Internet : la BDL a-t-elle informé le gouvernement qu’elle ne pouvait « plus payer la facture » ?

C’est dans un message au ton assez léger que l’ex-responsable des relations diplomatiques au sein du Courant patriotique libre Michel de Chadarevian a relayé sur son compte Facebook, vers 18h30, une information selon laquelle la Banque du Liban venait d’informer le gouvernement qu’elle avait « cessé de régler les factures d’abonnement internet du Liban aux sociétés étrangères ». Ajoutant que cette dernière aurait affirmé qu’elle « n’avait plus de quoi payer la facture » et que certains prestataires avaient appelé le pays à régler ses « cotisations », l’ancien conseiller diplomatique a également assuré qu’Ogero, l’office chargé de gérer la téléphonie et de l’internet fixe au Liban, avait prévenu qu’internet serait coupé « dans toutes les régions du Liban » si les paiements demandés n’étaient pas effectués.

Seulement voilà : dans l’heure qui a suivi, le ministre des Télécoms Johnny Corm a démenti dans les médias ces informations qu’il a qualifiées « d’infondées », assurant que la Banque du Liban n’avait pas fait une telle annonce et qu’internet ne serait pas coupé. Contacté, le service de presse d’Ogero n’a pas fait de commentaire, attendant d’« en savoir plus sur l’origine de ces déclarations » avant de se prononcer. Celui de la BDL n’a pas non plus réagi.

Vieille histoire

Enfin, une source bien au fait du fonctionnement des réseaux de télécommunications au Liban a invalidé les propos de Michel de Chadarevian qui « déforment la réalité de la situation », selon lui. « Tout d’abord, il faut savoir que le Liban a payé ce qu’il devait à ses fournisseurs d’accès pour 2021, et que les interrogations qui concernent sa capacité à honorer ses engagements pour les années à venir ne datent pas d’hier. Il n’y a donc pas de coupure à craindre jusqu’à la fin de l’année dans le pire des cas » explique-t-elle.

« Le second point, c’est que la BDL souhaite qu’Ogero amende ses tarifs, qui sont encore fixés en tenant compte de la parité officielle de 1507,5 livres pour un dollar, soient majorés. Or le ministère semblait peu enclin à majorer les tarifs jusqu’ici. La BDL a fini par envoyer un courrier officiel il y a une dizaine de jours demandant à ce qu’Ogero transfère à la BDL les montant en livres devant couvrir ses dépenses en dollars, mais en les calculant en tenant compte du taux de la plateforme de change Sayrafa (la plateforme de change mise en place par la BDL, et qui était de 23 000 livres pour un dollar hier soir contre 29 000 sur le marché des changes, NDLR) », a détaillé la source. « Concrètement, cela veut dire que le ministère va devoir ou est déjà en train de plancher sur une nouvelle grille tarifaire tenant compte de ces paramètres », a-t-elle conclu, sans pouvoir fournir davantage de précisions mais faisant le parallèle entre ces tarifs réduits et les mécanismes de subvention sur les importations qui ont presque été tous supprimés cette année.

Ce n’est pas la première fois que le sujet aura été évoqué. En effet, le président de la commission parlementaire des Télécoms, le député Hezbollah Hussein Hajj Hassan, l’avait également abordé lors d’une réunion consacrée au sujet. Le député avait notamment indiqué que le pays se « dirigeait vers un arrêt des paiements de la BDL » pour régler la facture d’internet, assurant qu’il restait « 400 000 dollars » à régler sur un total de « 6 millions de dollars par an », sans préciser de quel exercice il parlait, du moins selon les retours de l’Agence nationale d’information. Le député a également évoqué le fait que la BDL exigerait que la contrepartie en livres des factures en dollars liées au fonctionnement d’internet dans le pays soit calculée en tenant compte du taux de Sayrafa.