handout via Reuters

« Nous avons éliminé du champ de bataille Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, leader de l’État islamique en Irak et en Syrie », s’est sobrement félicité Joe Biden hier. C’est via un communiqué succinct de la Maison-Blanche que le président démocrate a révélé l’identité du chef jihadiste ciblé quelques heures plus tôt dans la ville de Atmé, située dans la province d’Idleb dans le nord-ouest de la Syrie, près de la frontière turque. Le raid mené par les forces spéciales américaines est la plus importante opération de contre-terrorisme conduite dans cette région du pays depuis que l’ancien calife autoproclamé de l’État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, a été tué en octobre 2019 dans la ville de Bachira. C’est à moins de 25 km de là que son successeur, aussi connu sous le nom de Abdullah Qardach vient à son tour d’être éliminé dans le cadre d’une intervention similaire.

Décrite comme un succès par Washington, l’intervention a duré près de trois heures et n’a pas fait de victimes côté américain. Cependant, des explosions et échanges de tirs ont fait au moins 13 victimes, dont 4 femmes et 6 enfants, selon un décompte des Casques blancs arrivés sur place pour octroyer les premiers secours. Alors que Washington a récemment été sous le feu des critiques après une enquête du New York Times accusant le Pentagone d’avoir dissimulé des pertes civiles lors de la chute de Baghouz en 2019, Joe Biden a insisté sur les risques pris pour éviter des pertes civiles. « Sachant que ce terroriste avait choisi de s’entourer de familles, y compris d’enfants, nous avons fait le choix de lancer un raid (...) plutôt que de le cibler avec une frappe aérienne », a signalé le président.

Opération stratégique

En préparation depuis plusieurs mois, l’opération a été planifiée ces derniers jours, mobilisant des membres des forces spéciales américaines et des Forces démocratiques syriennes (FDS) à majorité kurde, appuyées par des drones, des avions et des hélicoptères Apache de combat. En arabe, des soldats américains auraient averti par haut-parleur femmes et enfants d’évacuer les lieux ou de se rendre, après que les hélicoptères se sont posés pour encercler un immeuble résidentiel de la ville, qui abrite par ailleurs des camps de déplacés. Un des hélicoptères aurait par ailleurs été détruit par les troupes elles-mêmes suite à un problème mécanique, afin de ne pas l’abandonner derrière elles.

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Après le déploiement des forces armées, une explosion a été entendue, suivie d’échanges de tirs et d’autres explosions. Abdullah Qardach aurait activé lui-même une veste explosive qui lui aurait coûté la vie ainsi que celle de sa famille. « Les États-Unis n’ont pas cessé leur guerre d’usure contre les principaux leaders de l’EI qui se sont cachés », affirme Nicholas Heras, du New Lines Institute, basé à Washington. « Nous sommes à vos trousses », a d’ailleurs lancé Joe Biden aux dirigeants de groupes terroristes dans le monde, alors que les attaques revendiquées par l’EI se sont récemment multipliées en Syrie et en Irak, faisant craindre un retour en force du groupe terroriste. Si les Américains ont ciblé plusieurs fois des leaders jihadistes dans le nord-ouest de la Syrie ces derniers mois, tuant à l’aide de drones des leaders supposés d’el-Qaëda, leurs efforts restaient généralement concentrés sur le nord-est du pays, où ils ont du personnel sur place pour soutenir les FDS dans leur lutte contre le terrorisme. Récemment, une attaque d’envergure par l’EI d’une prison de Hassaké, tenue par les forces kurdes et où se trouvaient des centaines de détenus affiliés au groupe terroriste, a nécessité l’appui de Washington pour mettre un terme à plus de 10 jours de combats qui ont fait plus de 370 morts. Par sa précision et sa ponctualité, l’opération d’hier constitue « un élément-clé de la campagne de contre-terrorisme américain contre les organisations salafistes-jihadistes au Moyen-Orient, en ligne avec la vision du président Biden d’un rôle limité des États-Unis dans la région », conclut Nicholas Heras.

Concentration jihadiste

Abdullah Qardach avait succédé à Baghdadi à la tête de l’organisation terroriste à sa disparition en octobre 2019, quelques mois après avoir été désigné comme son successeur. Fils d’imam, cet Irakien né en 1976 dans une région turkmène de la province de Ninive, non loin de Mossoul, était réputé pour sa connaissance académique de l’islam mais également pour sa connaissance approfondie de l’organisation de l’EI, avec laquelle il a commencé à travailler en 2003-2004. Plus extrême encore que son prédécesseur, celui qu’on surnommait « le professeur » aussi bien que le « destructeur » était de la branche de l’organisation qui justifiait non seulement les massacres des Yazidis – minorité kurdophone non musulmane présente surtout dans la région de Sinjar en Irak –, mais surtout leur réduction en esclavage. En moins de 20 ans, il a gravi les échelons du jihadisme international. Après la chute de Mossoul en 2017 et le début de la restructuration de l’EI, Amir Mohammad Saïd Abdel Rahman al-Mawla, de son vrai nom, a été chargé de l’idéologie de l’organisation avant de prendre la tête de l’organisation terroriste la plus crainte de ces dernières années. Washington avait promis une récompense jusqu’à 10 millions de dollars pour toute information qui permettrait sa capture.

Pour mémoire

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S’il n’est pas encore clair sous quelles modalités cette opération a été rendue possible et depuis quand l’émir de l’EI se cachait dans la province d’Idleb, de nombreux analystes soulignent que les camps de déplacés de la région de Atmé servent de base à de nombreux chefs jihadistes qui s’y cachent parmi les civils. « La terrible vérité est que les zones contrôlées par la Turquie dans le nord-ouest de la Syrie sont des paradis pour l’EI », souligne Nicholas Heras. Si une partie de la région d’Idleb est officiellement sous administration turque, la province est majoritairement dominée par les jihadistes de Hay’at Tahrir al-Cham (HTC), bien qu’elle compte aussi des groupes rebelles soutenus par Ankara ainsi que d’autres mouvements jihadistes. Précédemment connue comme le front al-Nosra, branche d’el-Qaëda en Syrie, la mouvance HTC a révoqué son allégeance et dit avoir opté depuis pour plus de nationalisme, s’attirant les critiques de l’ancienne organisation mère aussi bien que de l’EI. Cité hier par le quotidien américain Wall Street Journal, le spécialiste de la Syrie Charles Lister affirme qu’el-Qaëda accuse désormais son ancien allié de faciliter les frappes américaines contre son personnel.

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