
Le président libanais Michel Aoun et recevant la démission écrite du ministre de l’Information, Georges Cordahi (d.), hier, à Baabda. Dalati et Nohra/Handout via Reuters
Plus d’un mois après avoir provoqué par ses propos hostiles à la guerre au Yémen une crise diplomatique avec les monarchies du Golfe, le ministre de l’Information Georges Cordahi a fini par céder. Et le Hezbollah, qui refusait jusque-là de le lâcher, aussi. « J’ai décidé d’abandonner mon poste ministériel, a annoncé cet ancien animateur vedette lors d’une conférence de presse au ministère de l’Information. » « Le moment est venu parce que j’offre quelque chose qui pourrait aider le Liban à sortir de la crise », a-t-il ajouté pour expliquer les raisons qui ont motivé cette décision annoncée à la veille d’une réunion entre le président français Emmanuel Macron, en tournée dans le Golfe, et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. Il a exprimé l’espoir que sa démission puisse « ouvrir une fenêtre (...) pour l’amélioration des relations » du Liban avec l’Arabie saoudite et ses alliés régionaux.
Le ministre a souligné que sa démission, qu’il avait initialement exclue, était devenue inévitable après son entretien avec le Premier ministre Nagib Mikati il y a trois jours. « J’ai compris de M. Mikati que les Français veulent que je démissionne avant la visite de M. Macron à Riyad parce que cela pourrait les aider à entamer un dialogue avec les responsables saoudiens concernant le Liban », a-t-il dit, tenant à souligner que M. Mikati « a reçu des garanties françaises concernant la reprise des relations bilatérales ». Il a alors discuté de cette éventualité avec Sleiman Frangié, chef des Marada – courant politique à l’origine de sa nomination en tant que ministre –, et ses alliés, qui lui ont laissé « la liberté de prendre position de la manière la plus appropriée ».
Selon lui, sa démission vient à la suite de « pressions importantes » et parce que « l’intérêt du Liban et des Libanais prime sur mes intérêts personnels ». Le ministre a encore souligné qu’il s’était retrouvé « importuné par les mesures de boycott » prises envers le Liban et par le fait que cette affaire avait « provoqué la panique parmi les émigrés libanais dans le Golfe ». Il a confié s’être retrouvé pris entre deux feux, les personnes « réclamant constamment » sa démission « dans l’intérêt du Liban » et les autres qui l’appelaient à ne pas quitter ses fonctions « parce qu’ils considéraient que cela porterait atteinte à la dignité nationale ».
Une page qui se tourne
À 16h, M. Cordahi remettait sa démission au Premier ministre, qui a nommé le ministre de l’Éducation Abbas Halabi comme ministre de l’Information par intérim. M. Mikati a estimé que cette démission était « nécessaire » pour tenter de rétablir les ponts entre le Liban et les monarchies du Golfe. Elle « pourrait ouvrir la voie à une résolution ce problème », a-t-il ajouté, espérant qu’une « page avait été tournée ».Une heure plus tard, Georges Cordahi remettait par écrit sa démission au chef de l’État Michel Aoun. Ce dernier a exprimé l’espoir que cette démission mettra fin au « déséquilibre » des relations entre Beyrouth et les pays du Golfe.
Après l’annonce du ministre, la livre libanaise en chute libre a regagné une partie de sa valeur par rapport au dollar, après avoir atteint un plus bas historique la semaine dernière. Il n’y a cependant aucune garantie immédiate que la démission améliorerait les relations du Liban avec les monarchies du Golfe, devenues de plus en plus tendues ces dernières années en raison de l’influence croissante du Hezbollah. Dans des déclarations à la presse, le chef de la diplomatie saoudienne avait à plusieurs reprises souligné que la crise n’avait pas été provoquée par les seuls propos de Georges Cordahi, mais avaient en toile de fond la mainmise toujours plus importante du parti chiite sur la politique libanaise.
Il n’y a aucune garantie non plus que cette démission ouvrira la voie à un règlement plus large de la crise gouvernementale liée, elle, au sort de Tarek Bitar. Le cabinet est en effet boycotté depuis le 12 octobre par les ministres chiites du tandem Hezbollah-Amal qui conditionnent leur retour au dessaisissement du juge chargé de l’enquête sur le drame du port. Mais selon un observateur politique, il n’y a pas de coïncidence au Liban. Pour lui, l’épilogue de l’affaire Cordahi ne peut complètement être détaché de la convocation par le président du Parlement Nabih Berry à une séance plénière le mardi 7 décembre au palais de l’Unesco. Si, officiellement, cette séance vise à étudier et adopter une série de projets de lois en suspens – notamment concernant des amendements au projet ESSN de la Banque mondiale devant venir en aide aux familles défavorisées ainsi que le dossier de la carte d’approvisionnement –, il est possible qu’elle soit aussi l’occasion de mettre sur le tapis le dossier épineux de l’enquête du port, ajoute l’observateur. Depuis quelques jours, des sources concordantes font état d’un package deal concocté entre Nabih Berry et le Courant patriotique libre avec la médiation du Hezbollah, prévoyant la tenue d’une séance parlementaire pour discuter de l’éventualité de déférer les personnalités politiques poursuivies par M. Bitar devant la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres, en contrepartie de l’acceptation du recours en invalidation des amendements de la loi électorale présenté par le CPL devant le Conseil constitutionnel. Des informations de presse indiquaient récemment que les aounistes seraient prêts à assurer le quorum requis pour la tenue d’une telle séance, sans pour autant voter en faveur du recours à la Haute Cour. M. Berry a refusé cette proposition et rejeté aussi une autre idée selon laquelle seuls quelques parlementaires du groupe Liban fort voteraient pour une telle démarche, rapporte notre chroniqueur politique Mounir Rabih. Le président du Parlement veut que des députés chrétiens du groupe aouniste votent pour cette loi. Les discussions n’ont donc pas encore abouti, surtout que le camp du président essaie de ménager la chèvre et le chou : sauver les derniers mois du sexennat sans provoquer la rue chrétienne et perdre encore plus en popularité.
Plus d’un mois après avoir provoqué par ses propos hostiles à la guerre au Yémen une crise diplomatique avec les monarchies du Golfe, le ministre de l’Information Georges Cordahi a fini par céder. Et le Hezbollah, qui refusait jusque-là de le lâcher, aussi. « J’ai décidé d’abandonner mon poste ministériel, a annoncé cet ancien animateur vedette lors d’une conférence...
commentaires (6)
Bon débarras, l'air est déjà moins vicié.
Christine KHALIL
20 h 43, le 04 décembre 2021