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Économie - Crise

Les points cardinaux du dernier entretien de Riad Salamé

Le gouverneur de la Banque du Liban a reconnu que le taux de change officiel de 1 507,5 livres pour un dollar n’était plus « réaliste ».

Les points cardinaux du dernier entretien de Riad Salamé

Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, lors de son entretien. Joseph Eid/AFP

Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, s’est une nouvelle fois exprimé publiquement hier pour commenter la crise que traverse le pays depuis deux ans, moins d’un mois après sa dernière intervention dans les médias. Dans un entretien accordé cette fois-ci à l’AFP, le haut responsable a communiqué certaines informations, sans pour autant faire la lumière sur les nombreuses inconnues qui subsistent concernant la situation actuelle du pays et la quantité d’aide financière qui pourrait permettre de remettre son économie sur les rails.

Parmi les points saillants de son intervention, Riad Salamé a reconnu que le taux de change officiel de 1 507,5 livres pour un dollar n’était plus « réaliste ». Un constat tardif, dans la mesure où cela fait au moins deux ans que le taux du marché a commencé à prendre le large, pour atteindre aujourd’hui un niveau se rapprochant de la barre des 28 000 livres, soit une perte de près de 94 % de la valeur initiale de la monnaie nationale. Il a par contre jugé que l’unification des taux n’était pas envisageable à ce stade, du moins pas avant qu’un accord avec le FMI soit atteint et qu’une entente interne ne permette de stabiliser la situation politique dans le pays.

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En janvier dernier, le gouverneur avait déjà reconnu la nécessité « d’unifier » le taux de change dollar/livre, alors que les Libanais jonglent avec plusieurs taux depuis que la livre a commencé à décrocher et que les restrictions mises en place unilatéralement par les banques ne sont pas réglementées. Lors d’un autre entretien dans les médias fin novembre, Riad Salamé avait affirmé avoir sollicité en 2019 « par écrit » une « couverture politique » pour mettre en place un contrôle formel des capitaux, une requête restée lettre morte selon lui.

L’aide nécessaire

Autre information transmise par celui qui est considéré comme l’un des responsables de la crise par une partie de l’opinion et de la classe politique, laquelle de l’avis quasi général est tout aussi impliquée dans la déconfiture libanaise : le Liban aurait besoin de « 12 à 15 milliards de dollars pour relancer son économie ». Riad Salamé a ajouté que « la quote-part du Liban au Fonds monétaire international (FMI) est de 4 milliards de dollars », mais d’autres pays ou des institutions financières pourraient contribuer à aider le Liban à atteindre la somme indiquée. Le gouverneur n’a pas précisé toutefois comment serait employée l’enveloppe, ni quelle portion servirait à combler une partie des pertes financières du pays qui sont beaucoup plus élevées.

Le Liban a sollicité l’institution au printemps 2020 pour tenter d’obtenir une aide financière. Une première tentative de faire avancer les discussions a échoué en juillet de la même année, principalement en raison d’un désaccord entre le gouvernement de Hassane Diab d’un côté, les banques, la BDL et certains députés de l’autre sur le montant des pertes financières du pays et l’approche pour les absorber. Ces discussions ont été relancées par le gouvernement de Nagib Mikati formé en septembre, mais ne semblent pas pour l’instant avoir enregistré de progrès significatifs.

Sauf inconnue, le montant de l’aide avancé par le gouverneur est inférieur à celui qu’avait mis en avant le gouvernement Hassane Diab dans son plan de redressement adopté fin avril et qui a servi de base à la première salve de discussions avec le FMI. Préparé avec l’aide du cabinet Lazard mandaté à cette fin, le plan avait estimé les besoins du pays à 10 milliards de dollars étalés sur cinq ans, une enveloppe à laquelle devraient s’ajouter les plus de 11 milliards de prêts et dons réservés lors de la conférence de Paris d’avril 2018 (CEDRE) pour réhabiliter les infrastructures du pays et dont le gouverneur ne semble pas tenir compte dans ses calculs.

