En dépit du ton réprobateur de Michel Aoun, pour le tandem chiite Amal-Hezbollah, l’heure n’est pas (encore) aux concessions. Les deux alliés persistent et signent dans leur détermination à bloquer l’action gouvernementale tant qu’ils n’auront pas obtenu gain de cause dans l’affaire Tarek Bitar. Contrairement à Michel Aoun, pour eux, sauver ce qui peut encore l’être du mandat présidentiel n’est pas la priorité. Le chef de l’État, quant à lui, et à dix mois de la fin du sexennat, semble jouer le tout pour le tout. Pour arriver à ses fins, il est prêt à se mobiliser sur tous les fronts face à ses adversaires, mais aussi et surtout… ses alliés. « Je suis pour la convocation d’un Conseil des ministres, même s’il sera boycotté », a lancé mardi le président devant une délégation de l’ordre des rédacteurs de la presse. Il s’agit de la toute première fois que le locataire de Baabda s’oppose aussi clairement à la volonté de son allié, le Hezbollah, acteur-clé de la paralysie de l’exécutif depuis le 12 octobre. À travers ces propos, Michel Aoun a d’abord tenté de pousser le Premier ministre Nagib Mikati à prendre l’initiative et réunir son équipe sans attendre un accord politique élargi qui semble encore loin. Ensuite, il a clairement imputé la responsabilité de la léthargie gouvernementale à son principal adversaire sur la scène politique, le chef du législatif Nabih Berry, mais aussi au Hezbollah, son allié de longue date. Par ses propos, le président élargit le fossé avec le parti de Hassan Nasrallah, avec lequel les rapports ne sont pas au beau fixe depuis plusieurs mois. Les mésententes entre les deux camps sont audibles sur plusieurs dossiers, dont le drame du 4 août 2020 et les législatives de 2022. « Le président adressait, mardi, des messages à tout le monde : au chef du gouvernement, au mouvement Amal, au Hezbollah… bref, à tous les protagonistes », commente pour L’Orient-Le Jour un proche de Baabda. « Il y a un gouvernement en titre qui a obtenu la confiance de la Chambre. Il devrait donc se réunir, surtout que plusieurs échéances financières guettent le pays en période de fin d’année », ajoute-t-il.
Un coup d’épée dans l’eau
Sauf que l’escalade verbale pour laquelle a opté M. Aoun pourrait s’avérer être un coup d’épée dans l’eau, tant les protagonistes concernés campent sur leurs positions. « Le chef du gouvernement ne convoquera pas à un Conseil des ministres avant de trouver le climat politique propice à une telle démarche », affirme à L’OLJ Ali Darwiche, député de Tripoli, affilié au bloc parlementaire de Nagib Mikati. Une prise de position qui ne surprend pas de la part du Premier ministre réputé pour privilégier le compromis et maîtriser l’art d’arrondir les angles. Un Premier ministre qui ne veut, en outre, surtout pas se mettre à dos le tandem chiite. « Nous comprenons l’attitude de M. Mikati, mais pas au point (de tolérer) le blocage du pays », commente le proche de Baabda cité plus haut.
Ce temps mort, le chef du gouvernement le met à profit pour réunir des comités ministériels afin de « défricher le terrain devant plusieurs décisions que le cabinet devrait prendre une fois le Conseil des ministres réuni », explique M. Darwiche, dans ce qui sonne comme une réponse à ceux qui accusent Nagib Mikati de « marginaliser » le chef de l’État des développements locaux, notamment en ce qui concerne les négociations avec le Fonds monétaire international.
Chez le tandem chiite, la position n’a pas changé d’un iota : il faut régler l’affaire Bitar d’abord. « Si le gouvernement est actuellement bloqué, ce n’est pas la faute d’Amal et du Hezbollah, mais de celui qui a porté atteinte aux prérogatives du Parlement », déclare à L’OLJ un ministre proche du Hezbollah. Il lançait ainsi une pique en direction de Tarek Bitar, l’accusant implicitement d’empiéter sur les prérogatives du législatif pour ce qui est des poursuites contre des responsables politiques devant la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. Même son de cloche du côté d’un député berryste qui a requis l’anonymat. « Tarek Bitar ne respecte ni la Constitution ni les lois en vigueur, ce qui suscite des interrogations sur son travail », dit-il. Et de poursuivre : « La solution est très simple. Il faut appliquer la Constitution et déférer les responsables politiques devant la Haute Cour. »
Le nœud Bitar reste donc entier, surtout que Michel Aoun et Nagib Mikati convergent sur la nécessité de ne pas s’ingérer dans l’action du judiciaire, en vertu du principe de séparation des pouvoirs. « Le président de la République ne peut pas enfreindre la Constitution. Que le président de la Chambre convoque à une séance plénière pour que le législatif se saisisse de l’affaire », lance le proche du palais de Baabda.
Bloquer l’action de la Chambre ?
Ce durcissement des positions de la part des protagonistes concernés par la relance de l’exécutif ne peut être dissocié du bras de fer opposant Michel Aoun et son camp au président de la Chambre. Un duel dont une nouvelle phase pourrait bien s’ouvrir après le 31 décembre, date de l’expiration de la session ordinaire du Parlement. Face au blocage de l’action du cabinet, certains observateurs estiment que Michel Aoun pourrait jouer la carte de la paralysie de la Chambre, en ne signant pas le décret ouvrant une session extraordinaire du Parlement, une compétence discrétionnaire que lui accorde l’article 33 de la Constitution. Dans le contexte politique actuel, une telle démarche pourrait bien permettre l’exécution du mandat d’arrêt émis par Tarek Bitar à l’encontre de Ali Hassan Khalil, bras droit de M. Berry, qui ne peut pas être inquiété en période de session parlementaire. « Nous n’en sommes pas encore là », se contente de commenter le proche de Baabda.
Michel Aoun n'a pas besoin d'être sauvé. C'est la sauveur, l'homme providentiel qui permet au Liban de connaître sa plus belle période. Heureusement qu'il nous guide vers le plein emploi, l'attractivité économique. De toute façon il n'a que des alliés car son efficacité ne peut souffrir de réserves
16 h 53, le 16 décembre 2021