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Moyen-Orient - Éclairage

Le message sanglant des houthis à Abou Dhabi

L’opération menée hier par les rebelles yéménites contre des infrastructures émiraties a pour objectif d’envoyer un message aux Émirats arabes unis, qui ont intensifié leur soutien aux factions progouvernementales dans la guerre au Yémen ces dernières semaines.

Le message sanglant des houthis à Abou Dhabi

Trois camions-citernes ont explosé à Abou Dhabi près des réservoirs de stockage de la compagnie pétrolière nationale émiratie, Adnoc, le 17 janvier 2022. Photo AFP

C’est une attaque qui a fait monter la tension d’un cran dans la région. Hier matin, les houthis ont revendiqué « une opération au cœur des Émirats arabes unis » qui aurait provoqué l’explosion de trois camions-citernes dans le quartier de Mussafah à Abou Dhabi, près des réservoirs de stockage d’Adnoc, la compagnie pétrolière nationale émiratie. Peu après, un incendie, qualifié de mineur par les autorités émiraties, s’est déclaré dans une extension de l’aéroport international d’Abou Dhabi encore en construction. Faisant état de trois morts et six blessés, la police émiratie a déclaré que ces incidents avaient « probablement » été causés par des drones. Si les rebelles yéménites menaçaient depuis 2019 de s’en prendre aux intérêts émiratis et ont revendiqué d’autres attaques de moindre ampleur aux Émirats arabes unis (EAU) par le passé, c’est la première qu’Abou Dhabi le reconnaît officiellement.

« Les forces armées (des houthis) ont mené une opération militaire qualitative et réussie dans le cadre d’une opération baptisée Ouragan du Yémen », a affirmé leur porte-parole Yahya Saree dans un communiqué diffusé sur leur chaîne al-Massira hier soir. « Nombre de sites et installations émiraties importantes et sensibles » ont été ciblés à l’aide de missiles balistiques et de drones, d’après lui.

Bien que des rumeurs circulaient ces derniers jours sur l’imminence d’un accord pour trouver une issue au conflit au Yémen, ces frappes qui ont atteint un allié stratégique des États-Unis donnent une nouvelle dimension à la guerre qui se joue entre les houthis soutenus par Téhéran et la coalition menée par l’Arabie saoudite, dont les EAU font partie, en appui aux forces gouvernementales yéménites. « Les EAU condamnent cette attaque terroriste par la milice houthie dans les zones et sur des installations civiles sur le sol émirati. (...) Cela ne restera pas impuni », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, ajoutant que « les EAU se réservent le droit de répondre à ces attaques terroristes et à cette escalade criminelle ». Selon l’agence Bloomberg, Abou Dhabi demandera bientôt à Washington de remettre les houthis sur leur liste des groupes terroristes, de laquelle les avait rayés le président Joe Biden à son arrivée à la Maison-Blanche il y a un an. Plus largement, ces attaques pourraient faire obstacle aux efforts déployés pour réduire les tensions régionales, alors que Washington et Téhéran s’efforcent de sauver l’accord de 2015 sur le nucléaire dans le cadre des pourparlers en cours à Vienne.

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« Les houthis veulent démontrer que l’intervention émiratie au Yémen a un prix », affirme Bruce Riedel, ancien responsable au sein de la CIA et chercheur à la Brookings Institution. Si la fédération émiratie a retiré ses derniers soldats au sol début 2020, elle reste impliquée, bien que discrètement, notamment à travers son soutien aux Brigades des géants, une faction armée progouvernementale, qui s’est intensifié ces derniers jours. Ces forces au sol, qui se concentraient habituellement dans le sud du pays, sont remontées vers le nord pour reprendre, ces dernières semaines, la province de Chabwa et contribuer à contrer l’offensive des houthis sur la province de Ma’rib, dernier bastion du gouvernement dans le nord du pays. Au début du mois, un navire battant pavillon émirati avait également été saisi par les rebelles près du port de Hodeida, désormais sous leur contrôle. Faisant fi des appels de la coalition militaire progouvernementale ainsi que du Conseil de sécurité de l’ONU, où siège actuellement Abou Dhabi, le groupe yéménite refuse toujours de relâcher l’équipage et le bateau qui transportait, selon ses dires, des armes et de l’équipement militaire.

Message clair

Cette attaque n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle contre des installations pétrolières saoudiennes d’Aramco à Abqaiq et Khurais en septembre 2019. Revendiquées par les rebelles houthis, elles avaient perturbé la production saoudienne des semaines durant. Des attaques qui, au regard de leur complexité et de leur précision, ont cependant été imputées à Téhéran par l’administration de Donald Trump et Riyad. Craignant d’être victime à son tour d’une agression similaire sur son sol, Abou Dhabi avait quant à lui fait profil bas en évitant de pointer du doigt la République islamique, tout en dépêchant secrètement à Téhéran son conseiller à la Sécurité nationale, cheikh Tahnoun ben Zayed, afin de calmer les tensions.

