
Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil. Photo d'archives Dalati et Nohra
Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, a menacé de demander un vote au Parlement visant à retirer la confiance au gouvernement, qui ne s'est plus réuni depuis trois mois, et accusé son chef, Nagib Mikati, d'être "en partie responsable de son blocage", estimant que le ministre des Finances, Youssef Khalil, ne remettra pas le projet de budget au Premier ministre sans qu'une "décision politique" ne soit prise en amont.
Le Premier ministre avait conditionné à la présentation du budget de l'Etat pour 2022 la convocation de son équipe ministérielle, dont toute réunion serait boycottée par les ministres chiites en raison de conflits internes sur l'enquête sur les explosions au port de Beyrouth.
M. Bassil est revenu, par ailleurs, une nouvelle fois à la charge contre le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, qui est soutenu par M. Mikati, et accusé les deux responsables de "se protéger mutuellement". Commentant sa relation avec son allié chiite, le Hezbollah pro-iranien, le député de Batroun et gendre du chef de l'Etat Michel Aoun a estimé qu'elle souffre d'une "incompréhension non-conflictuelle", assurant toutefois vouloir œuvrer pour la restaurer.
"Retirer la confiance au gouvernement"
"Nous avons adressé une lettre officielle au Parlement pour demander la convocation d'une séance de questions au gouvernement, mais le Parlement ne l'a pas fait", a déclaré M. Bassil dans un entretien samedi au quotidien arabophone al-Joumhouriya. "Nous nous dirigeons donc vers une demande de retrait de la confiance au cabinet, parce que son chef est en partie responsable du blocage et agit comme si l'absence des réunions lui convenait", a-t-il menacé.
"Nagib Mikati réunit des commissions ministérielles et prend des décisions individuelles. Lorsqu'il a besoin du gouvernement, il se tourne vers le président de la République et réclame des accords exceptionnels", a-t-il dit. A plusieurs reprises, le président Aoun, fondateur du CPL, a menacé de ne plus accorder des autorisations exceptionnelles, afin de faire pression sur le Premier ministre. "Le CPL n'a pas nommé M. Mikati et avait lié l'octroi de la confiance au rendement du gouvernement. Le pays ne peut plus attendre qu'il prenne une initiative", a ajouté M. Bassil.
"Décision politique"
Commentant les propos du Premier ministre qui avait assuré, le 6 janvier, qu'il convoquerait une réunion gouvernementale "dès réception du projet de budget 2022 dans les deux prochains jours", le parlementaire a critiqué le fait que M. Mikati "a uniquement lié la réunion du gouvernement à cette décision", notant que d'autres problèmes "urgents" nécessitent la réunion du gouvernement.
"M. Mikati ignore-t-il que le ministre des Finances ne lui remettra pas le projet de budget sans une décision politique ?", a-t-il affirmé, sachant que le ministre Youssef Khalil est proche du camp du président de la Chambre, Nabih Berry, et du Hezbollah. "Si le Parlement n'assume pas ses responsabilités pour pousser le gouvernement à se réunir, nous envisagerons toutes les options qui se présentent", a renchéri le leader du CPL. "Si nous devions choisir entre l'absence de gouvernement et un gouvernement inactif, il serait préférable de former un nouveau gouvernement", a-t-il menacé. "Dire que ça ne vaut pas la peine de le faire et organiser des élections n'est pas la solution", a-t-il soutenu. Selon lui, le blocage de l'Exécutif fait partie d'un "complot contre le président et le pays".
Salamé et Mikati "se protègent l'un l'autre"
Interrogé au sujet du soutien apporté par M. Mikati à Riad Salamé, le leader aouniste a estimé que ces deux responsables "se protègent mutuellement". Fin décembre, les aounistes avaient estimé que "personne ne part au combat avec des officiers qui ne sont pas préparés et qui sont accusés de traîtrise", en référence à M. Salamé. Ces accusations avaient été écartées par M. Mikati qui avait fait valoir qu'"on ne change pas d'officiers en cours de guerre". Le député de Batroun a encore estimé que "l'argent des Libanais ne pourra leur être rendu et le plan de redressement ne pourra être appliqué en présence de M. Salamé".
