Critiques littéraires Chronique

Beyrouth : l’amour inconditionnel de Corinne Boulad

Beyrouth : l’amour inconditionnel de Corinne Boulad

© David Hury

Les éditions Oser Dire viennent de publier des Chroniques de la révolution (la thawra libanaise) sous la plume de Corinne Boulad dont c’est le premier ouvrage. Franco-Libanaise ayant grandi en France, elle a fait sa carrière dans l’humanitaire et c’est une mission qui la conduit au Liban en 2013. C’est alors que se produit en elle le déclic : ce pays de ses origines qu’elle a si peu connu, sinon au cours de brefs séjours de vacances alors qu’elle était enfant, c’est le sien ; c’est là qu’elle se sent chez elle et c’est là qu’elle veut vivre. Elle s’y installe donc, à la grande surprise de son père, lui-même libanais mais ayant rompu ses attaches avec le pays. Elle va donc vivre en direct et en plongeant dedans avec fièvre et conviction, les quelques mois de la contestation libanaise qui a fait converger vers le centre-ville des citoyens qui voulaient reprendre leur destin en main. C’est cela le sujet de son livre, qu’elle écrit sous forme de brèves chroniques, introduites par des chansons, plus rarement par des poèmes, lesquels font écho à tout ce qui se joue durant cette contestation, depuis les premiers moments d’espoir et de liesse populaire jusqu’au désespoir de l’enlisement. Elle s’attarde sur la beauté des hommes et des paroles, elle se veut « le troubadour, la chanteuse de geste », elle raconte « l’humain, l’organique, le pulsatoire, l’épidermique tel que je le vis dans ma chair ». Elle veut crier son amour pour Beyrouth qui l’ensorcelle et la « fait éclore » : « Beyrouth a beau être Beyrouth, d’être Beyrouth je l’aime sans conditions. » Elle est pleine de foi dans l’avenir de cette thawra, et quand il pleut sur Beyrouth, elle danse, nous dit-elle.

L’autre fil qui court à travers les pages et qui donne au livre son second titre, juxtaposé au premier, c’est une adresse au père, une lettre dont on aurait aimé qu’elle soit plus développée et qu’elle occupe dans le texte une place à part entière. Au fil de ses chroniques en effet, Boulad interpelle son père, le prend à témoin, souhaite le rassurer dans ses légitimes inquiétudes, ou lui adresse un reproche sous-jacent, ténu, et qui reste pour l’essentiel informulé. On lit pourtant sous sa plume que « d’avoir tué le père, on en sort grandi », mais ces lignes évoquent les manifestants qui se soulèvent contre la société patriarcale et non son histoire personnelle… À ce père donc, l’autrice raconte sa joie d’être dans « ce Liban nouveau » qu’il connaît si mal. Elle affirme que le chant qui monte du peuple qui se soulève est un chant adressé « à tous ceux qui ont baissé les bras ». Elle ne veut plus entendre le refrain défaitiste, celui qui affirme, désabusé, que l’histoire se répète. Elle croit dur comme fer que, si peu structuré qu'il soit, ce soulèvement signe une renaissance.

Elle nous rappelle qu’Origène, théologien grec du IIIe siècle écrivait : « Faire de cèdre les poutres de nos demeures, c’est préserver l’âme de la corruption. » Un pays dont le drapeau arbore si fièrement l’arbre mythique ne saurait ne pas honorer cette belle symbolique.

Lettre à mon père ou Chroniques de la révolution de Corinne Boulad, Oser Dire éditions, 2021, 150 p.

Les éditions Oser Dire viennent de publier des Chroniques de la révolution (la thawra libanaise) sous la plume de Corinne Boulad dont c’est le premier ouvrage. Franco-Libanaise ayant grandi en France, elle a fait sa carrière dans l’humanitaire et c’est une mission qui la conduit au Liban en 2013. C’est alors que se produit en elle le déclic : ce pays de ses origines qu’elle a si...

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