Rechercher
Rechercher

La guerre de l’absurde

Rabibochés vraiment, le Liban en loques et cette richissime Arabie saoudite dont la contribution demeure essentielle à tout effort de redressement financier de notre pays ?


Nos dirigeants auraient bien tort de dormir sur la brassée de lauriers que ramenait, il y a une semaine de Djeddah, le président français Emmanuel Macron. Pour draconiennes que soient les conditions posées à toute normalisation effective des relations avec ce royaume, le Liban est tenu de montrer, pour le moins, qu’il s’y attelle avec le plus grand sérieux. Qu’il a retenu les dures leçons du passé. Que le pot de terre ne se laissera plus jamais embarquer dans une trajectoire de collision assurée, inévitable, avec le pot de fer plaqué or : folle équipée, aventure en tout point suicidaire, même si les Saoudiens, de leur côté, ont plus d’une fois répondu à l’absurde par encore plus absurde.


Mais de quel Liban parle-t-on, au fait ? La crise avec l’Arabie n’est qu’une des nombreuses illustrations du divorce consommé entre l’État et la réalité, l’essence, la vocation, les intérêts bien compris du pays. Des années de diplomatie outrageusement complaisante pour l’Iran nous ont seulement valu la stupeur et puis la désaffection, le désintérêt et, en l’occurrence, la colère de notre environnement arabe. Tous ces ravages, le Premier ministre s’évertue en ce moment à les réparer, encore que la tâche requiert bien davantage que ses ardentes protestations de fidélité à la grande famille arabe. Mais c’est surtout au Liban profond, à ses sentiments, à ses aspirations, à sa nostalgie d’une tradition d’excellence diplomatique respectée de tous, que doit fidélité tout rééquilibrage concret, visible, évident, de la politique étrangère libanaise. Non moins salutaire – pour l’image même du Liban, comme pour une normalisation des relations avec Riyad – serait une impitoyable campagne policière visant ces laboratoires semi-clandestins (car parfaitement répertoriés et localisés ) qui inondent l’Arabie de captagon.


Mais le bouillant MBS, lui, a-t-il fait preuve de sagacité, de doigté et de longue vue dans son traitement d’une crise qui n’a cessé de s’envenimer au fil des ans, sans autre bénéfice pour le royaume ? Lors de ce sidérant épisode que fut la séquestration d’un chef de gouvernement libanais en exercice, le prince héritier d’Arabie a commencé par décapiter proprement, sans grand espoir de reconstitution, une clientèle politique sunnite qui lui était traditionnellement acquise. Croyant sévir contre les autorités de Beyrouth, c’est le Liban tout entier qu’il a sanctionné durement en boycottant ses produits, joignant ainsi le contre-productif à l’irréfléchi.


C’est entendu, les Saoudiens peuvent très bien survivre en se privant des belles pommes de nos montagnes. Mais ils ont été à deux doigts de pousser encore plus loin dans le giron de Téhéran ces otages, volontaires ou non, du Hezbollah qui président à nos destinées. Ils ont paru valider, du même coup, l’extravagante thèse milicienne d’un siège multinational visant à soumettre notre pays aux volontés des États-Unis et d’Israël. Ils ont failli jeter le bébé avec l’eau du bain. Qui, mieux que la marraine française, pouvait-il y mettre le holà ?


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Rabibochés vraiment, le Liban en loques et cette richissime Arabie saoudite dont la contribution demeure essentielle à tout effort de redressement financier de notre pays ? Nos dirigeants auraient bien tort de dormir sur la brassée de lauriers que ramenait, il y a une semaine de Djeddah, le président français Emmanuel Macron. Pour draconiennes que soient les conditions posées à toute...