Rechercher
Rechercher

Culture - Cinéma

Dania Bdeir emmène le Liban sur les sommets de Sundance

La jeune réalisatrice libanaise Dania Bdeir a décroché le prix du meilleur court métrage international pour son film « Warsha » au Festival international de Sundance. Ce qui le rend éligible aux Oscars.

Dania Bdeir emmène le Liban sur les sommets de Sundance

L’artiste Khansa dans le rôle d’un ouvrier suspendu entre ciel et et terre. Photo DR

La bonne nouvelle est tombée alors que Dania Bdeir et son équipe s’apprêtaient à partir pour Clermont-Ferrand où se déroule le festival du court métrage du 28 janvier au 5 février : son film Warsha venait de remporter le Prix du meilleur court métrage international au Festival international de Sundance, le rendant éligible aux Oscars. Le jury, qui l’a élu parmi 59 films sélectionnés, a salué l’œuvre de la Libanaise en ces termes : « Ce qui semble être, au premier abord, une histoire de la vie quotidienne d’un homme face à son travail dans un lieu dangereux, devient au fur et à mesure un voyage joyeux et époustouflant de découverte et d’expression de soi. Pour sa combinaison de cinématographie aérienne à couper le souffle avec une performance intense de l’acteur principal (l’artiste Khansa, NDLR), le prix du jury du court métrage de fiction internationale est décerné à Warsha, de Dania Bdeir. »

Quelle consécration pour cette jeune réalisatrice qui, soutenue par une équipe solide, a cru ferme il y a quelques années dans un projet pour le moins hasardeux qu’elle a réussi à transformer en aventure réussie. Une aventure lancée en 2017 et achevée en 2020.

Une scène du court métrage « Warsha » de Dania Bdeir. Photo DR

Se ressourcer au Liban

Évoluant entre Dubaï et New York, Dania Bdeir, qui a signé auparavant deux autres courts métrages Kaléidoscope et White, n’a jamais coupé le cordon avec sa mère patrie. Ses films, volontairement ou inconsciemment, s’inspirent de la société libanaise et plus largement orientale, et de moments forts ressentis au sein de cette société, laquelle, estime-t-elle, « est encore cloîtrée dans un univers de tabous, de clichés et de contraintes ».

L’aventure Warsha a donc commencé. Tandis qu’elle écrit sur son balcon beyrouthin, la réalisatrice aperçoit la silhouette d’un homme juché sur une grue, se dessinant dans le crépuscule. «À cette époque, Beyrouth était pleine de grues et d’immeubles luxueux qui pointaient leur nez vers le ciel. En regardant vers le haut, j’ai vu cet homme dans une posture qui m’a fait croire qu’il allait sauter. Il s’inclinait, rapprochant son front au sol. C’est alors que j’ai réalisé qu’il priait. C’est ce moment magnifique, raconte Dania Bdeir, qui a fait une sorte de déclic dans ma tête. D’ailleurs tous mes films sont nés d’un moment magique. J’ai alors pensé que toutes ces grues et ces machines qui nous entourent à Beyrouth dissimulent des hommes (ceux qui les font fonctionner) et leurs histoires. De leur cabine exiguë, ils peuvent observer le monde sans qu’on ne les voit. Et cette idée qui m’a traversé l’esprit est devenue obsessionnelle. »


Lire aussi

« Une lettre d’amour à Beyrouth et aux gens qui y vivent »

La jeune réalisatrice se lance alors dans une véritable enquête sur le terrain et, introduite par un ami ingénieur, ira visiter plusieurs chantiers pour y côtoyer les ouvriers. « Celui qui manipule la grue (le “wannich”, en arabe) vit dans sa bulle, raconte la jeune réalisatrice. Il arrive sur le chantier, grimpe l’échelle et reste perché toute la journée car il est trop difficile de monter et de redescendre plusieurs fois. » Lors de ses multiples visites, trois choses ont attiré son attention. « D’abord, l’espace des chantiers est très masculin. Ensuite, il est très bruyant. Et enfin, par le fait même que les ouvriers soient syriens et qu’ils tentent de se rendre invisibles, il y a comme un écran qui les sépare des chefs de chantier qui sont généralement libanais. La cabine de grue devient donc un lieu de refuge et d’évasion pour l’ouvrier, car c’est là qu’il échappe à tous ces genres de stéréotypes. En se retirant, seul, il laisse derrière lui toute cette cacophonie ainsi que les contraintes sociétales. Une fois qu’il a grimpé son échelle, l’ouvrier arrive au sommet de la grue dans un cocon de tranquillité qui lui permet d’être lui-même. »

