Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’audit juricomptable qui doit être mené par le cabinet américain Alvarez & Marsal (A&M) sur les comptes de la Banque du Liban (BDL) : après le gouverneur de la BDL Riad Salamé et son conseil central, c’est au tour du syndicat des employés de la banque centrale de refuser de fournir certaines informations. Celui-ci a ainsi indiqué, dans un communiqué publié hier, son refus de donner « à ceux en charge des audits financier et juricomptable les noms et salaires des employés actuels et anciens de la BDL, ainsi que (les informations concernant) les mouvements sur leurs comptes bancaires ». Selon lui, ces données personnelles tombent sous la coupe de la loi n° 81 du 10 octobre 2018, qui renforce la protection des données personnelles, notamment sur internet, ainsi que le Règlement général de protection des données (RGPD) adopté par le Parlement européen en 2016. Ces arguments avaient été présentés le 6 décembre dernier par Riad Salamé dans un courrier adressé à son ancien cadre, le ministre des Finances Youssef Khalil, servant de médiateur entre la BDL et le cabinet d’audit.
Or, le RGPD ne s’applique qu’aux entreprises européennes et à ses partenaires travaillant avec des instances ou des individus européens, alors qu’A&M est un cabinet américain dont la branche moyen-orientale est basée aux Émirats arabes unis et que les employés de la banque centrale libanaise travaillent au Liban. Le gouverneur s’était alors défendu en indiquant que « plusieurs informations dévoilées (à A&M) par la banque centrale se sont retrouvées dans les journaux internationaux ». En octobre 2020, le journal américain Forbes avait en effet publié un compte rendu des informations demandées par le cabinet et avait précisé lesquelles avaient été transmises par la BDL, sans toutefois publier les réponses de cette dernière.
De plus, le syndicat précise que les employés n’ont pas donné « leur accord préalable et explicite pour partager leurs informations avec une tierce partie, comme le requiert la loi n° 200 ». Cette loi, votée par le Parlement en décembre 2020, lève le secret bancaire derrière lequel la banque centrale s’était réfugiée pour ne pas fournir des documents demandés par A&M, et ce pendant un an. Ce alors que pour plusieurs observateurs, dont l’ancienne ministre de la Justice Marie-Claude Najm, le secret bancaire institué en 1956 ne s’applique de toute façon pas sur les comptes de la BDL. De plus, la loi n° 200 n’indique pas que les employés doivent donner leur accord. Ce à quoi une source proche de la BDL, interrogée par L’OLJ, rétorque « qu’un directeur ne peut pas dévoiler le salaire de ses employés sans leur en demander l’autorisation », autrement dit que sous cette condition, « le secret bancaire s’applique ». La loi de levée du secret bancaire pendant un an a pris fin le 29 décembre 2021.L’État libanais a signé deux contrats avec A&M pour remonter à la source des transactions réalisées par la BDL afin d’y détecter d’éventuelles fraudes, l’un en septembre 2020, avant de jeter l’éponge deux mois plus tard, et l’autre en septembre 2021. Mais des informations circulant dans la presse faisaient état de la volonté du cabinet de laisser à nouveau tomber en novembre dernier, car il n’avait de nouveau reçu que des données incomplètes. Depuis, plus aucune information n’a fuité, et aussi bien le ministère des Finances que la BDL refusent de commenter cette affaire. Si bien qu’il est impossible de savoir actuellement si A&M a obtenu assez d’informations pour pouvoir commencer sa mission.L’audit de la banque centrale est un des prérequis posés par la communauté internationale pour que le Liban obtienne une assistance financière de la part du Fonds monétaire international afin qu’il puisse sortir de la crise économique et financière qu’il traverse depuis deux ans.
commentaires (13)
Un voleur ne donnera jamais la preuve qu’il a bien volé. Ce syndicat décide de défier ceux qui font l’audit, il emboîte le pas au grand Salamé, on marche sur la tête dans ce pays…
Karam Georges
15 h 18, le 06 janvier 2022