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Moyen-Orient - Nucléaire iranien

À l’approche de la reprise des négociations, Israël et Téhéran font monter les enchères

L’État hébreu prévient qu’il ne se considérera aucunement lié par les discussions à venir et qu’il est prêt à frapper, même si cela doit mener à des disputes avec ses plus proches alliés.

À l’approche de la reprise des négociations, Israël et Téhéran font monter les enchères

Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, rencontre le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian à Téhéran, en Iran, le 23 novembre 2021. Majid Asgaripour/Reuters

Comme à chaque veille d’échéance, Téhéran et ses adversaires jouent à qui criera le plus fort afin de démarrer la course avec, déjà, un pied à l’étrier. Cette fois-ci, la date-clé est celle du 29 novembre, jour qui doit marquer la reprise des négociations indirectes en vue d’une réactivation du deal sur le nucléaire entre la République islamique et les États-Unis. À ces discussions participent ceux qui sont toujours parties prenantes au plan d’action global (JCPOA) signé en 2015, à savoir Paris, Londres et Berlin – jouant les go-between entre les deux rivaux – auxquels s’ajoutent Moscou et Pékin. Entériné sous le mandat de Barack Obama, cet accord visait à restreindre drastiquement les activités nucléaires de Téhéran en échange d’un allégement des sanctions économiques à son encontre. Mais, en 2018, le président Donald Trump s’était retiré de manière unilatérale du deal, entraînant la mise en œuvre d’une stratégie de pression maximale, à savoir la réintroduction des mesures punitives contre la République islamique d’abord, puis leur renforcement.

Régulièrement remis aux calendes grecques depuis l’élection présidentielle iranienne de juin 2021 – après six cycles de discussions amorcés en avril –, ces pourparlers démarrent sur les chapeaux de roues, dans un contexte hautement tendu entre l’Iran et son adversaire le plus coriace, Israël, plus proche allié de Washington dans la région et partenaire stratégique implicite de Riyad, celui-ci vouant Téhéran aux gémonies.

Côté iranien, la nouvelle administration – proche des gardiens de la révolution (IRGC) – rechigne à parler de « négociations sur le nucléaire », expression à laquelle le négociateur en chef Ali Bagheri Kani préfère celle de pourparlers « pour le retrait des sanctions illégales et inhumaines ». Il s’agit d’exiger le maximum – la levée des sanctions nucléaires et non nucléaires – pour obtenir le minimum face à un Washington qui marche sur des œufs, pris en étau entre un gouvernement iranien jouant les gros bras et des alliés israélien et « golfiques » inquiets, et sur la défensive. D’autant que l’administration Biden est dans l’incapacité de répondre à l’une des requêtes principales de son interlocuteur, à savoir l’assurance que l’expérience de 2018 ne se répétera pas. Une promesse que Washington ne peut évidemment pas tenir puisqu’il n’est pas en mesure d’engager la responsabilité des gouvernements ultérieurs, l’accord n’ayant pas valeur de traité. Qui plus est, les États-Unis ont d’emblée prévenu qu’ils étaient prêts à lever les sanctions « incompatibles » avec une réactivation du JCPOA, mais peu disposés à revenir sur celles en lien avec les droits humains ou le « terrorisme », héritées de l’ère Trump.

Pour Washington, la fenêtre d’opportunité pour aboutir à un accord avec Téhéran est en outre limitée dans le temps, la République islamique ayant multiplié les signes de défiance vis-à-vis de la communauté internationale en réaction à l’initiative de M. Trump au point de produire aujourd’hui de l’uranium hautement enrichi à 60 %. Pour les observateurs, elle se rapproche ainsi à grands pas des 90 % nécessaires à la production d’une arme. Des diplomates internationaux ont par ailleurs déclaré hier que le chef de l’agence de surveillance atomique des Nations unies avait, la veille, quitté la République islamique sur un échec, sans parvenir à s’entendre avec celle-ci sur les modalités d’accès à une usine fabriquant des équipements pour son programme nucléaire. De quoi donner l’impression que les pourparlers qui s’annoncent sont déjà caduques.

