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Politique - Torture dans les prisons

Un ancien détenu porte plainte contre Élias Murr devant la justice suisse

Le plaignant, qui avait été mis en détention provisoire pendant deux ans et huit mois pour suspicion d'affiliation au groupe Fateh el-Islam, demande au procureur de Genève d’engager des poursuites contre l’ancien ministre de la Défense en sa qualité de « supérieur hiérarchique des renseignements de l’armée » à l’époque des faits.

Un ancien détenu porte plainte contre Élias Murr devant la justice suisse

De nombreux cas de torture dans les prisons sont répertoriés par le centre des droits des prisonniers au sein de l’ordre des avocats de Tripoli. Photo Bigstock

Un ressortissant danois d’origine libanaise, placé en détention provisoire au Liban, à partir de 2007, pendant deux ans et huit mois, pour suspicion d'appartenance à l'organisation Fateh el-Islam, a déposé, le 10 octobre, une plainte auprès du procureur général de Genève, Olivier Jornot, contre l’ancien ministre de la Défense Élias Murr pour les tortures qui lui auraient été infligées durant son séjour carcéral. C’est ce qu’a annoncé récemment le centre des droits des prisonniers au sein de l’ordre des avocats de Tripoli, qui précise dans un communiqué que, selon lui, le plaignant a été torturé notamment par des éléments du service de renseignements de l’armée. Les combats dans le camp palestinien de Nahr el-Bared (Nord) avaient opposé à l’été 2007 l’armée au groupe terroriste Fateh el-Islam.

Interrogé par L’Orient-Le Jour sur le point de savoir pourquoi la plainte en question cible M. Murr, le directeur du centre des droits des prisonniers, Mohammad Sablouh, indique que ce dernier n’est pas visé en sa qualité personnelle, mais en tant que supérieur hiérarchique du service de renseignements de l’armée. L’avocat rappelle à cet égard qu’Élias Murr avait occupé le poste de ministre de la Défense entre 2005 et 2011, donc à l’époque des faits.

Une source juridique affirme cependant à L’OLJ que « le ministre de la Défense ne peut être considéré comme autorité hiérarchique des militaires chargés d’enquêtes judiciaires, d’autant que les institutions qui forment son ministère ne remplissent pas de rôle judiciaire ». Le ministre de la Défense n’a pas le droit d’accéder aux enquêtes, ajoute cette source, estimant qu’il serait difficile pour le plaignant de prouver « une prétendue responsabilité du ministre dans les pratiques de torture » qu’auraient commises des agents militaires. La source interrogée évoque enfin un délai de prescription de 10 ans à partir de la remise en liberté d’une victime, délai qui dans ce cas de figure a expiré en janvier 2020. Le plaignant avait en effet été relâché en janvier 2010. L’argument est toutefois balayé par M. Sablouh, qui précise que selon la convention des Nations unies contre la torture ratifiée par le Liban, les poursuites liées aux actes de torture sont imprescriptibles.

Pour mémoire

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Le directeur du centre des droits des prisonniers affirme par ailleurs que son manque de confiance dans l’efficacité de la justice libanaise le pousse à encourager les victimes de torture à s’adresser aux instances judiciaires étrangères. « Le centre établit des rapports documentés qu’il fait parvenir au Conseil des droits de l’homme des Nations unies », révèle-t-il dans ce cadre. « Nous avons répertorié plusieurs dizaines de cas de mauvais traitements grâce notamment à des rapports de médecins légistes et des informations recueillies sur la manière dont les services sécuritaires traitent les détenus », ajoute-t-il.

Contacté par L’OLJ, l’ancien bâtonnier de Tripoli Mohammad Mrad, qui était encore en exercice au moment où le communiqué du centre avait été publié (une nouvelle bâtonnière, Marie-Thérèse Kawal, a été élue le 21 novembre), indique que « le barreau de Tripoli poursuit les développements des questions liées aux pratiques de torture », soulignant toutefois qu’« il n’adopte pas le rapport soumis par l’avocat suisse du plaignant au procureur de Genève ».

Ciblage politique

Dans un communiqué qui a suivi celui publié par le centre des droits des prisonniers, M. Mrad a d’ailleurs tenu à préciser que « le barreau de Tripoli a pris connaissance d’une plainte présumée contre l’ancien ministre de la Défense Élias Murr (…), mais ne lance toutefois aucune accusation contre ce dernier ». « La loi édicte clairement que lorsqu’ils travaillent en qualité de police judiciaire, les services sécuritaires et militaires sont sous la supervision des parquets compétents, et n’obéissent pas au ministre de la Défense », a poursuivi M. Mrad, rappelant par ailleurs qu’Élias Murr « a failli payer de sa vie sa lutte contre le terrorisme, lorsqu’il a échappé à un attentat à la voiture piégée à l’époque où il était ministre de la Défense (juillet 2005) ».

Sur un autre plan, un observateur qui suit le dossier relève le caractère suspect du timing du dépôt de la plainte, 14 ans après l’arrestation du plaignant, se demandant s’il ne s’agit pas d’« un ciblage politique en rapport avec la prochaine échéance électorale », d’autant que, dit-il, il n’est pas exclu que M. Murr se présente aux élections législatives prévues l’an prochain. « En tout état de cause, aucun document en rapport avec la plainte n’a transparu à ce jour », note-t-il, en allusion à un manque de sérieux de l’information. « Élias Murr sera notifié au courant de la semaine prochaine », rétorque via L’OLJ Mohammad Sablouh.

Un ressortissant danois d’origine libanaise, placé en détention provisoire au Liban, à partir de 2007, pendant deux ans et huit mois, pour suspicion d'appartenance à l'organisation Fateh el-Islam, a déposé, le 10 octobre, une plainte auprès du procureur général de Genève, Olivier Jornot, contre l’ancien ministre de la Défense Élias Murr pour les tortures qui lui auraient été...

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