Si elles n’ont rien d’inédit, les conditions concernant le Liban posées conjointement par le président Français Emmanuel Macron et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane, lors de leur rencontre samedi dernier à Djeddah, ont au moins le mérite d’afficher clairement leur caractère difficile à mettre en œuvre, vues du côté libanais. Le Premier ministre Nagib Mikati, avec qui les deux hommes se sont entretenus par téléphone à l’occasion de ce sommet – un choix bien plus simple pour Riyad que celui de parler au chef de l’État, Michel Aoun –, a été en quelque sorte désigné par les deux pays pour assumer l’exécution de cette feuille de route dont plusieurs des volets sont à portée géopolitique. Le chef du gouvernement, qui n’arrive toujours pas à réunir son équipe depuis la crise suscitée par le Hezbollah sur fond de divergences autour de l’enquête sur l’explosion du port, pourra-t-il s’engager à exécuter toute la panoplie d’exigences définies à Riyad pour éventuellement rétablir ses relations diplomatiques avec Beyrouth ? La réponse semble s’imposer d’elle-même. Comment Nagib Mikati pourra-t-il s’attaquer à des dossiers aussi explosifs que celui des armes du Hezbollah ? Samedi dernier, M. Macron a effectué une percée en obtenant de MBS que le Liban, contre lequel le royaume a pris des mesures punitives après les propos polémiques du ministre de l’Information Georges Cordahi – qui a depuis présenté sa démission – sur la guerre au Yémen, puisse obtenir une seconde chance, du moins sur le plan humanitaire. Lors de sa visite à Djeddah, le président français avait en effet annoncé une initiative en faveur du Liban, comprenant la création d’un « mécanisme de soutien humanitaire franco-saoudien » qui serait financé par l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe, en plus d’un engagement sur la restauration des relations entre Beyrouth et Riyad. Les deux hommes ont défini toute une feuille de route pour que le pays du Cèdre puisse se racheter aux yeux de l’Arabie, mais aussi auprès de l’ensemble des pays du Golfe, voire même de la communauté internationale. Au menu de ce qui est attendu de M. Mikati, et par extension de la classe dirigeante libanaise, le respect de la Constitution de Taëf, le monopole des armes par l’État, le renforcement du rôle de l’armée, le respect des résolutions internationales, la lutte contre la corruption et le trafic de drogue et l’introduction des réformes pour redresser l’économie et l’état des finances du pays. Bref tout ce que les gouvernements successifs depuis plus d’une décennie n’ont jamais réussi à accomplir. « Le chef du gouvernement était dès sa nomination conscient de la difficulté de sa mission et de ce qui l’attendait. Il avait reconnu que le chemin était long et difficile », justifie Ali Darwiche, député alaouite du bloc parlementaire du Premier ministre. Dans les milieux du chef du gouvernement, on souligne que le Premier ministre n’a pas attendu Paris ou Riyad pour prendre conscience des multiples obstacles qui empêchent les solutions aux crises endémiques du Liban, et qu’il a commencé à s’atteler aux solutions qui sont à sa portée.
Pour la défense du chef du gouvernement, on avance encore dans ses milieux l’idée qu’un règlement des problèmes libanais prendra des mois, voire même des années, le chef du gouvernement ne détenant pas de baguette magique pour ressusciter le pays et le sortir du gouffre dans lequel il est enfoncé. Si Nagib Mikati peut s’acquitter de son rôle de réformateur sur le plan interne et en ce qui concerne les dossiers qu’il peut plus ou moins maîtriser, la situation est quelque peu différente dès que l’on soulève les obstacles d’ordre géostratégique, assurent ses proches. En premier, les armes du Hezbollah et la question de la souveraineté du Liban accusé par Riyad de dériver de plus en plus vers l’axe iranien. « Même Emmanuel Macron est conscient de ce type de difficultés et a affirmé à plusieurs reprises comprendre la sensibilité de la question libanaise », commente M. Darwiche. « Que personne ne s’attende à une solution imminente », ajoute-t-il.