Des financements externes

Autre remarque : en mai 2020, Garbis Iradian, l’ancien cadre du FMI et actuel économiste en chef pour la zone du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord de l’Institut de la finance internationale, avait assuré que le Liban pouvait espérer obtenir du Fonds entre 4,35 et 8,7 milliards de dollars pour une période de 3 à 4 ans, dans le cadre du mécanisme élargi de crédit (MEDC). Sur son site, le FMI précise lui que les emprunts annuels contractés dans le cadre du MEDC sont plafonnés à hauteur de 145 % de la quote-part du pays emprunteur. Selon nos calculs et compte tenu que la quote-part du Liban atteint 633,5 millions de dollars en droits de tirage spéciaux (0,13 % du total), le Liban pourrait ainsi obtenir 1,35 milliard de dollars par an, soit 5,4 milliards sur maximum quatre ans selon les conditions standards du FMI. Une somme que le Liban devrait ensuite rembourser, avec intérêts, sur une période allant de 4 ans et demi à 10 ans.

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Contacté, le directeur du département de recherche de Byblos Bank, Nassib Ghobril, a jugé l’enveloppe cohérente et a considéré qu’un accord avec le FMI ouvrirait effectivement la voie à d’autres financements externes. « La priorité, c’est de se focaliser sur la relance de la croissance en même temps que sur la mise en œuvre des réformes nécessaires pour assainir le pays », a-t-il expliqué, ajoutant que ces actions « redonneraient confiance » dans le pays et ses institutions, un prérequis incontournable pour favoriser un retour des investisseurs.

L’économiste Jean Tawilé juge pour sa part qu’il faudrait majorer le montant avancé par le gouverneur pour pouvoir à la fois piloter un effort de relance tout en donnant les moyens à la BDL d’intervenir sur le marché des changes pour empêcher les fluctuations « excessives » de la livre, ainsi qu’assurer le financement de la mise en place d’un filet de sécurité sociale pour les citoyens, alors que 74 % des résidents vivent sous le seuil de pauvreté selon l’Escwa.

Le montant des réserves

Le gouverneur a aussi fourni le montant mis à jour des réserves de devises dont dispose encore la banque centrale, évoquant une somme de 14 milliards de dollars environ, dont 12,5 milliards de dollars de réserves obligatoires appartenant aux banques – et que l’institution n’est pas supposée utiliser librement, même si certains experts pensent le contraire – ainsi que 1,5 milliard de « surplus », selon les termes de l’AFP pour maintenir le système de subvention pour « six à neuf mois » supplémentaires. Riad Salamé a de plus indiqué que les réserves de devises avaient baissé de 50 % depuis le début de la crise en 2019, toujours selon la retranscription de l’agence.

Le montant des réserves rapporté par le gouverneur interpelle dans la mesure où, selon les chiffres publiés sur le site de la Banque du Liban, celles-ci auraient atteint à fin novembre 13,2 milliards de dollars (sans compter les 5,03 milliards de dollars correspondant à la valeur des eurobonds, les titres de dette en devises sur lesquels l’État a fait défaut en mars 2020). La proportion de réserves obligatoires n’est habituellement pas communiquée. En retranchant 12,5 milliards du total à fin novembre, la BDL ne disposerait en réalité plus que de 700 millions de dollars de surplus, sauf une rentrée d’argent qui n’aurait pas encore été rapportée publiquement. Pour rappel, le FMI a alloué au Liban l’équivalent d’environ 1,13 milliard de dollars de droits de tirage spéciaux que le pays a réceptionnés le 16 septembre dernier dans le cadre d’une procédure qui n’a aucun lien avec la demande d’assistance financière.

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Pour Nassib Ghobril, la baisse des réserves et des dépôts en devises s’explique notamment par la mise en œuvre de la circulaire n° 158 du 8 juin 2021, à travers laquelle la banque centrale a autorisé les déposants qui font face aux restrictions bancaires à retirer 400 dollars en espèces par mois et l’équivalent de cette somme en livres à 12 000 livres pour un dollar. Il a rappelé que cette circulaire avait également décidé de faire passer le ratio des réserves obligatoires de 15 % à 14 % des dépôts clients en devises détenus par les banques, ainsi que l’impact du programme de subventions dont ont bénéficié les importateurs de plusieurs produits depuis octobre 2019 et qui ont été presque totalement supprimées en 2021.