Tacle

Côté israélien, des officiels hauts placés critiquent depuis plusieurs semaines, sous couvert d’anonymat, l’approche américaine au dossier iranien, Washington paraissant prêt à tout pour arriver à un accord, même aux compromis les plus vils du point de vue de l’État hébreu. En ligne de mire, l’impassibilité supposée, entre autres, de la Maison-Blanche face à l’attaque d’octobre commise contre une base américaine dans le sud de la Syrie et imputée par des officiels américains et israéliens interrogés par le New York Times à l’Iran par le biais de l’un de ses supplétifs régionaux, en guise de représailles aux frappes de l’État hébreu en Syrie. En outre, selon un article publié hier sur le site du quotidien israélien Haaretz, l’Iran aurait recours aux attaques de drones sur des cibles situées dans le Golfe persique par le biais de ses proxies afin de faire pression sur Washington et ses alliés pour qu’ils assouplissent leurs demandes relatives au programme nucléaire iranien.

Mardi dernier, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, s’est dit prêt à intensifier la confrontation avec Téhéran, précisant que son pays ne serait aucunement lié par un nouveau deal nucléaire avec plusieurs puissances internationales. Le chef du gouvernement est allé plus loin, affirmant de surcroît faire « face à des temps compliqués. Il est possible que des disputes émergent avec les meilleurs de nos amis », dans un tacle à peine voilé à l’adresse de Washington. Évitant soigneusement d’appeler à une guerre ouverte, il a toutefois souligné que les cybertechnologies pouvaient jouer en faveur de l’État hébreu.

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Or d’après l’article du NYT précité, l’administration Biden considère la campagne de sabotage menée par Israël contre le programme nucléaire de son rival au cours de ces dernières années comme un échec qui n’a « servi qu’à rapprocher les Iraniens de leur objectif ». Résultat des courses, ces derniers « ont rapidement rétabli les opérations sur les sites et installé de nouvelles centrifugeuses capables d’enrichir l’uranium plus rapidement ». « Il y a un déficit de pouvoir lorsque l’on parle d’option militaire israélienne contre l’Iran. D’un point de vue technique, Israël ne possède pas le système d’armement et de livraison pour détruire complètement l’infrastructure nucléaire iranienne », estime Abdolrasool Divsallar, coresponsable de l’Initiative de sécurité régionale à l’Institut universitaire européen et professeur adjoint à l’Université catholique de Milan.

Des menaces israéliennes qui viseraient donc surtout à faire monter les enchères. « Israël menace d’une frappe potentielle, l’Iran adopte une position maximaliste, Washington et l’Union européenne se concentrent sur l’aspect “non prolifération” du deal. Mais cela n’indique en rien que les parties n’évolueront pas au cours des négociations. C’est une position de prénégociations pour faire pencher la balance dans le sens désiré », poursuit le chercheur.

Le chef de l’AIEA déplore « l’absence d’accord » avec Téhéran

Le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), revenu de Téhéran, a déploré hier « l’absence d’accord » avec l’Iran. « Les discussions ont été constructives mais nous n’avons pas pu parvenir à un accord malgré tous mes efforts », a déclaré aux journalistes Rafael Grossi, au premier jour d’un Conseil des gouverneurs de l’instance onusienne à Vienne et à l’approche de la reprise des pourparlers diplomatiques. Après des semaines d’un « silence » qu’il avait qualifié de « stupéfiant », M. Grossi espérait faire des progrès sur plusieurs sujets de contentieux. Mais « clairement, non, nous n’avons pas pu avancer », a-t-il lâché. L’AIEA s’inquiète de la restriction des inspections depuis février par le gouvernement iranien, qui « entrave sérieusement » les activités de vérification, selon un récent rapport. Autre question en suspens, la situation de quatre sites non déclarés, où des matières nucléaires ont été détectées. Par ailleurs, l’émissaire américain Rob Malley a prévenu hier que les États-Unis ne resteront pas « les bras croisés » si l’Iran ne négocie pas de bonne foi pour sauver l’accord sur son programme nucléaire et continue à le développer, et ce avant la reprise des pourparlers prévue lundi à Vienne. « Les options dont dispose l’Amérique sont, vous le savez, connues de tous », a-t-il ajouté, laissant à nouveau planer la menace d’une action militaire.

Comme à chaque veille d’échéance, Téhéran et ses adversaires jouent à qui criera le plus fort afin de démarrer la course avec, déjà, un pied à l’étrier. Cette fois-ci, la date-clé est celle du 29 novembre, jour qui doit marquer la reprise des négociations indirectes en vue d’une réactivation du deal sur le nucléaire entre la République islamique et les États-Unis. À ces...

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