M. Salamé est perçu par de nombreux observateurs comme l'un des responsables de la crise économique et financière au Liban. Il est régulièrement critiqué par M. Aoun et son camp, qui réclament sa mise à l'écart, alors que le gouverneur fait l'objet de plusieurs enquêtes, notamment dans des pays européens. La procureure générale près la cour d'appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, avait émis, le 11 janvier, une interdiction de voyager à l'encontre du gouverneur de la BDL.
L'alliance CPL-Hezbollah dans un état "d'inertie"
Le chef du CPL est encore revenu sur sa "dernière longue réunion" avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, au cours de laquelle les deux hommes ont notamment abordé les législatives. Il a estimé, à cet égard, que la relation avec le parti chiite se trouve actuellement dans "un état d'inertie", mais il a assuré que "toute réunion avec Hassan Nasrallah est bénéfique".
"Nous sommes actuellement dans un état d'incompréhension non-conflictuelle", a nuancé M. Bassil, qui n'a toutefois pas manqué de lancer des piques à son allié chiite. "Le tandem chiite est directement responsable de l'arrêt du travail du gouvernement. Or, tout ce qui se passe dans le pays est dû au blocage gouvernemental", a-t-il ajouté. Cependant, "si nous ne nous entendons pas avec le Hezbollah en tant que deux composantes essentielles dans le pays, il n'y aura pas d'Etat", d'après lui. Les deux partis avaient dernièrement souligné la nécessité de maintenir leur entente tout en la développant.
Interrogé au sujet d'une initiative prise par le Hezbollah pour restaurer les relations entre le CPL et le mouvement Amal, afin de former des listes électorales communes dans certaines régions, M. Bassil a indiqué que cela ne peut être effectué avant de sortir de l'état d'inertie avec le Hezbollah".
Revenant sur les propos du chef des Forces libanaises, (FL) Samir Geagea, qui avait estimé que ses "chances de réussite lors des prochaines législatives sont très élevées en raison du grand changement dans l’opinion publique", M. Bassil a dit ne pas s'attendre à de grands changements en faveur des FL. De plus, "peut-on former un gouvernement sans le Hezbollah ?, a-t-il ajouté.
Le chef du CPL a enfin assuré être prêt à discuter d'éventuelles alliances électorales avec le courant des Marada, du leader maronite du Liban-Nord Sleimane Frangié, rival du président. A l'issue d'une réunion cette semaine à Baabda, M. Frangié avait dit que toute alliance dépendrait de la volonté des aounistes de s'unir avec leurs rivaux. Le député Tony Frangié, fils du chef des Marada, a toutefois affirmé à L'OLJ qu'"il est très difficile d’envisager de mener la compétition électorale côte à côte avec Gebran Bassil".
Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, a menacé de demander un vote au Parlement visant à retirer la confiance au gouvernement, qui ne s'est plus réuni depuis trois mois, et accusé son chef, Nagib Mikati, d'être "en partie responsable de son blocage", estimant que le ministre des Finances, Youssef Khalil, ne remettra pas le projet de budget au Premier ministre sans...
commentaires (21)
Sans l'accord - et la signature - du président de la République, le mandat de Riad Salamé à la tête de la BDL n'aurait pas été renouvelé. Si Gebran Bassil était responsable, il n'aurait pas approuvé ce renouvellement de mandat (qui s'est effectué dans le cadre d'un bazar politique de nominations dans la haute fonction publique). C'est un secret de Polichinelle que le président ne prend pas une décision de ce genre sans avoir consulté son gendre bien-aimé. Si Gebran Bassil était courageux, il reconnaitrait aujourd'hui cette erreur. Or, malheureusement, il n'est ni responsable ni courageux.
Youssef Najjar
09 h 45, le 16 janvier 2022