Le député et ancien ministre Ali Hassan Khalil au Parlement, le 6 décembre 2021. photo Ali Fawaz / Parlement libanais
Le juge d'instruction libanais Tarek Bitar a repris son enquête sur l'explosion au port de Beyrouth, obstruée par des ingérences politiques, et demandé vendredi l'arrestation immédiate du député et ancien ministre Ali Hassan Khalil, qui refuse d'être interrogé, selon une source judiciaire.
L'enquête sur la gigantesque explosion du 4 août 2020, qui a fait plus de 200 morts, a repris mercredi après plusieurs semaines de pause en raison de poursuites judiciaires contre M. Bitar lancées par des personnalités politiques visées par son enquête.
La justice a rejeté ces poursuites, permettant ainsi au juge de reprendre son travail.
Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités sont accusées par les familles des victimes et des ONG d'ingérence politique pour torpiller l'enquête et éviter des inculpations.
M. Bitar a de nouveau émis un mandat d'arrêt contre l'ancien ministre des Finances Ali Hassan Khalil, bras droit du président du Parlement Nabih Berri, a indiqué à l'AFP une source judiciaire sous couvert d'anonymat. Le juge a demandé "aux services de sécurité son application immédiate", a ajouté cette source.
Il semble cependant improbable que le mandat d'arrêt soit mis en œuvre car le directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI) Imad Osman avait déjà refusé en octobre d'appliquer cette décision. "Le refus d'un appareil de sécurité d'exécuter un mandat d'arrêt constitue un dangereux précédent", a déploré la source judiciaire.
"Si le directeur des FSI n'exécute pas le mandat d'arrêt à l'encontre de Ali Hassan Khalil, il serait susceptible de poursuites pénales qu'engagerait contre lui le parquet de cassation", explique à L'Orient-Le Jour une source judiciaire. Dans un pays où les dirigeants politiques déterminent les nominations judiciaires, y compris dans les plus hautes juridictions, la marge de manœuvre de la justice est réduite.
Indépendance de la justice
Dans ce cadre, Ralph Tarraf, chef de la mission diplomatique de l'Union européenne au Liban, a rappelé dans un tweet, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'Homme, "l'importance de l'indépendance du pouvoir judiciaire qui constitue une condition préalable permettant de garantir les droits et les libertés essentielles sans discrimination".
L'énorme déflagration d'août 2020 a été déclenchée par un incendie dans un entrepôt qui abritait des tonnes de nitrate d'ammonium stockées "sans mesures de précaution", de l'aveu même des autorités. Des responsables politiques de tous bords refusent depuis d'être interrogés par M. Bitar, les partis chiites Amal et Hezbollah et leurs alliés étant les plus critiques envers lui. Ces deux formations, membres du gouvernement, empêchent notamment celui-ci de se réunir afin de faire pression pour obtenir le départ du juge.
Nouveau recours et plainte à l'ONU
Et ces entraves ont pris plus tôt dans la journée la forme d'un nouveau recours pour suspicion légitime contre le magistrat déposé par Youssef el-Maoula, père d'une victime du drame. Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), l'avocat Salman Barakat a déposé le recours de M. Maoula auprès de la 6e chambre pénale de la Cour de Cassation, présidée par Randa Kfoury. Il est reproché au juge Bitar de "retarder l'investigation qui est partiale, car il convoque certaines personnes et détourne les yeux d'autres, entravant ainsi l'enquête judiciaire", rapporte l'agence. Ce recours ne suspend toutefois pas l'enquête du juge Bitar.
Les proches des victimes de la déflagration se sont dernièrement scindés en deux groupes après que leur ancien porte-parole, Ibrahim Hoteit, a réclamé le dessaisissement du juge Bitar, vraisemblablement sous la menace du tandem chiite. Depuis, un groupe s’est rallié à lui alors que la majorité des familles continuent de soutenir le juge Bitar.
L'Ani rapporte en outre que Chafic Merhi, l'ancien directeur des douanes, Badri Daher, directeur général des douanes, et Hassan Koraytem, directeur général de la société chargée temporairement de l'exploitation du port, ainsi que Hanna Farès, directeur des services douaniers, ont déposé une plainte auprès du Groupe de travail sur les détentions arbitraires mandaté par l'ONU. Cette plainte a été déposée à Paris par l'avocate française Rachel Lindon, spécialiste en droit pénal et membre des Barreaux de Paris et de Madrid. Les plaignants affirment "être détenus de manière arbitraire et illégale par le gouvernement libanais". Une quinzaine de personnes, principalement des fonctionnaires, notamment M. Daher, restent en détention depuis un an. Plus d’un mois après la suspension de son enquête, M. Bitar a repris ses fonctions mardi après que la 12e chambre civile de la cour d’appel de Beyrouth, présidée par intérim par Randa Harrouk, a rejeté le recours en dessaisissement présenté à son encontre par l’ancien ministre Youssef Fenianos. Le magistrat a promis le 8 décembre aux proches des responsables détenus de se pencher sur les demandes de libération.
Le juge d'instruction libanais Tarek Bitar a repris son enquête sur l'explosion au port de Beyrouth, obstruée par des ingérences politiques, et demandé vendredi l'arrestation immédiate du député et ancien ministre Ali Hassan Khalil, qui refuse d'être interrogé, selon une source judiciaire.L'enquête sur la gigantesque explosion du 4 août 2020, qui a fait plus de 200 morts, a repris...
commentaires (21)
C'est faux de dire que nos responsables ont failli à leur mission. Ils ont fait ce qu'ils ont toujours pratiqué, à savoir, toucher leur salaire, assister à des réunions où ils peuvent s'empiffrer avec leurs semblables, persévérer dans la négligence et le je m'enfoutisme, en résumé, être eux mêmes. Quand vous lisez que le ministre Ali HASSAN est élu depuis les années 90, vous vous rendez compte? Trente ans au pouvoir er il n'es pas le seul, regardez grand père BERRY qui fait la pluie et le beau temps depuis presque un demi siècle, incapable d'aligner une phrase en Français ou en anglais et capable à n'importe quel moment de bloquer le ,parlement si ca lui chante. Et on est entrain de s'étonner que des ministres indélogeables refusent d'aller devant la justice et qu'un haut responsable sécuritaire refuse de faire son métier pour lequel il a été élu (faire appliquer la loi) et qui est payé par le peuple dont il s'enfiche royalement?
Citoyen
17 h 12, le 11 décembre 2021