En décembre dernier, le même émissaire, également frère du prince héritier d’Abou Dhabi, s’est rendu à nouveau dans la capitale iranienne pour y rencontrer, officiellement cette fois, son homologue iranien ainsi que le président ultraconservateur, Ebrahim Raïssi, élu en juin dernier. Il s’agissait là encore d’éviter de faire les frais d’une confrontation militaire avec l’Iran, notamment dans la perspective d’un échec des négociations sur le nucléaire iranien, qui venaient de reprendre après plusieurs mois de pause. Face à l’administration Biden qui poursuit le désengagement de Washington au Moyen-Orient, les pays du Golfe cherchent à assurer leur sécurité en rebattant leurs cartes diplomatiques. « Ces derniers mois, on a vu un certain rapprochement entre Abou Dhabi et Téhéran, et les Iraniens ne souhaitent pas nécessairement entraver ce développement », remarque Andreas Krieg, professeur au King’s College de Londres. « Mais il y a clairement ici un message pour dire qu’en fin de compte, ils peuvent les frapper quand ils veulent, s’ils le veulent, y compris Abou Dhabi, et qu’ils doivent rester vigilants », poursuit-il.

Alors que son programme de missiles balistiques et ses activités régionales ne sont pas au menu des discussions dans la capitale autrichienne, l’Iran avance ses pions dans la région pour éviter de faire trop de concessions tout en en obtenant de ses adversaires. La semaine dernière, des milices pro-iraniennes en Irak ont notamment lancé des menaces contre les EAU en représailles à ce qu’elles considèrent être une ingérence dans la politique nationale. Au moment de l’attaque contre Abou Dhabi hier, Mohammad Abdelsalam, porte-parole des houthis et négociateur en chef lors des pourparlers de paix de 2018, se trouvait à Téhéran pour y rencontrer le chef des renseignements ainsi que le président de la République islamique, selon le site des houthis, al-Massira. Malgré les doutes émis par certains observateurs sur l’origine des drones lancés sur les Émirats, le message envoyé se veut clair : « Un an après la promesse du président Joe Biden de mettre un terme à la guerre au Yémen, elle est plus dangereuse que jamais », souligne Bruce Riedel.

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Bien que souvent interceptées, les attaques de missiles ou de drones armés revendiquées par les houthis sont particulièrement récurrentes en Arabie saoudite, alors que le royaume avait entamé dès avril dernier des pourparlers bilatéraux secrets avec la République islamique, par l’intermédiaire de Bagdad. Enlisé dans ce coûteux conflit depuis sept ans, Riyad cherche à tout prix à sortir du bourbier yéménite où son implication lui vaut de nombreuses critiques sur la scène internationale en raison des violations des droits humains imputées à la coalition et de la crise humanitaire provoquée par la guerre. De son côté, Téhéran exige le rétablissement des relations diplomatiques, rompues depuis 2016, via la réouverture de consulats voire d’ambassades. Dans un signe encourageant, le royaume a accueilli il y a quelques jours trois Iraniens représentant le pays à l’Organisation de coopération islamique, dont le siège est à Djeddah, pour lesquels Riyad a récemment émis des passeports diplomatiques.

C’est une attaque qui a fait monter la tension d’un cran dans la région. Hier matin, les houthis ont revendiqué « une opération au cœur des Émirats arabes unis » qui aurait provoqué l’explosion de trois camions-citernes dans le quartier de Mussafah à Abou Dhabi, près des réservoirs de stockage d’Adnoc, la compagnie pétrolière nationale émiratie. Peu après, un...

commentaires (2)

La réponse sanglante d’Abu dhabi aux houthis ne s’est pas faite attendre… Il aurait fallu un Trump pour répondre à l’Iran directement et lui faire payer le prix !

LeRougeEtLeNoir

12 h 28, le 18 janvier 2022

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Commentaires (2)

  • La réponse sanglante d’Abu dhabi aux houthis ne s’est pas faite attendre… Il aurait fallu un Trump pour répondre à l’Iran directement et lui faire payer le prix !

    LeRougeEtLeNoir

    12 h 28, le 18 janvier 2022

  • OLJ, LE MONDE BOUILLE EN INTERRESANTES NOUVELLES ET VOUS, AUTRE QUE CELLE-LA, RIEN DE VRAIMENT INTERESSANT. OU SONT LES NOUVELLES DES GRANDES AGENCES MONDIALES ? PAUVRE JOURNAL, JE VOUS PLAINS. VOUS GLISSEZ VERS LA DECADENCE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 59, le 18 janvier 2022

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