« Je suis prêt à me rendre à pied à Baabda s’il y a une volonté sérieuse de trouver des solutions », « Voilà ce qui s’est passé le 22 novembre dernier dans la voiture présidentielle », « 99 % de nos problèmes sont purement internes »... Autant de phrases fortes lancées hier par le président de la Chambre Nabih Berry devant les membres du conseil de l’ordre des rédacteurs, présidé par Joseph Kossaïfi.
D’abord en ce qui concerne les élections législatives, M. Berry a assuré, comme l’avait fait le président Michel Aoun la veille, que le scrutin se tiendra dans les délais constitutionnels, que ce soit le 27 mars ou au début du mois de mai. Il a affirmé n’avoir entendu personne dire vouloir le report des élections. Il a ainsi minimisé le conflit entre son camp et celui du président au sujet des dates, en précisant que l’essentiel c’est que les élections se tiendront dans les délais constitutionnels. Alors que le chef du mouvement Amal, soutenu par d’autres formations politiques, souhaite que les élections se déroulent le 27 mars, date approuvée par le Parlement, le camp aouniste préfère que le scrutin se tienne le 8 ou le 15 mai. Une querelle de clocher qui a fini par donner l’impression que toute cette mise en scène futile dissimule une volonté de reporter ou d’annuler l’échéance pour maintenir le statu quo, ou encore de conclure un marché politique autour de concessions sur la date du scrutin d’une part et l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth d’autre part. Interrogé d’ailleurs sur le conflit latent entre lui et le chef de l’État, qui rejaillit sur toutes les institutions, Nabih Berry a raconté ce qui s’est passé le 22 novembre dernier, lorsque M. Aoun l’a invité à monter en voiture avec lui, après la cérémonie militaire à l’occasion de la fête de l’Indépendance, pour se rendre au palais présidentiel. Selon lui, l’entretien s’était très bien déroulé et ils s’étaient entendus sur une démarche à suivre. Au moment de descendre, M. Aoun lui avait dit : « C’est à refaire. » Cela montre bien que de son côté, il n’y a aucune rancœur et qu’il est prêt à coopérer, a-t-il estimé.
« La Constitution est claire »
« Je suis prêt à me rendre à pied au palais de Baabda pour rencontrer le président de la République, si je vois des signes positifs pour trouver une solution à la crise que nous vivons », a encore lancé M. Berry, au lendemain d’un appel du président Aoun au gouvernement pour se réunir, malgré le boycott observé par les ministres chiites d’Amal et du Hezbollah. Les deux formations chiites s’opposent à l’enquête sur le drame du port, menée par le juge Tarek Bitar qui poursuit des députés et ex-ministres de tous bords, dont certains affiliés à Amal. Ils refusent de prendre part aux réunions du cabinet de Nagib Mikati avant que cette question ne soit tranchée. Contrairement à M. Aoun, M. Mikati préfère obtenir une entente politique élargie entre les différentes forces politiques, avant de réunir à nouveau son équipe. Abordant ce dossier, M. Berry a formellement démenti le fait qu’Amal et le Hezbollah veulent déboulonner le juge Bitar. Il a rappelé que le patriarche maronite lui avait rendu visite en lui demandant de contribuer à trouver une solution pour l’affaire du ministre Georges Cordahi et la reprise des réunions du Conseil des ministres. Une formule avait été trouvée consistant principalement à appliquer la loi qui défère les ministres et présidents devant le Parlement. Le patriarche s’était ensuite rendu au Sérail puis à Baabda et tout le monde semblait d’accord, mais le lendemain, tout a changé, raconte-t-il. Interrogé sur la raison de ce changement, M. Berry a répondu : « Il faut voir les salles sombres qui dirigent les opérations... ».
Selon lui, la Constitution est claire au sujet de la compétence de la Haute Cour du Parlement pour juger les présidents, ministres et députés. M. Berry a lancé d’ailleurs un appel au président du Conseil supérieur de la magistrature pour qu’il tranche cette question. Le président de la Chambre a insisté sur le fait que 99 % de nos problèmes actuels sont locaux. « Ils ne sont pas arrivés en quelques jours, mais en plusieurs années, depuis l’adoption de l’accord de Taëf », a-t-il dit. Et de lancer : « On sait d’ailleurs qui était opposé à cet accord et qui n’a pas appliqué la Constitution et les lois. Hélas 75 lois ne sont pas appliquées, non seulement sous ce mandat mais aussi sous les précédents. » Selon lui, l’accord de Taëf (adopté en 1989 pour mettre fin à la guerre civile) a ouvert la voie au changement. « Il y a peut-être quelques remarques à faire mais au moins, il a eu le mérite d’arrêter les combats et de régler plusieurs questions litigieuses entre les Libanais », a-t-il estimé. Et de poursuivre : « Ce n’est pas un livre sacré, a-t-il déclaré. On peut l’améliorer, mais cela doit se faire dans le cadre d’une entente entre les Libanais. » M. Berry a en outre estimé que le Liban « n’est pas en faillite ». « Il est toutefois dans la situation d’une personne qui possède des biens mais n’a pas de liquidités », a-t-il ajouté. Il a insisté sur le fait qu’il y a sûrement d’importantes ressources naturelles au large des côtes libanaises, notamment dans le bloc 9. Mais, selon lui, comme le Liban a tardé à faire les démarches nécessaires, il lui faut désormais 5 ou 6 ans pour pouvoir profiter de ses ressources. L’autre trésor du Liban, c’est selon lui la diaspora qui, même après 2019, a continué à envoyer des recettes entre 1,2 et 6 milliards de dollars par an. « Quelques milliardaires libanais dans le monde pourraient combler les dettes du Liban, a-t-il fait remarquer. Mais il faut pour cela gagner leur confiance. »
Malak el calcul el istèz berri...
14 h 21, le 16 décembre 2021