Sur le tournage de « Warsha » de Dania Bdeir. Photo DR

Un chantier cinématographique

Longtemps, l’auteure/réalisatrice réfléchit sur cette idée, et essaye d’imaginer ce sujet d’une façon cinématographique, sonore, musicale, mais aussi émotionnelle.Mais un autre événement intervient qui la pousse à faire la synthèse des deux sujets. Ayant été séduite par la nouvelle chanson, Khayef, de Khansa, poussée par la curiosité de connaître ce danseur et chanteur apparemment doué, elle assiste à sa performance au Metro al-Madina. « J’ai été époustouflée par son show. Khansa est un artiste complet, dit-elle. Il écrit ses chansons qu’il interprète, c’est un danseur du ventre et un danseur aérien. Il estompe en douceur et avec beaucoup de finesse les lignes qui séparent les genres masculin et féminin. Quand on assiste à son show, on ne voit ni un homme ni une femme qui dansent mais de la beauté pure et simple. »


Lire aussi

Après Venise, Toronto et Londres, « Costa Brava » enfin à Beyrouth !


Entre l’artiste et la metteure en scène naît une longue conversation dont naîtra une ébauche de film. Elle pense lui donner le rôle de l’ouvrier en apesanteur qui arrive à transcender les tabous et à se libérer de ses chaînes une fois dans sa zone de solitude, la cabine de la grue. Khansa est partant, d’autant plus qu’il est lui-même un danseur aérien évoluant non sur des rubans de soie mais sur des chaînes. Avec Coralie Dias (Inter Spinas Films) et le coproducteur libanais Pierre Sarraf (Né à Beyrouth Films) à la production, et entourée du DOP Shadi Chaaban, du monteur Ali Dalloul, des ingénieurs de son Mathieu Z’graggen et Régis Diebold, du producteur de musique Hello Psychaleppo ainsi que du costumier Diego Montoya, Dania Bdeir pouvait entamer le chantier pour Warsha. « Au début, je voulais tout tourner en réel car je suis habituée à cela. J’étais convaincue que c’était faisable, explique la jeune femme, bien que ma productrice Coralie Dias tentait de m’en dissuader. C’est trop dangereux, me disait-elle, trop risqué. En 2018, avec Khansa et une équipe, nous avons été faire un teaser sur le chantier. Mon cameraman a eu peur de cette entreprise et m’a donné sa caméra à la dernière minute. Ni Khansa ni moi ne craignant les hauteurs, nous nous sommes aventurés sur l’échelle. Mais arrivée là-haut, j’ai réalisé que la cabine était vétuste et les conditions précaires. Nous étions comme accrochés entre ciel et terre. »

Suite à cette expérience, Dania Bdeir informe sa productrice qu’elle abandonne le projet de filmer en réel. « Elle avait de son côté approché une société de postproduction La Planète Rouge à Marseille qui était très intéressée de travailler avec nous et de présenter le film à la Région Sud, se souvient Dania Bdeir. Coup de chance, cette société construisait alors le plus grand studio virtuel en France, à Martigues, une nouvelle technologie employée dans les films Marvel et Disney. » La pandémie de Covid-19 et le confinement qui s’en est suivi ont permis à la société le temps d’achever la construction deux jours avant le tournage de Warsha. « Nous avons été les premiers à en profiter. Entre-temps, nous avions filmé à Beyrouth le chantier, le passage du pont (par drone) puis nous nous sommes déplacés en France. Je tenais à avoir, dans le film, un paysage de 360° sur la ville et la mer. En France, il suffisait de cliquer sur un bouton pour que tout fusionne avec le cadrage. » Ce projet ambitieux qui a nécessité quatre ans de travail, entre écriture, pauses diverses et tournage, n’a pas eu de chance avec les fonds arabes. Coralie Dias, la productrice, qui croyait fort en ce projet, a dès lors dû se débrouiller seule avec des fonds français, un préachat avec Arte qui garantit l’exclusivité sur ses chaînes. « C’est un projet passion, avoue Dania Bdeir. Nous avons rencontré tant d’embûches surtout que toute mon équipe (internationale) était dispersée. En dépit de tout, nous avons tenu le coup et à présent nous voilà. Je suis convaincue aujourd’hui que Warsha a un bel avenir », dit-elle avant d’ajouter : « Tout ce que je fais dans Warsha, c’est parler d’un homme qui se sent suffoquer dans un milieu sociétal “claustrophobique” et qui essaye de trouver un espace pour respirer, danser, et faire ce qu’il désire. »

