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Moyen-Orient - Société

Les exécutions de femmes en Iran révèlent l’aveuglement de la justice, dénoncent des militants

Les exécutions de femmes en Iran révèlent l’aveuglement de la justice, dénoncent  des militants

L’affiche du film « Le diable n’existe pas » de Mohammad Rasoulof, vainqueur de l’Ours d’or 2020, à Berlin.

Les exécutions de femmes en Iran, le plus souvent pour le meurtre de leur conjoint ou partenaire, révèlent l’aveuglement du système judiciaire et le poids du patriarcat, affirment des militants des droits humains.

Chaque année, une dizaine d’entre elles sont ainsi exécutées par pendaison, d’après les organisations de défense des droits humains. Selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, qui en a recensé au moins 15 cette année, et 170 depuis 2010, une des dernières en date était Susan Rezaeipour, exécutée le 27 octobre pour le meurtre de son mari – qui était aussi son cousin, après avoir passé six ans en prison.

Le père de la victime, qui était son oncle maternel, lui a refusé son pardon, a précisé IHR. Une source a indiqué à l’ONG que dans ses aveux elle avait affirmé que son mari se saoulait tous les jours avant de la battre, ce qu’elle « ne pouvait plus supporter ».

En vertu de la charia en vigueur sous la République islamique, la peine de mort est systématiquement prononcée en cas de meurtre, à moins que la famille de la victime n’accorde son pardon ou n’accepte le « prix du sang ». Aucune circonstance atténuante ne peut donc être prise en compte par la justice.

Or « le nombre de femmes exécutées révèle pour nous beaucoup d’autres problèmes très inquiétants », souligne Mahmoud Amiry Moghaddam, directeur de l’IHR. « Il y a des cas de relations abusives dont la femme ne pouvait sortir, de mariages d’enfants, ou de situations où des femmes étaient mariées à titre de réconciliation entre tribus », détaille-t-il.

Un des cas récents les plus notables est celui de Reyhaneh Jabbari, 26 ans, condamnée à mort pour le meurtre d’un ancien employé du ministère des Renseignements et pendue en octobre 2014. Elle l’a poignardé pour se défendre alors qu’il tentait de l’agresser sexuellement, s’était-elle toujours défendue.

À l’époque, l’expert spécial de l’ONU sur l’Iran, Ahmad Shaheed, avait déploré que sa condamnation ait été fondée sur des aveux obtenus sous la contrainte, voire « la torture ». Mais la famille de la victime avait insisté pour qu’elle soit exécutée à moins qu’elle ne renonce à plaider la légitime défense.

Très vulnérables

Les femmes condamnées à mort « subissent le poids du patriarcat, c’est sur ces discriminations qu’il est important de mettre un accent », déclare Julia Bourbon Fernandez, coordinatrice Afrique du Nord et Moyen-Orient pour l’ONG Ensemble contre la peine de mort (ECPM). Parmi elles, « la majorité soit ont pu se défendre contre des tentatives de viols domestiques, soit se trouver dans un contexte global de violences », ajoute-t-elle. La plupart des accusées dans ce genre d’affaires appartiennent aux classes sociales les plus marginalisées, selon les activistes.

« Elles sont souvent pauvres et rejetées par leur propre famille. Elles sont donc très vulnérables », explique Roya Boroumand, cofondatrice du centre Abdorrahman Boroumand à Washington. Le centre a recensé plus de 100 cas de femmes exécutées pour meurtre ou adultère depuis l’avènement de la République islamique en 1979. Ces affaires « sont en général liées à des faits de violences domestiques, mariages précoces et la difficulté de divorcer », indique-t-elle.

Au nombre des discriminations figurent aussi certains fondements du système judiciaire, dénoncent les activistes. L’âge de la responsabilité pénale pour une fille est neuf ans, contre quinze pour un garçon, tandis que le témoignage d’une femme n’a pas légalement le même poids que celui d’un homme.

Au-delà de la situation spécifique des femmes, la peine de mort en Iran inquiète les défenseurs des droits humains. Le pays est le deuxième au monde en nombre d’exécutions, derrière la Chine, avec 246 en 2020, selon Amnesty International.

Mais depuis quelques années, la société iranienne se montre de plus en plus hostile à la peine capitale, avec un « mouvement très favorable à l’abolition, qui contraste totalement avec le pouvoir », se félicite Julia Bourbon Fernandez. Ce courant se traduit par des films iraniens comme Le diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof, vainqueur de l’Ours d’or 2020, à Berlin, par l’engagement d’intellectuels ou le hashtag « edam nakon » (« n’exécutez pas ») devenu viral en Iran comme à l’étranger.

Stuart WILLIAMS/AFP

Les exécutions de femmes en Iran, le plus souvent pour le meurtre de leur conjoint ou partenaire, révèlent l’aveuglement du système judiciaire et le poids du patriarcat, affirment des militants des droits humains.Chaque année, une dizaine d’entre elles sont ainsi exécutées par pendaison, d’après les organisations de défense des droits humains. Selon l’ONG Iran Human Rights (IHR),...

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