Des points également évoqués par Jean Tawilé, qui ajoute dans cette liste l’impact de « la lirification des dépôts » via les dispositifs des circulaires n° 148 et n° 151 adoptées les 4 et 21 avril 2020 et qui ont autorisé les déposants à retirer des devises, bloquées par les banques, en livre à un taux supérieur à la parité officielle, mais qui a toujours été inférieur à celui atteint par la monnaie sur le marché parallèle. Le taux de retrait de la circulaire n° 151 a récemment été doublé (passant de 3 900 à 8 000 livres pour un dollar, ce qui a coïncidé avec une nouvelle phase de décrochage de la livre). Jean Tawilé insiste enfin sur l’impact « catastrophique » du programme de subvention.

Interrogé sur les poursuites judiciaires au Liban et en Europe engagées à son encontre – pour des faits relevant du blanchiment d’argent notamment –, le gouverneur a enfin affirmé que les plaintes étaient fondées sur des informations fournies par des Libanais « pour des raisons politiques, idéologiques ou liées à certains intérêts » sans toutefois les citer.

Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, s’est une nouvelle fois exprimé publiquement hier pour commenter la crise que traverse le pays depuis deux ans, moins d’un mois après sa dernière intervention dans les médias. Dans un entretien accordé cette fois-ci à l’AFP, le haut responsable a communiqué certaines informations, sans pour autant faire la lumière sur les...

commentaires (7)

J’exige le retour de notre dépôt - en USD comme dans un pays civilisé!!! Merci

Rita Selouan

08 h 31, le 23 décembre 2021

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Commentaires (7)

  • J’exige le retour de notre dépôt - en USD comme dans un pays civilisé!!! Merci

    Rita Selouan

    08 h 31, le 23 décembre 2021

  • C’est toujours pratique d’avoir un bon bouc émissaire n’est-il pas? Par contre, quand on accuse la gabegie des ministères et des caisses variées par laquelle l’argent a financé les partis et la paix sociale, après la soi-disant ‘guerre civile’, plus personne, pouf! Ce pourrait-il parce que nombre des lecteurs en auraient finalement profité? Chut.

    Mago1

    02 h 39, le 23 décembre 2021

  • Et nos dépôts ?????

    Wow

    14 h 15, le 22 décembre 2021

  • le Liban aurait besoin de « 12 à 15 milliards de dollars pour relancer son économie ». Riad Salamé ce monsieur SALAME se trompe : le Liban a plutot besoins des hommes et des femmes patriotes honnettes que d argent pour relancer son économie

    barada youssef

    13 h 08, le 22 décembre 2021

  • Mais bien sûr, le Génie de la Finance a parlé. Heureusement que la présomption d’innocence existe en Europe car vu le nombre de procédures judiciaires a l’encontre de notre cher gouverneur de la BdL, il aurait du être à Fleury Merogis ou à La Santé dans le quartier des grands délinquants financiers. En mettant un nouveau taux du dollar à 12.000LL par exemple, le montant des frais de douanes, les factures d’internet, les factures de téléphonie mobile et fixe, les tarifs d’EdL…. Vont tous être multipliés par 8. Par contre, les banques maintiendront leurs restrictions à tous les niveaux. En tant que Génie du Mal, on ne fait pas mieux. Bien sûr l’OLJ va à nouveau me censurer comme mon précédent commentaire

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 37, le 22 décembre 2021

  • Des criminels millionnaires a nos dépends. ou est notre LL auj ?!? et nos dépôts dans les banques criminelles?

    Marie Claude

    09 h 47, le 22 décembre 2021

  • TOUS LES MEMES ANES AUX TRES LONGUES OREILLES ET AUX BOITES CRANIENNES PLEINES D,AVOINE DES MEMES ETABLES ET QUI ONT DETRUIT LE PAYS ENCORE EN PARADE. LIBANAISES, LIBANAIS, CHASSEZ-LES TOUS SANS AUCUNE EXCEPTION.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 45, le 22 décembre 2021

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