Emmanuel Macron ne pouvait pas se rendre en Arabie saoudite les mains vides pour plaider la cause du Liban. La démission hier du ministre de l’Information Georges Cordahi, dont les propos sur la guerre au Yémen avaient irrité le royaume wahhabite, est ainsi arrivée à point nommé. « Les Français voulaient que je démissionne avant la visite de M. Macron en Arabie, étant donné que cela peut aider à entamer le dialogue avec les responsables saoudiens », a admis l’ancienne vedette de télévision lors de sa conférence de presse. L’Arabie saoudite, suivie par d’autres pays du Golfe, a quasiment rompu ses relations diplomatiques avec le pays du Cèdre le 29 octobre dernier. Si le chef de la diplomatie saoudienne Fayçal ben Farhane a lui-même reconnu que cela n’était pas lié aux critiques de M. Cordahi sur l’intervention saoudienne au Yémen mais à « la domination du Hezbollah sur le Liban », la mise à l’écart du ministre trublion était considérée comme un premier pas nécessaire pour rétablir les relations avec Riyad.
L’information courait depuis quelques jours dans la presse : le Premier ministre Nagib Mikati a œuvré d’arrache-pied en concertation avec la France pour parvenir à ce résultat. Pourquoi le Hezbollah, qui soutenait M. Cordahi et refusait qu’il démissionne, a-t-il fini par le lâcher ? Difficile de répondre pour le moment. Mais Paris a réussi son coup. « Tout ce qui peut œuvrer à dépasser les tensions entre ces pays est apprécié », commente un diplomate français.C’est fort de ce succès que le président français rencontrera aujourd’hui le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. Emmanuel Macron a entamé hier sa visite dans le Golfe par une escale à Dubaï où il s’est entretenu avec le prince héritier d’Abou Dhabi Mohammad ben Zayed puis une autre le soir même à Doha où il a rencontré l’émir Tamim ben Hamad al-Thani. À l’occasion d’un point de presse lors de sa visite aux Émirats arabes unis, il a exprimé l’espoir « de progrès dans les prochaines heures sur le Liban ». Peut-il obtenir des résultats ? Sa dernière visite dans le Golfe en novembre 2017 lui avait en tout cas permis de « libérer » l’ancien Premier ministre Saad Hariri, séquestré à Riyad.
En acceptant de se rendre à Riyad pour rencontrer MBS – c’est le premier dirigeant occidental à le faire depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi imputé à Riyad –, Emmanuel Macron s’expose aux critiques, mais offre dans le même temps un cadeau au prince héritier qui cherche désespérément à se faire réhabiliter. Cela pourrait lui faciliter les choses pour obtenir des résultats sur le Liban et tenter d’inverser la politique punitive du royaume.
« La France a un rôle à jouer dans la région (...) mais comment vouloir œuvrer à la stabilité, comment vouloir traiter du Liban et traiter de tant de sujets en ignorant le premier pays du Golfe en termes de géographie et de taille ? » s’est défendu hier le président français aux Émirats. « Cela ne veut pas dire qu’on est complaisant, ça ne veut pas dire qu’on oublie », a-t-il insisté en allusion à l’assassinat de Khashoggi.
Le Liban sujet prioritaire pour Paris
Même si la visite dans le Golfe est surtout liée à des contrats d’armements, le Liban est encore un dossier prioritaire pour Paris, qui tient à le rappeler. S’étant fortement investi notamment depuis la tragédie du port du 4 août 2020, Emmanuel Macron refuse de lâcher prise, malgré l’échec de l’initiative française. « L’intention est de parler, entre autres, mais de façon importante, du sujet libanais. Nous sommes naturellement très conscients à Paris qu’à part le Qatar qui est ouvert, les autres pays sont réticents à aider un pays qu’ils perçoivent comme une carte dans les mains de Téhéran », commente un diplomate français rompu à la politique saoudienne. Au cours de l’été, l’ambassadrice française au Liban Anne Grillo s’était rendue à Riyad avec son homologue américaine Dorothy Shea pour convaincre le royaume de s’investir à nouveau au pays du Cèdre. Sans succès. L’Arabie saoudite ne veut plus entendre parler du Liban et semble espérer dans le même temps que sa politique coercitive poussera la population à prendre ses distances avec le Hezbollah. Mais une visite d’un président peut parfois changer la donne.