Après Sundance et Clermont-Ferrand, Dania Bdeir souhaite assurer une première dans la région MENA. « Mais lequel des pays arabes aimerait montrer ce film ? » se demande-t-elle perplexe.

Dania Bdeir signe avec « Warsha » un troisième court métrage qui vient d’être primé au Festival international de Sundance. Photo DR

Dania Bdeir, bio-express

Née à Montréal, Dania Bdeir est une scénariste et réalisatrice libano-canadienne qui entretient une relation intense et compliquée avec son pays natal qu’elle considère pourtant comme sa grande source d’inspiration. Actuellement membre du Brooklyn Filmmakers Collective, elle est titulaire d’un BA en graphisme de l’Université américaine de Beyrouth et d’une maîtrise en réalisation de la Tisch School of the Arts de NYU, où elle a reçu une bourse complète au cours de sa troisième année.

Son film de préthèse Meshkal (Kaléidoscope), a voyagé dans des festivals de cinéma en France, au Maroc, au Pakistan, au Mexique… Il a remporté quelques prix notables, dont le prix d’excellence au Festival international du film du Canada 2014 et la Palme d’or au Festival international du film de Mexico 2014.

Son autre court métrage, In White, qui a reçu le Spike Lee Production Fund, a été présenté en première mondiale au célèbre Festival du film de Clermont-Ferrand et a ensuite été projeté au BFI London Film Festival, au Festival international du court métrage d’Uppsala et dans le cadre de plus de 30 festivals de cinéma du monde entier. Il a remporté une dizaine de récompenses, dont le Grand Prix international du Festival international du court métrage de Rio de Janeiro le rendant ainsi éligible aux Oscars 2019 dans la catégorie court métrage en direct.

Partageant son temps entre New York et Dubaï, Dania Bdeir avait été sélectionnée en 2019 comme Talent de la Berlinale.

La bonne nouvelle est tombée alors que Dania Bdeir et son équipe s’apprêtaient à partir pour Clermont-Ferrand où se déroule le festival du court métrage du 28 janvier au 5 février : son film Warsha venait de remporter le Prix du meilleur court métrage international au Festival international de Sundance, le rendant éligible aux Oscars. Le jury, qui l’a élu parmi 59...

commentaires (4)

PRIERE LIRE HEBDOMADAIRE. ERREUR DE TAPER VITE SUR LE CLAVIER.MERCI.

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 55, le 31 janvier 2022

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • PRIERE LIRE HEBDOMADAIRE. ERREUR DE TAPER VITE SUR LE CLAVIER.MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 55, le 31 janvier 2022

  • Hebdomadaire, dromadaire, vocabulaire....

    Nadim Mallat

    13 h 42, le 31 janvier 2022

  • JE PROPOSE A L,OLJ DE CHANGER DE NOM ET DE S,APPELER - L,ORIENT HEBDOMADERE - PUISQUE SES ARTICLES PARAISSENT DE 3 A 5 JOURS DE SUITE ET CERTAINS MEME UNE SEMAINE. CA SIED MIEUX ET SERAIT MIEUX COMPRIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 36, le 31 janvier 2022

  • TRES PAUVRE JOURNAL AUJOURD,HUI. LE DESTIN DU MONDE SE JOUE ENTRE L,OCCIDENT ET LA RUSSIE POUR L,UKRAINE ET AVEC LA CHINE EN MER DE CHINE ET AUCUN MOT TOUTE LA SEMAINE POUR INFORMER LES LECTEURS DE CE QUI SE PASSE. ON SE RESUME A DES NOUVELLES LOCALES OU IL N,Y A PAS A PAYER DES AGENCES . INFORMEZ LES LECTEURS DE CE QUI SE PASSE AU JOURNAL QUI N,EN EST PLUS UN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 09, le 31 janvier 2022

Retour en haut