Les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste s’allieront « dans les différentes régions », lors des élections législatives prévues le 15 mai prochain. Tel est le principal message qu’Akram Chehayeb, député PSP de Aley, dépêché par le chef du parti, Walid Joumblatt, a exprimé à l’issue de sa rencontre, mardi à Meerab, avec le leader des FL, Samir Geagea. Était présent aussi Waël Bou Faour, député joumblattiste de Rachaya. La concrétisation de l’alliance entre Meerab et Moukhtara n’a pas eu l’effet d’une surprise. D’abord parce que le PSP et les FL ont déjà mené plusieurs batailles ensemble du fait de leur convergence sur ce qu’ils appellent des « constantes souverainistes ». Ensuite parce que le leader du PSP avait déjà annoncé, dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour en novembre 2021, sa volonté de mener bataille côte à côte avec les FL. Une information qu’il a confirmée le 27 janvier dernier dans une interview accordée à la chaîne locale MTV. « Aujourd’hui, nous lançons officiellement ce chantier », déclare à L’OLJ une source proche du parti joumblattiste. Toutefois, il paraît clair que la volonté des deux partis de mener la bataille électorale côte à côte a été, sinon décidée, du moins consolidée par les derniers développements sur la scène politique, et notamment le retrait du courant du Futur.
À ce stade, donner le coup d’envoi à un chantier électoral commun ne signifie aucunement que l’heure est à la mise en place des listes de candidats. « Nous sommes encore en discussion sur les grands principes parce que le scrutin de 2022 est avant tout une bataille qui s’articule autour de la préservation de la souveraineté », souligne Wissam Ragi, un cadre FL qui suit de près le dossier électoral. « Un comité de dialogue devra examiner plusieurs détails, avant de se lancer dans les discussions concernant les noms des candidats », explique, de son côté, le proche de Moukhtara cité plus haut, faisant savoir que MM. Chehayeb et Bou Faour poursuivront leur dialogue direct avec le chef des FL, Samir Geagea, dans la perspective de la consultation populaire.
Quoi qu’il en soit, l’annonce officielle de l’alliance électorale entre Moukhtara et Meerab est porteuse de plusieurs conclusions : en premier lieu, les deux parties feront front commun dans le fief joumblattiste incontestable, à savoir la circonscription du Chouf-Aley. Dans une réédition du scénario de 2018, les deux formations participeront côte à côte à la compétition qui concerne treize sièges répartis comme suit : cinq maronites, quatre druzes, deux sunnites, un grec-catholique et un grec-orthodoxe.
Les FL et le PSP devraient également traduire leur alliance dans la circonscription de Baabda (Mont-Liban III). Un caza où ils bénéficient d’une présence non négligeable. Il s’agit de pourvoir à six sièges répartis de la façon suivante : trois maronites, deux chiites et un druze. C’est autour de la bataille électorale dans ces deux circonscriptions que s’articulent les efforts actuellement en cours entre les deux formations. « Nous nous orientons vers la formation de notre propre liste. Mais nous laisserons une place vacante à Aley pour Talal Arslane », explique à L’OLJ Marwan Hamadé, député démissionnaire du Chouf. Il faisait référence au fait qu’en formant sa liste électorale, Walid Joumblatt a toujours veillé à garantir un siège à son principal rival sur la scène druze, par respect à la tradition yazbackite ancrée dans l’histoire des druzes au Liban.
Pour ce qui est des candidats, la source proche de Moukhtara fait état de « candidats habituels », sans donner de noms. Elle faisait vraisemblablement allusion à Teymour Joumblatt, fils du chef du PSP et actuel député du Chouf, qui devrait se présenter une nouvelle fois aux élections, pour ne citer que cet exemple. Une impression que confirment des propos de Walid Joumblatt, tenus le 27 janvier dernier. « Teymour (incarne) l’avenir. Moi, c’est le passé », avait-il dit à la MTV. Du côté des FL, rien n’est encore joué, même si certains noms commencent déjà à circuler dans les coulisses politiques, comme celui d’Émile Moukarzel, pour l’un des sièges maronites de Aley.
