
À la cérémonie de clôture, les adolescents venus témoigner arborent le certificat qu’ils ont reçu pour leur participation, essentielle dans les prises de décision et l’élaboration de projets les concernant. Photo DR
Des professionnels de la santé de 36 pays différents ont planché, en décembre dernier, sur la santé des adolescents dans le but d’établir une feuille de route avec en tête les objectifs de Développement durable pour 2030 fixés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Organisée par la coalition arabe pour la santé et la médecine des adolescents, la quatrième conférence de l’Association internationale pour la santé des adolescents (IAAH) pour la région du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) s’est tenue sous le haut patronage de la Ligue des pays arabes en Égypte durant trois jours.
Un des objectifs de la conférence était de mettre en évidence les besoins spécifiques de cette large tranche de la population que sont les adolescents, surtout ceux d’entre eux ayant des maladies chroniques ou un handicap, ainsi que ceux appartenant aux minorités ethniques ou vivant dans un environnement socio-économique défavorable ou dans des régions en conflit.
Si nous reprenons quelques chiffres, il apparaît que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité le nombre d’adolescents et jeunes entre 10 et 24 ans est de quelque 1,8 milliard de personnes. Cette tranche d’âge n’avait jamais été aussi nombreuse. Et dans notre région du globe nous retrouvons le quart de ces personnes.
Une période de transition délicate
Cette population considérée, comparativement aux enfants et aux adultes, plus sain, a depuis toujours suscité peu d’intérêt en termes de recherches dans le domaine de la santé et trop peu de ressources y sont investies. À titre d’exemple, nous citerons les campagnes de vaccination qui ciblent les enfants, mais oublient souvent les adolescents, qui eux aussi doivent continuer à recevoir des vaccins. Généralement, les parents d’adolescents ne consultent un médecin qu’en cas de maladies et non pas pour un check-up régulier concernant leur « ado ». Mais à cette période de transition de l’enfance à l’âge adulte, le corps connaît des changements majeurs qui ont certainement des répercussions sur la santé.
Durant ces années, l’adolescent développe sa personnalité et son identité (sociale, sexuelle…), loin du cliché de rebelle et indépendamment du fait qu’il rencontre des problèmes ou pas.
Souvent cette période pleine de découvertes peut être aussi une période de prises de risques. Le cerveau de l’adolescent, qui n’est pas encore totalement développé, est à la recherche de la récompense immédiate, du plaisir instantané d’où une certaine tendance aux comportements addictifs. Et il ne s’agit pas uniquement des substances comme le tabac ou les drogues, les adolescents peuvent être aussi « accros » aux jeux électroniques ou aux réseaux sociaux. Il est, par ailleurs, démontré que les habitudes de vie prises durant l’adolescence peuvent avoir un impact, aussi bien positif que négatif à l’âge adulte. Il s’agit donc d’offrir les possibilités aux adolescents de faire des choix éclairés.
L’impact du Covid-19 sur les ados
La pandémie qui a touché notre planète et l’a paralysée durant de nombreux mois a eu des effets sur l’économie mondiale, sur les comportements sociétaux mais aussi sur la santé. Des études réalisées auprès d’adolescents durant la pandémie du Covid-19 et en particulier lors du premier confinement (hiver-printemps 2020) ont révélé un impact important sur la santé mentale. En Palestine, 60 % des adolescents ayant participé à cette enquête admettent avoir des niveaux élevés de stress, alors que 53 % des adolescents en Arabie saoudite se sentent anxieux ou nerveux.
Plusieurs facteurs sont probablement en cause. En effet, le confinement, qui les a cloîtrés à domicile et les a obligés à suivre les cours virtuellement, les a empêchés d’être connectés socialement, et ce à un âge où les liens sociaux sont essentiels. La pandémie a aussi touché l’économie des foyers et 30 % des adolescents en Palestine admettent avoir eu des difficultés pour obtenir de la nourriture ou des médicaments.
Le rôle indéniable de l’éducation
Si les faits et les chiffres sont parlants, les recommandations à en tirer sont d’établir des stratégies afin de faciliter l’accès des adolescents aux services de santé, en particulier aux soins de santé mentale, et braver les tabous qui l’entourent.
La solution proposée a été d’établir des services de santé dans les établissements scolaires ou du moins que ces derniers en facilitent l’accès.
D’ailleurs, le professeur Didier Jourdan, titulaire de la chaire Unesco et directeur du centre collaborateur OMS « Éducation et santé », a lancé un appel pour que les écoles contribuent à la prévention et à la réduction des inégalités en matière de santé. Ceci pouvant se faire à travers le cursus scolaire, mais aussi grâce à un environnement éducatif et des liens dans les communautés.
À la fin de ces trois jours de conférences, une déclaration a été adoptée par tous les participants. Elle rappelle aux États la nécessité de renforcer systématiquement les systèmes de santé, tout en assurant une approche multisectorielle, afin d’englober les déterminants socio-écologiques de la santé des adolescents.
En attendant de mettre en action les différentes clauses de la déclaration, il est urgent d’agir auprès de nos adolescents. Investir dans la santé, le développement et le bien-être de cette tranche de la population est l’investissement le plus avantageux qu’une nation puisse faire. En ciblant les jeunes d’aujourd’hui, nous investissons aussi dans deux autres générations : les adultes qu’ils seront demain et les enfants qu’ils élèveront à leur tour, un jour.
* Dr Béatrice Khater est spécialiste en médecine de famille-AUB.