À Riyad, Emmanuel Macron reprendra à son compte l’idée de la nécessité pour les pays du Golfe de ne pas complètement se retirer de la scène libanaise pour ne pas laisser le champ libre à une plus grande emprise iranienne. Bien que cet argument se soit avéré infructueux par le passé, il essayera à nouveau de convaincre ses interlocuteurs qu’il est paradoxal d’être absent de la scène libanaise si l’objectif est précisément de ne pas livrer le pays à l’influence iranienne. Il pourrait éventuellement mettre en garde contre un vacuum politique que la Turquie pourrait se dépêcher de remplir auprès des sunnites. « Je ne suis pas sûr qu’il obtiendra des résultats très convaincants, mais il tentera le coup », indique le diplomate français.
Parmi les principaux sujets de discussion durant cette tournée, les moyens de réduire les tensions dans la région. C’est donc sous cet angle notamment que sera évoqué le dossier libanais lors de ses rencontres. Un sujet que le président français avait d’ailleurs longuement abordé avec le pape François le 26 novembre dernier. Le Saint-Siège avait alors insisté sur le fait que la stabilité de la région dépendait étroitement de celle du Liban. Le président français s’était engagé devant le Saint-Père à faire son possible pour tenter de plaider la cause du Liban devant ses interlocuteurs arabes.
Selon des informations obtenues auprès de Paris, M. Macron intercédera en faveur du peuple libanais en évoquant « l’urgence sur le plan humanitaire ».
Le Hezbollah « ennemi juré » de Riyad
Il négociera probablement des circonstances atténuantes à accorder au Premier ministre Nagib Mikati, que l’Arabie saoudite n’a même pas pris la peine de contacter depuis sa désignation. « Il est certain que la démission de M. Cordahi constitue un geste à l’égard de Riyad. Mais la question est de savoir si elle sera suffisante pour débloquer l’assistance financière saoudienne », poursuit le diplomate français. L’idée est d’essayer, de façon amicale, de continuer à faire pression en plaidant pour un « Premier ministre qui a envie d’entamer des réformes, même si on sait qu’il n’en a pas les moyens », ajoute-t-il. L’Élysée a apporté un franc soutien au gouvernement Mikati et souhaite que celui-ci enregistre quelques victoires avant les élections. Le calcul dépasse aussi le Liban. « Paris souhaite faire partie de la dynamique diplomatique qui a actuellement lieu pour amorcer une désescalade dans la région », décrypte de son côté Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institutes à Washington.
Au sein du royaume, les espoirs ne sont pas très élevés quant à une éventuelle reconversion en faveur du Liban. « Je ne crois pas que Macron parviendra à convaincre MBS de desserrer l’étau autour du Liban. Le Hezbollah, qui continue de soutenir la subversion dans les pays voisins de l’Arabie, est devenu l’ennemi juré de Riyad. Le Liban a été transformé en plateforme pour nourrir l’hostilité à l’égard du royaume et accroître les menaces sécuritaires à son encontre », commente Hussein Chabakchi, analyste et écrivain saoudien. « Démission ou pas, cela ne résoudra en rien l’interventionnisme du Hezbollah dans les pays arabes et dans le trafic de drogue, en direction de l’Arabie saoudite notamment », commente à son tour un autre analyste politique saoudien, Hamdane al-Shehri, en référence au trafic de captagon.
Karim Bitar, politologue libanais, résume l’équation comme suit : tant que le problème de fond n’a pas été réglé, une démission sans grand panache destinée à démontrer, en dépit de tout, la capacité d’influence de l’Arabie saoudite au Liban ne réglera pas grand-chose.
AUTANT CROIRE/ESPERER QUE TOUT PTI GENDRE DESESPERE ABOUTIR A POSER SES FESSES SUR LE TABOOURET DE BAABDA EN 2022 !
10 h 52, le 06 décembre 2021