Akram Chehayeb a surtout créé la surprise en annonçant que son parti et celui de Samir Geagea s’allieront dans les différentes régions, ce qui pourrait signifier qu’ils prendraient part côte à côte au scrutin dans des régions où leurs influence et présence sont moindres, comme Beyrouth II ou encore Békaa-Ouest-Rachaya. « Nous nous focalisons actuellement sur le Chouf et Aley. Mais nous nous sommes entendus sur un échange de voix dans les circonscriptions communes », révèle la source joumblattiste, alors qu’un responsable FL se contente d’évoquer de « bonnes intentions » sur ce plan. « Mais il n’y a rien de concret encore », précise-t-il.
L’électorat de Hariri
La décision des FL et du PSP de consacrer officiellement leur alliance lors des élections du 15 mai survient quelques jours après la décision de Saad Hariri de suspendre son action politique et celle de sa formation. Le parti bleu a toujours été un allié traditionnel aussi bien des FL que de Walid Joumblatt, qui garde à M. Hariri « une place particulière dans (son) cœur », comme il l’avait dit à L’OLJ en novembre dernier.
Aujourd’hui, le leader druze affirme « comprendre la décision de M. Hariri et les circonstances » qui l’ont dictée. Mais il a quand même décidé de prendre part à la bataille électorale, aux côtés d’un Samir Geagea qui entretient des rapports perturbés avec l’ex-Premier ministre. L’alliance entre les deux partis s’est-elle donc consolidée après le retrait de Saad Hariri ? Selon Marwan Hamadé, cette alliance « est dans la nature des choses et était prévue avant l’annonce de Saad Hariri ». « C’est la preuve que les choix souverainistes qui puisent leurs racines dans cette alliance sont plus importants que les détails des calculs électoraux », ajoute-t-il, y voyant une façon d’« affirmer notre présence et nos choix, en vue de mettre fin à la dictature qu’exercent le Hezbollah et le Courant patriotique libre sur le pays ».
Marwan Hamadé reconnaît toutefois que la décision de Saad Hariri a laissé des incidences sur le scrutin et l’alliance entre Moukhtara et Meerab. « Nous aurions aimé avoir une alliance tripartite (FL-PSP-Futur). Mais la défection de M. Hariri ne nous laisse que le choix de nous adresser à son électorat pour faire bataille », explique M. Hamadé.
Soyons lucides: le PSP n’abandonnera jamais Doha malgré l’alliance scellée à Meerab, tout comme le CPL n’a jamais abandonné Mar Mikhaël malgré l’accord de Meerab, tout comme le CDF n’a jamais abandonné Doha malgré le « 14 mars ». Si l’alliance PSP - FL débouchait sur un remake de 2005 où 2009 où les FL se retrouvent noyées dans une majorité adepte de Doha, alors ç’aurait été une grave erreur des FL de conclure une telle alliance. Ce qui va très probablement se produire c’est l’exact contraire: une minorité préservée de députés PSP noyée dans une majorité écrasante de vrais souverainistes emmenés par les FL. En 2005 et 2009 arithmétique démographique oblige c’est surtout le CDF bien plus que le PSP qui a noyé les souverainistes avec ses députés partisans de Doha. Voilà justement pourquoi les FL étaient réticentes à une alliance avec le CDF cette année. Plus exactement, et ce qui ressort de la réaction parfaitement pesée de Samir Geagea au « retrait » de Hariri, c’est que pour éviter de reproduire les expériences ratées de 2005 et 2009, il souhaitait inclure dans cette alliance des figures sunnites véritablement souverainistes comme Ashraf Rifi ainsi que des indépendants véritablement souverainistes (mais pas les bobos gauchistes avec qui les Kataeb et le BN copinent). C’est le CDF qui a refusé, allons savoir pourquoi.. Donc les souverainistes ou plutôt les vrais Libanais tout simplement, n’ont rien à perdre et tout à gagner de cette alliance FL PSP.
08 h 15, le 05 février 2022