Réalisme oblige
La totalité des points figurant dans la feuille de route définie à Djeddah dépend étroitement de la bonne volonté du Hezbollah et de sa disposition à lâcher prise sur des questions qu’il considère vitales. « Soyons réalistes : des dossiers tels que la 1559 (résolution onusienne qui prévoit notamment le désarmement du Hezbollah) ou la 1680 (relative à la délimitation des frontières avec la Syrie) dépassent la simple volonté du chef du gouvernement et les moyens qu’il détient », commente Khaldoun Charif, un connaisseur de la politique tripolitaine. La première résolution suppose un contexte international propice et une entente interne qui passe par un dialogue sur la stratégie de défense nationale promise par Michel Aoun, mais jamais mise en œuvre. La seconde, un dialogue avec la Syrie dont les conditions ne sont toujours pas réunies. La solution est aujourd’hui rendue encore plus difficile alors que le gouvernement ne se réunit plus depuis le 12 octobre dernier, soit depuis que le parti chiite a claqué la porte du cabinet, refusant de revenir si le juge d’instruction chargé de l’enquête du port, Tarek Bitar, qui a mis en cause des personnalités proches du parti chiite, n’est pas écarté. Les proches de M. Mikati assurent pourtant qu’en ce qui concerne les questions d’ordre purement interne, ce dernier est en passe de prendre des mesures. Le chef du gouvernement plancherait déjà sur un plan de redressement global comprenant les réformes et les sujets d’ordre financier et budgétaire ainsi que des solutions pour réhabiliter chaque secteur à part.
Depuis que le gouvernement est plongé dans le coma, Nagib Mikati fait cavalier seul et tente d’évacuer, avec les moyens du bord, les dossiers les plus urgents tout en préparant en amont le jour où son cabinet se réunira de nouveau. Cette situation ne sied cependant pas au président de la République qui le harcèle aujourd’hui pour réunir le Conseil des ministres avec les présents, c’est-à-dire sans le Hezbollah. Un saut dans le vide que Nagib Mikati ne fera certainement pas, afin de ne pas se mettre le parti chiite et son allié, le mouvement Amal de Nabih Berry, à dos.
« Nagib Mikati fait son possible pour trouver un certain équilibre. Il fait en sorte d’éviter que la situation ne lui explose à la figure », justifie M. Darwiche avant de rappeler que la sortie de crise n’est pas uniquement du ressort du Premier ministre mais de « l’ensemble des protagonistes ».
Pour d’autres commentateurs, M. Mikati est tout simplement quelqu’un qui est passé maître dans l’art d’arrondir les angles et de trouver des compromis en toutes circonstances. « C’est quelqu’un qui aime éviter les conflits. Lorsque les choses en viennent à déboucher sur une impasse, il fuit et démissionne comme il l’a fait en 2013 », confie Wassim Laham, un professeur universitaire.
Pour l’heure, c’est une seule et unique concession que le Liban pourrait faire à Riyad pour faire preuve de bonne foi et amadouer provisoirement les Saoudiens : sceller les frontières poreuses du pays et empêcher toute forme de contrebande de Captagon, notamment en direction du royaume dont le marché a été inondé par cette drogue acheminée via le Liban. C’est, conviennent plusieurs interlocuteurs politiques, l’unique marge de manœuvre que détient le gouvernement Mikati pour l’instant. Preuve en est la rapidité avec laquelle l’appel de Riyad à ce sujet a été saisi au vol. Dès lundi, soit deux jours après la rencontre Macron-MBS, le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui est immédiatement passé à l’acte, s’engageant à prendre des mesures pour stopper la contrebande depuis le Liban. « Ce qui nous est demandé, c’est de prendre des mesures rapides qui prouvent que le gouvernement remplit ses devoirs en contrôlant les frontières, l’aéroport, le port et tous les points de passage », a déclaré M. Maoulaoui à l’issue d’une réunion présidée par le Premier ministre. Une mesure qui reste maigre eu égard au menu surchargé de devoirs qui incombent à l’État libanais, mais qui ne manquera pas moins de donner une légère satisfaction au royaume wahhabite.
« À la limite, M. Mikati pourra également s’engager officiellement à ne plus tolérer la guerre verbale ciblant l’Arabie saoudite (orchestrée par le Hezbollah) et parrainer une prise de position dans laquelle le Liban s’engage à respecter l’accord de Taëf et son appartenance arabe prévue dans la Constitution », conclut M. Charif.
Ces milliardaires tels Rafic et Saad Hariri ou Mikati, au lieu de jouir de leurs fortunes colossales, courent apres le Pouvoir, qui au risque de perdre sa vie, qui a etre honteusement soumis au diktat d’une milice ille’gale sectaire et retrograde. Le gout du Pouvoir est-il si puissant chez certains Libanais. Demandez donc a michel aoun !
07 h 49, le 14 décembre 2021